Billet de blog 28 avril 2025

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Pascale Brachet

"Le féminisme sera dépassé quand le machisme aura trépassé"

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Loi contre les déserts médicaux : tant de lutte pour l'accès aux soins ?

La régulation de l’installation des médecins sur le territoire, article adopté par l’Assemblée Nationale le 2 avril 2025, est indispensable pour réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins. Ce 28 avril 2025 des médecins et étudiant-es seront en grève contre le projet de loi contre les déserts médicaux.

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Le 2 avril dernier est passé à l’Assemblée Nationale le projet de loi transpartisan contre les déserts médicaux. Un des articles du projet propose la régulation de l’installation des médecins sur le territoire : ce n’est pas une solution « miracle », mais c’est une mesure indispensable pour atteindre l’objectif fixé. Cet article a été adopté. Les suivants seront examinés en mai.
Mobilisé.es sur le Pays de Vilaine, nous n’avons pas pris le temps de publier un article d’édition à ce sujet.
Depuis, des syndicats de médecins et d’étudiant.es en médecine montent au créneau contre cette loi et notamment contre la régulation de l’installation : ils appellent à une grève le 28 avril 2025, certains syndicats étudiants pour une grève illimitée.
Nous souhaitons nous exprimer à leur suite en publiant ici la synthèse de nos communiqués de presse.

Dans le Pays de Redon, plus de 10 000 personnes se retrouvent sans médecin généraliste, contraintes de faire plusieurs dizaines de kilomètres pour trouver un médecin disponible, de se rendre aux urgences hospitalières pour se soigner, ou qui décident tout simplement de renoncer aux soins. Dans toute la France, ce sont des millions de citoyens-nes qui se trouvent dans une situation dramatique, sans suivi médical, alors que de nombreux médecins sont saturés, ne pouvant plus répondre aux demandes des patients.

Pourtant, force est de constater que certains territoires sont mieux pourvus en médecins généralistes et en médecins spécialistes : une carte récemment construite par l’Institut de Recherche et Documentation en Economie de la Santé, témoigne des énormes inégalités territoriales qui existaient en 2021 au sein des territoires bretons : toute la zone littorale et la métropole rennaise étaient bien mieux pourvues en médecins généralistes et spécialistes que l’intérieur des terres (1). Et la situation n’a cessé de s’aggraver depuis. En Ille et Vilaine, en 2024, 7 médecins sur 10 se sont installés dans la métropole rennaise qui a une couverture de 10,8 médecins pour 10 000 habitants. 
Pour rappel, le Pays de Redon n’a que 5,8 médecins pour 10 000 habitants.

L’Association de Citoyens Contre les Déserts Médicaux se mobilise depuis de nombreuses années pour que les médecins s’installent aussi dans les zones les moins dotées. Contrairement à ce que proclament certains syndicats de médecins, il ne s’agit en aucun cas de la fin de l’exercice libéral. L’objectif est de refuser des installations dans les territoires déjà bien dotés (soit 13% du territoire), et de laisser les médecins choisir une commune sous dotée (cela correspond actuellement à 87% du territoire). 

Cette régulation sélective de l’installation est une nécessité absolue pour construire un service de santé qui réponde aux besoins de tous et de toutes, partout sur le territoire français. Signalons que les autres professions de santé, comme les pharmaciens et les dentistes, ont accepté l’idée d’une régulation de leur installation par les Agences Régionales de Santé, ce qui contribue à leur meilleure répartition spatiale sur le territoire. La régulation des médecins existe dans d’autres pays, comme le Canada ou l’Allemagne, pourquoi ne serait-elle pas possible en France ? 

Nous avons donc souhaité répondre de façon détaillée aux détracteurs de la loi contre les déserts médicaux, médecins ou futurs médecins qui affirment que cette loi s’attaquerait à leurs libertés, découragerait les futurs médecins d’exercer leur métier, et par contre coup, desservirait les patients qui attendent désespérément d’être soignés. 
Quelques collectifs incitent en effet médecins et futurs médecins à se mobiliser contre ce projet et exercent un véritable lobbying à l’Assemblée nationale. Reprenons leurs arguments et confrontons-les au texte de la proposition de loi. (Assemblée nationale : n°682 -Décembre 2024)

" La proposition de loi transpartisane défendrait des mesures coercitives, où les médecins seraient obligés de s’installer dans certains territoires".

FAUX

L’article 1er préserve le principe de la liberté d’installation. Les aides aux médecins actuellement fournies dans les secteurs les plus sous-dotées y seraient maintenues. Il est uniquement proposé de l’encadrer dans les 13 % des territoires les mieux dotés : ne pourra s’installer un nouveau médecin que si un de ses confrères y cesse son activité. Donc, leur nombre devrait y rester constant. Rappelons qu’à ce jour les autorités de santé régulent toutes les autres professions de soins, y compris désormais celle de dentiste.

“Personne n’irait s’installer en zone sous-dotée” 

FAUX

La régulation de l’installation pourrait concerner un peu plus de 400 médecins par an, rien que pour les généralistes libéraux. La régulation de l’installation pourrait permettre chaque année à près de 600 000 patients de retrouver un accès régulier à un médecin, voire de retrouver un médecin traitant - sans même prendre en compte les installations de médecins spécialistes.

Ces collectifs mettent en cause le mode de calcul du nombre de médecins par territoire. 
Ils prétendent que les tenants du projet de loi opèrent un calcul erroné qui ne prendrait pas en compte les « temps partiels », ni ceux qui exercent d’autres fonctions que la médecine proprement dite. 

FAUX

La proposition de loi s’appuie au contraire sur un indice calculé par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) et utilisé par le Conseil de l’Ordre des médecins. Mieux, le projet propose d’améliorer cet indice en créant un Indicateur Territorial de l’Offre de Soins (ITOS) par bassin de vie pour créer une carte de l’offre prenant en compte l’âge de la population, les facteurs de risques, le non-recours aux soins. Même dans les zones urbaines en moyenne mieux dotées, les député-es constatent, d'un quartier à l'autre, de fortes disparités que ce projet permettra de résorber en priorité.

“La régulation de l’installation va tuer la médecine libérale”

FAUX

Le groupe transpartisan a fait adopter en commission un amendement pour préciser que la régulation concernait à la fois les libéraux et les salariés de centres de santé : il s’agit bien d’une approche territoriale qui englobe l’ensemble des praticiens, généralistes comme spécialistes, libéraux comme salariés.

La régulation de l'installation ne remet pas en cause l'exercice libéral, ni ne dévalorise la profession médicale. Des mesures sur la formation engageraient un nouveau contrat entre la Nation et ses médecins : démocratiser l’accès aux études et proposer une première année de médecine dans chaque département, et un CHU dans chaque région. Développer les stages en déserts médicaux et la formation de maîtres de stage.

Espérons qu’une majorité de médecins, soucieux de garantir des soins de qualité et équitablement offerts à toute la population prendront positivement acte de ce projet et qu’une majorité de députés de tous bords politiques continueront à le soutenir comme dans la nuit du 3 avril 2025 en le votant majoritairement. Cette proposition de loi, appuyée par l’ACCDM, France Assos Santé et UFC Que choisir est approuvée selon les sondages par 86 % des Français.

L’ACCDM soutient pleinement la proposition de loi transpartisane, construite par un groupe de député-es autour de Guillaume Garot, Yannick Favennec, et auquel participent activement Mathilde Hignet, Jean-Claude Raux et Paul Molac, les député-es des circonscriptions du Pays de Redon. Nous les remercions pour leur engagement dans la défense de l’accès aux soins de santé pour toutes et tous. Nous espérons que tous les autres députés prendront le temps d’étudier le sujet, de participer pleinement à ce débat, et qu’ils auront à cœur de résoudre l’accès aux soins de santé de millions de français des territoires semi-ruraux ou ruraux éloignés des métropoles et des littoraux. Nous leur avons à toutes et tous écrit en ce sens. Merci à celles et ceux qui nous ont répondu.

Deux billets publiés ces derniers jours au sein du Club de Médiapart ont particulièrement retenu notre attention :

Les centres de santé, l'autre réponse aux déserts médicaux
Nous soutenons le projet d’un centre de santé porté par 3 communes du Pays de Vilaine, Saint-Nicolas de Redon, Avessac et Fégréac (44). Nous confirmons qu’un Centre de Santé communautaire Sentiers en Santé, à Langon (35) vivra les difficultés de pérennisation détaillées dans la tribune. Nous avons évidemment signé l’appel à signatures tribune de soutien aux centres de santé.

Régulation de l'installation des médecins : de quelle liberté parle-t-on ? 
Nous sommes soulagé-es de lire que des jeunes médecins vont dans le sens de la proposition de loi.


Groupe d’animation de l’antenne du Pays de Vilaine
Association de Citoyens Contre les Déserts Médicaux (ACCDM)

(1) une-approche-multiprofessionnelle-de-l-accessibilite-aux-soins-de-premier-recours

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