Outre la petite phrase sur la relation logique entre festivals, Cannes et cinéma d'auteur qu'analyse l'ex-rédacteur en chef des Cahiers du Cinéma, Emmanuel Burdeau, dans son premier papier pour Mediapart ce jour, le discours de Gilles Jacob lors de la conférence de presse contenait une autre perle, en forme d'excellente surprise : la décision du Festival de mettre en ligne les cinq premières minutes de chacun des films de la sélection officielle (compétition et Un certain regard).
Cette initiative traduit un double mouvement. D'un côté, la volonté clairement affichée de considérer désormais l'internet comme l'un des supports à part entière du cinéma, et de profiter de sa puissance pour faciliter un accès mondial aux films. De l'autre, le refus de céder à des usages et des pratiques supposés aller de pair avec ces évolutions technologiques et qu'on peut sommairement qualifier de culture du zapping.
Oui internet est l'avenir du cinéma, non il ne va pas réduire les films à leurs produits dérivés dans une postmodernité qui ne relèverait que du gadget. Le statement est d'importance au moment où les bandes-annonces sont de loin, s'agissant du cinéma, ce qui circule le plus sur internet. Souvent même avant que les films soient réellement terminés. On peut ainsi, par exemple, voir depuis plusieurs mois sur le net un trailer d'Inglorious Basterds nouveau film de Tarrantino, dont Thierry Frémaux ne cachait pas lors de cette même conférence de presse qu'il n'était pas fini de monter mais qu'il serait prêt pour Cannes où il est en compétition.
En montrant sur son site officiel, à mesure qu'il seront projetés, les cinq premières minutes de chaque film, le Festival nous intime d'entrer dans les œuvres par leur porte. Pour ceux qui, comme moi, ont toujours préféré, pour s'en faire une idée, lire les premières pages d'un livre plutôt que sa quatrième de couverture, c'est une formidable nouvelle. L'occasion de rappeler qu'à l'instar de la musique ou de la littérature, le cinéma est peut-être d'abord et avant tout un art de la durée, fut-elle aussi brève que les cinq premières minutes – dont on ne dira jamais assez combien – bon sang, mais c'est bien sûr ! – elles sont plus décisives encore que les trop fameuses cinq dernières.
A suivre donc sur le site officiel du festival.