Eric Aubin est membre de la direction confédérale de la CGT, en charge du dossier retraites.
Les deux précédentes réformes, en 1993 et 2003, ont conduit à une baisse drastique du niveau des pensions. Mais la question du financement n'est toujours pas réglée. Jamais on a voulu augmenter les ressources afin de garantir le niveau des pensions et l'équilibre des régimes. Or, si l'on maintient les ressources au niveau actuel mais que le nombre de retraités augmente, les pensions vont baisser mécaniquement.
Alors que la concertation ne fait que commencer, le gouvernement semble considérer le recul de l'âge légal de départ en retraite ou l'allongement de la durée de cotisation comme le seul choix possible. Si l'objectif du gouvernement est celui-là, nous ne l'accepterons pas. Nous combattrons ces mesures, il n'y aura pas de compromis possible et l'on risque d'aller vers des mobilisations importantes.
Augmenter l'âge légal est inacceptable. Le seuil des 60 ans doit continuer à exister comme une possibilité offerte au salarié de partir en retraite. La situation des moins de 60 ans qui n'ont pas de travail est difficile : certains touchent déjà les minima sociaux et des mesures récentes (suppression de la dispense de recherche d'emploi et de l'allocation équivalent retraite, mise en place de l' offre raisonnable d' emploi) risque de rendre leur quotidien encore plus dur.
Allonger la durée de cotisation, c'est faire baisser le niveau des pensions car de moins en moins de salariés atteignent l'âge de la retraite avec le plein de leurs droits. Au contraire, nous demandons que le niveau des pensions soit rétabli au niveau d'avant 1993.
Si nous réglions la question de l'emploi, 50% des besoins de financement seraient trouvés. Or aujourd'hui, les jeunes entrent sur le marché de l'emploi à 23 ans, trouvent un emploi stable à 27, subissent la précarité tout au long de la carrière, et sont jetés des entreprises, en moyenne, à 58 ans et neuf mois!
Par ailleurs, il faudra bien régler le mal-être au travail des salariés français, dont beaucoup commencent dès 50 ans à compter les jours qui les séparent de la retraite. C'est intolérable! Les conditions de travail se sont détériorées, et l'intensification du travail est un frein à leur maintien dans l'emploi.
Enfin, un dispositif doit être mis en place pour reconnaître la pénibilité au travail. Sept ans après la loi Fillon, nous attendons toujours! C'est, pour nous, une question de justice sociale.
Oui, nous avons besoin d'une réforme. Mais il doit s'agir d'une réforme du financement des régimes de retraite.
Nous formulons cinq propositions précises :
• Elargir l'assiette des cotisations. En 2009, la Cour des comptes affirmait que l'accumulation de revenus non soumis à cotisation (la participation, l'intéressement, les bonus, les stock-options etc.) représentaient un manque-à-gagner de 3 milliards pour les retraites. Les soumettre à cotisations permettrait de faire entrer de l'argent dans les caisses.
• Moduler les cotisations en fonction du rapport entre la masse salariale et la valeur ajoutée. Il est intolérable qu'un artisan paie des cotisations sur les mêmes bases qu'un grand groupe comme Total. Il faut favoriser les secteurs à forte main d'œuvre, donc ceux qui embauchent et/ou qui ont une politique salariale dynamique.
• Mettre à contribution les revenus financiers des entreprises.
• Remettre à plat les exonérations sociales accordées aux entreprises qui représentent 30 milliards d'euros par an et qui sont attribuées sans contreparties et s'apparentent à des trappes à bas salaires.
• Si nécessaire, augmenter les cotisations employeurs et salariés. Les Français n'y sont pas opposés, à condition que cela permette de sauvegarder leur niveau de vie à la retraite.