Nos camarade de la revue suisse (présente sur internet) A l'encontre ont publié la déclaration ci dessous de nos camarades égyptiens, qui tracent des perspectives révolutionnaires a partir de la situation Egyptienne. Ces perspectives semblent assez intéressantes pour être discutées largement
Préambule de la rédaction d’A l’Encontre
Nous publions ci-après, pour information, un document programmatique de l’organisation égyptienne des Socialistes Révolutionnaires. Il a été mis en ligne sur le site e-socialists.net. Sa version anglaise l’a été le 27 décembre 2011. Nous avons déjà mentionné dans un article publié sur ce site (« Egypte : une nouvelle phase dans l’affrontement politique et social » www.europe-solidaire.org/spi...) la campagne menée par les autorités militaires et les islamistes contre les Socialistes Révolutionnaires. Dans le même article, nous avions cité longuement leur riposte politique.
Il est intéressant de prendre note que Al-Ahram Hebdo (28 décembre 2011-2 janvier 2012), dans un article intitulé « Accusations non fondées », affirme : « En guise de clarification de leur position et de leur vision de la révolution en Egypte, les membres du mouvement des Socialistes Révolutionnaires ont saisi l’occasion de la grande manifestation à la place Tahrir la semaine dernière [23 décembre] pour défendre la dignité des femmes en Egypte. Ils ont distribué leur bulletin publié par le Centre des études socialistes. « Cette campagne de désinformation est naïve et prouve que la mentalité de l’ancien régime règne toujours en Egypte. Cette mentalité est basée sur le fait de diaboliser toute force d’opposition. Il n’y a pas de renversement d’Etat, mais plutôt un renversement de régime. Après les derniers incidents, beaucoup de gens ont demandé le renversement de l’Etat qui tue son peuple. Ils veulent le pouvoir qui dirige le pays. Les idées ne sont pas un crime », assure Waël Khalil, militant politique. Et de préciser : « Le communiqué du mouvement socialiste est une réponse à cette campagne. Dorénavant, il sera difficile de tromper les gens. » Cet article traduit, de fait, le soutien que les Socialistes Révolutionnaires ont reçu de secteurs démocratiques contre les mesures répressives du pouvoir et la campagne de dénonciation des islamistes.
Le pouvoir militaire continue ses actions répressives et d’intimidation. Le 29 décembre 2011, 17 sièges d’ONG liées à la défense des droits de la personne humaine ont été occupés par les forces policières et militaires et leur matériel a été séquestré. Une conférence de presse a été tenue par 27 ONG le 30 décembre : à cette occasion, les organisations ont signé une déclaration condamnant « la campagne sans précédent » contre les militants politiques et les organismes de défense des droits humains. Elles ont dénoncé vivement « les violations honteuses des droits humains » par le Conseil suprême des forces armées (Ahram Online, 30 décembre 2011).
Quatre officiers de police et un officier non en fonction officielle, accusés d’avoir tué cinq manifestants les 28 et 29 janvier 2011, ont été acquittés par le tribunal du Caire, le jeudi 29 décembre. Or, c’était le premier jugement contre des officiers accusés d’assassinats de manifestants lors de la montée révolutionnaire de janvier, en particulier lors de la manifestation dite du « Vendredi de la colère » le 28 janvier 2011. Une manifestation est appelée par les familles des martyrs pour le samedi 31 décembre. Elle doit se dérouler devant le bâtiment de Haute Cour de justice, au Caire. Diverses organisations politiques et mouvements soutiennent cette manifestation. Ces événements reflètent une partie des affrontements politiques en cours en Egypte aujourd’hui.
L’arrivée du FMI en janvier 2012 – qui vient d’être annoncée – va mettre en lumière les choix de politique sociale et économique que les élites dominantes vont tenter de mettre en œuvre, en les présentant comme « prescrits par un pouvoir extérieur », comme à l’habitude dans ce genre de conjoncture.
La révolution égyptienne traverse une période extrêmement dangereuse. Celle-ci est pleine de possibles. Il y a, d’abord, les incessantes tentatives de la contre-révolution pour faire avorter la révolution : en allumant des conflits confessionnels et en créant un état de panique et d’insécurité afin de détourner les masses du processus révolutionnaire ; en préparant le terrain idéologique et pratique pour des représailles organisées contre le mouvement de masse par la racaille [le terme égyptien baltaguiya désigne les voyous, prisonniers de droit commun, etc. utilisés par le pouvoir pour attaquer les manifestant·e·s], la police et l’armée.
La crise économique joue un rôle contradictoire en ce qu’elle pousse, d’un côté, certaines fractions des masses à protester, occuper et faire grève, alors que, simultanément, de l’autre côté, elle conduit d’autres fractions de ces dernières dans les bras de la contre-révolution et de sa propagande qui instrumentalise l’idée selon laquelle c’est la révolution elle-même qui est la cause du chaos et de la crise économique.
Un deuxième facteur à l’œuvre dans cette phase cruciale réside dans le rôle joué par les forces politiques islamistes et libérales-réformistes qui s’efforcent de contenir la révolution dans les limites de la démocratie formelle. Ces forces sont convaincues qu’elles obtiendront une plus grande part du pouvoir et de la richesse sans porter atteinte à l’ancien système socio-économique. Elles flirtent ainsi, d’une part, avec le Conseil militaire [le Conseil suprême des forces armées dirigé par le maréchal Tantaoui et qui tient les rênes du pays] et les vestiges de l’ancien régime, faisant des promesses sur leur capacité à maîtriser et à mettre fin politiquement au mouvement de masse, cela dans la mesure où elles ne peuvent obtenir ce résultat par le biais de la répression. D’autre part, ces mêmes forces essaient de décourager les masses avec des promesses fallacieuses ayant trait à leur prétendue capacité à faire en sorte que leurs aspirations et leurs revendications pourront être satisfaites au moyen de l’instrument parlementaire traditionnel.
Le troisième facteur réside bien sûr dans le mouvement de masse lui-même : avec un mouvement des travailleurs et travailleuses à l’avant-garde, entouré par des mouvements de contestation des pauvres et des opprimé·e·s, dont les activités se poursuivent depuis le début de la révolution et qui ont atteint un niveau sans précédent durant les mois de septembre et d’octobre avec une vague de grèves massives impliquant 700’000 travailleurs et travailleuses pour la première fois dans l’histoire de l’Egypte moderne. En outre, il y a eu des manifestations et des sit-in jamais vus, conduits par des pauvres Coptes, des Nubiens, le peuple du Sinaï [les Bédouins] et d’autres fractions de la société qui ont souffert d’une oppression organisée par le régime pendant des décennies.
Nous pouvons voir en ce moment trois ensembles de forces fondamentales à l’œuvre (bien qu’il s’agisse là d’une représentation assez simplifiée). Tout d’abord les forces de la contre-révolution, dirigées par le CSFA, les dirigeants d’entreprises ainsi que les vestiges de l’appareil de sécurité du régime qui préparent intensément d’amples attaques armées contre le mouvement révolutionnaire de masse afin de rétablir l’ancien régime accompagné de quelques modifications superficielles.
Il y a en, ensuite, les forces qui furent opposées à l’ancien régime, conduites par les Frères musulmans, lesquels souhaitent maîtriser et mettre fin à la révolution en utilisant le parlement. Ils comptent sur leur capacité et sur leur expérience en termes d’organisation ainsi que sur leur large soutien au sein des masses.
Le troisième ensemble de forces, enfin, est celui qui entend poursuivre et approfondir la révolution et la transformer en une complète révolution sociale. Au centre de cet ensemble se trouve le mouvement ascendant des travailleurs et travailleuses, lequel à fait la démonstration d’une force, d’un activisme et d’une conscience à un degré qui terrifie non seulement la bourgeoisie égyptienne, mais aussi la bourgeoisie mondiale (il suffit d’observer les reportages dans les journaux à travers le monde sur le danger que représente le mouvement des travailleuses et travailleurs égyptiens pour la stabilité à l’échelle internationale).
Dans la phase actuelle du processus révolutionnaire en Egypte, ces trois forces s’équilibrent. Les fissures s’accentuent au sein des forces de la contre-révolution et de l’appareil d’Etat en général et il devient plus difficile de les résorber dans un avenir prévisible. La révolution des masses égyptiennes a porté à cet appareil un coup dont il lui est difficile de se remettre. Le régime est encore debout, mais il est faible et ses dirigeants sont atteints d’un état de paralysie, de peur, d’hésitation et de désintégration. (Des exemples de cela peuvent être vus dans le chaos au sein de la police, les grèves menées par des caporaux de police, l’état de terreur qui règne parmi les officiers de l’armée sur la possibilité d’une division dans ses rangs et dans la paralysie du système judiciaire confronté à des revendications de « nettoyage » de l’institution et enfin par des grèves d’avocats.) Nous pouvons ajouter à cela la pression exercée par la crise économique, malgré la tentative du régime de l’utiliser dans ses objectifs de propagande pour attiser l’hostilité envers la révolution au sein de la classe moyenne et parmi les couches et, de ce fait, de leur transmettre une dimension politique, visant à la chute de la coalition entre les militaires et les marchands de religion ; cela en mettant à nu l’opposition viscérale de cette coalition aux droits politiques, sociaux et économiques de tous les salariés et paysans pauvres.
3° Lutter avec les pauvres, les id_auteur=9024">Socialistes révolutionnaires
* Publié par le site suisse A l’Encontre le 30 - décembre - 2011