Billet de blog 22 octobre 2010

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Adieu la protection sociale

«Pour quelle raison, au moment où le système capitaliste montre ses contradictions, fait-on appel à celui-ci pour trouver une solution pour pérenniser les régimes de retraites?», interroge Marc Blondel, ancien Secrétaire général de la CGT-FO.

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«Pour quelle raison, au moment où le système capitaliste montre ses contradictions, fait-on appel à celui-ci pour trouver une solution pour pérenniser les régimes de retraites?», interroge Marc Blondel, ancien Secrétaire général de la CGT-FO.

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L'une des caractéristique de la retraite –et peut être la seule qui soit positive– est la possibilité d'appréhender les problèmes avec un certain recul. Ainsi, un militant syndical prendra connaissance des informations journalistiques et de son organisation avec un relatif détachement, dont ne bénéficient pas les militants qui doivent avoir, comme ont dit en jargon cycliste, la tête dans le guidon.
Or, s'il est une situation particulière, pour un militant engagé dans le débat, intéressé à la fois pour l'ensemble des salariés et sa situation propre, et déjà quelque peu spectateur, c'est, bien entendu, les données du débat actuel sur les retraites.
Assister et soutenir l'action d'auto défense des syndicats mais se rappeler, parce qu'en avoir été l'initiateur, des actions de 1995 sur la réforme de la sécurité sociale et la remise en cause des régimes spéciaux, et avoir parfaitement le souvenir de la négociation nocturne, en 2003, avec Monsieur Fillon, à l'époque ministre des Affaires sociales, négociation que nous avions bloquée, permet de placer l'opération actuelle –car il s'agit d'une opération– dans un ensemble, une ligne de conduite, qui éclaire, je le suppose, l'opinion.
Pour cela, quelques mots d'histoire.
La disparition du mur de Berlin a marqué une évolution considérable dans l'analyse politique. Certes, il s'agissait de l'expression symbolique de la fin du système communiste, mais cela a conduit l'intelligentsia à considérer que la société n'avait comme moyen d'expression et de gestion que le système capitaliste, présenté, par opposition au collectivisme, comme celui de la liberté.
En quelque sorte, l'individualisme opposé au collectivisme, cette prédisposition est actuellement partagée par ce qu'on appelle le droit, mais aussi par la gauche, celle-ci s'étant ralliée à la notion de marché.
Il s'agit, pour la France, d'un bouleversement fondamental: depuis 1945, notre pays était géré de manière mixte. Pour avoir discuté avec différents Présidents de la République, je peux affirmer qu'ils étaient conscients du rôle que jouaient le capitalisme, l'étatisme, la fonction publique, les nationalisations et, spécificité française, le paritarisme, qui regroupait pour l'essentiel la protection sociale sous toutes ses formes (institutions de retraites, sécurité sociale, régime de chômage).
Lors des consultations électorales, en fonction du résultat, on faisait évoluer les composantes. Pour la gauche, plus d'Etat et de paritarisme. Pour la droite, plus de capitalisme, mais sans remettre fondamentalement en cause le système.
C'est cette méthode que, sous la pression de l'Union européenne et peut être par idéologie, le gouvernement français veut remettre en cause.
La première interrogation que tout citoyen normalement informé devrait se poser est la suivante :
Pour quelle raison, au moment où le système capitaliste montre ses contradictions, fait-on appel à celui-ci pour trouver une solution pour pérenniser les régimes de retraites ?
Une lecture attentive des journaux –ce qui est possible pour les retraités– montre que dès novembre 2009, des experts, notamment après sondage par Allianz Global Investors et l'institut ZEW, considéraient que la retraite par capitalisation devrait être dominante en Europe d'ici dix ans.
Et cette orientation sera reprise par le livre vert (pdf) publié par la Commission européenne.
Dès, lors tout s'explique.
Le gouvernement prend prétexte de la fragilité des retraités pour mettre en route un glissement du système, et de surcroît pratique l'amalgame pour sensibiliser l'ensemble des salariés.
Je m'explique.
Il n'y a pas de problème de financement des retraites des fonctionnaires, les pensions devant être financées par le budget de l'Etat (inscription sur le Grand Livre de la Dette Publique). Le problème est alors celui du budget et de son déficit.
A ce sujet, j'ai souvenir d'avoir durablement bloqué la négociation de 2003 parce que Monsieur Fillon était accompagné de Monsieur Delevoye en qualité de ministre de la Fonction publique lors des discussions nocturnes au Ministère du travail. Comme les représentations syndicales étaient constituées par des délégations du privé et que le patronat était représenté par Guillaume Sarkozy, j'ai, durant quelques heures et avec obstination, déclaré que je ne comprenais pas la présence de l'un ou de l'autre.
Ceci étant dit, je m'interroge sur l'opportunité de présenter, pour approbation, le budget de la République française à la Commission européenne, cela interpelle ma qualité de citoyen et relativise mon pouvoir d'électeur.
Le gouvernement passe sous silence la position des salariés qui dépendent de la CNRACL, la caisse des collectivités locales, pour l'essentiel des municipaux et des hospitaliers qui, compte tenu de l'évolution des effectifs, l'Etat se déchargeant d'une part de ses fonctions, est en position démographique excédentaire; bien mieux, la caisse finance les structures de transferts vers certains régimes et pas seulement des salariés.
Reste enfin la situation des salariés du privé, composée pour l'essentiel par le régime vieillesse, la sécurité sociale et les régimes paritaires complémentaires par répartition qui couvrent actuellement pratiquement toutes les professions.
S'agissant de la sécurité sociale, personne ne peut contester que celle-ci sert de vache à lait: les nombreuses exonérations décidées par les gouvernements successifs, censées faciliter l'embauche, ont obéré durablement le financement, d'autant que les remboursements initialement prévus par le budget de l'Etat nous renvoient à la notion du déficit.
En ce qui concerne les régimes complémentaires, la solution, et chacun le sait, est d'augmenter les cotisations sociales, qu'elles soient patronales ou ouvrières, il s'agit de salaire différé et, bien entendu, cela conduira à une revendication salariale.
Et c'est en cela que j'aperçois une contradiction, la discrétion du patronat dans le débat: il semble que celui-ci ait obtenu la garantie qu'il n'y aurait pas de charges salariales nouvelles, sous prétexte que cela nuirait à l'emploi.
Chantage habituel ! Je m'inscris en faux: lorsqu'il y a du travail, les patrons embauchent, ils n'embauchent pas pour faire plaisir.
Et cela pose le problème de fond. Que voulons-nous faire des retraités? Des citoyens qui consomment, se soignent et financent ainsi les métiers à la personne par exemple, voire du tourisme ... ou des gens qui subsisteront avant de rejoindre les hôpitaux qui redeviendront ainsi des mouroirs pour assistés?

Le problème n'est pas nouveau: déjà, lors de la mise en place des assurances sociales, Léon Jouhaux l'avait soulevé, c'est la sécurité sociale qui a solvabilisé le corps médical et pharmaceutique.
Ce sont les congés payés qui ont développé le tourisme.
C'est la restitution vers les gens modestes qui soutient la consommation, ce n'est pas l'épargne. Le rendement financier n'est pas synonyme d'essor, au contraire, il est un frein à l'expansion.
Quel que soit le sort réservé à la pseudo réforme des retraites –et j'espère que le gouvernement comprendra–, le Président de la République, lors du G20 qu'il devrait présider, devrait être fidèle à ce qu'il a su déclarer au BIT à Genève, se félicitant que la protection sociale en France ait constitué un amortisseur de la crise.
La transparence en la matière n'est pas qu'une affaire de chiffres, on mesure l'ambition d'un pays au sort qu'il réserve au plus grand nombre, la vieillesse ne doit pas être une charge, mais un atout.

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