Billet de blog 11 août 2009

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La génération 21 avril veut des primaires! (#11)

Par Emmanuel Kujawski (conseiller municipal de Sevran -93-) ; Nabila Habbida (chercheuse d'emploi) ; Antoine Bouhey (chargé de mission dans une ONG humanitaire) ; Emilie Tack (militante européenne) ; Jean-Baptiste Fribourg (chargé de production artistique) ; Anne Dufeil (militante écologiste) ; Romain Robinet (professeur d'histoire).

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Par Emmanuel Kujawski (conseiller municipal de Sevran -93-) ; Nabila Habbida (chercheuse d'emploi) ; Antoine Bouhey (chargé de mission dans une ONG humanitaire) ; Emilie Tack (militante européenne) ; Jean-Baptiste Fribourg (chargé de production artistique) ; Anne Dufeil (militante écologiste) ; Romain Robinet (professeur d'histoire).

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Illustration 1

Nous sommes de jeunes militants, associatifs, sympathisants ou simples citoyens de gauche. Le 21 avril 2002, date de notre premier vote, la République nous avait réservé un bizutage sans pareil dans son histoire. Le Pen aux portes de l’Elysée, nous avions donc été contraints de voter pour le candidat de droite au second tour. Et depuis, nous assistons à l’enlisement de la gauche.

L'historique de cet enlisement, nous le connaissons. Si les formations politiques à gauche sont devenues des machines à gagner les élections locales, elles n’ont pas pour autant de discours structuré au niveau national. Parce qu’elles sont trop souvent victimes de leur divisions et manquent de cohérence interne, c'est sans elles que nous avons construit en 2006 notre première victoire politique, contre le CPE. Et puisqu’elles n’ont pas su y offrir un quelconque débouché, cet espoir a été réduit à néant dès l’année suivante par l'élection de Nicolas Sarkozy. Depuis, notre génération semble condamnée à poursuivre son chemin de croix, victime d'un traumatisme dont personne à gauche n'a encore retenu les leçons.

Conséquence logique de ce qui précède, nombre d’entre nous ne se retrouvent pas dans le Parti Socialiste, et ne se sentent plus liés par l'impérieuse nécessité de "voter utile". À quoi bon sceller l'hégémonie d'un parti, si lui-même ignore ce qu'il fera ensuite de ce chèque en blanc, sinon chercher des alliances improbables sur la base d’un projet inexistant? Le dernier scrutin des européennes l'a confirmé. Nous savons que sans changement majeur, il en sera de même en 2012. Et que la gauche perdra l’élection présidentielle si elle persiste à présenter autant de candidats que de chapelles, dans le seul espoir de se compter.

Au passage, cette division n’est pas seulement un danger pour la gauche, mais aussi pour la démocratie. Dès le soir du premier tour, des millions d’électeurs ayant voté pour les perdants, se retrouvent jetés dans les bras d’une figure –ayant validé son billet pour le second tour-, qui porte l’orientation qu’ils ont pourtant combattue par leur vote. Comment s’attendre à ce que soient intègrées dans son programme les aspirations des autres familles de la gauche, alors même que les clivages ont été exacerbés durant la campagne? C’est absurde. Nous sommes convaincus qu’il faut aujourd’hui en finir avec cette course à la division stérile, fruit d’une Ve République dévoyée par les partis.

Nous savons que cet émiettement ne naît pas de différences idéologiques insurmontables pour les électeurs de gauche, mais de stratégies partisanes qui nous mènent de petites victoires en grandes défaites. Le préalable à toute victoire de la gauche à l’élection présidentielle, c’est pour nous la définition d’un projet commun et la désignation d’une figure reconnue par le plus grand nombre pour le porter. Cela ne pourra se faire par de simples « accords techniques » entre des formations asséchées et soucieuses de leur propre existence avant tout. Finissons-en avec les négociations d’appareils ratifiées par des militants au garde-à-vous.


Nous ne pouvons plus faire l’économie d’une grande lessive idéologique. Les divergences sont trop souvent contradictoires, au sein même des partis: social-libéralisme ou social-démocratie ; social-radicalisme ou gauchisme ; positionnement idéologique de l’écologie politique à gauche ou non ; protestation pure ou démarche collective, etc.: Il faut choisir! En 1900, Jaurès et Guesde avaient réglé en public la question du fond au cours de la fameuse «Conférence des deux méthodes». Un siècle plus tard, nous sommes persuadés que la gauche a de nouveau besoin de laver son linge avec toutes ses familles.


Cette confrontation, si âpre soit-elle, doit se faire dans le cadre d’élections primaires ouvertes à tous les partis, à tous les sympathisants, militants associatifs et représentants de la société civile. Le débat pourra alors véritablement éclater, et le peuple de gauche en devenir l’acteur principal. Car sans nous faire les âpotres de la démocratie participative, nous restons persuadés que tous les outils sont disponibles aujourd'hui pour mettre le citoyen au centre de la vie politique. Grâce à ces primaires, il lui reviendra in fine de trancher, au moyen de son vote, en faveur d’un véritable projet de société, porteur de ses aspirations en matière sociale, économique, démocratique et écologique.


Alors parlons du fond, vite. Bâtissons ensemble le projet qui fera à nouveau de la Cité un espace d'émancipation: parlons des transports, de vie en ville, de bioéthique, de l’agriculture, de la préservation de la Planète, du nucléaire, de répartition des richesses, des conditions de travail, d’éducation, de culture, des droits humains, d'Europe, des organisations internationales, de l’Afrique et de la Chine! Et traçons ensemble les lignes de la société que nous voulons pour demain!


Cette démarche n'est pas sans risque.
Oui, elle pourrait faire émerger des têtes inconnues jusqu'alors, ainsi que des formations tout aussi inconnues.
Oui, elle pourrait être synonyme de disparition des partis que nous connaissons aujourd'hui. Et nous mener progressivement au bipartisme.
Oui, elle pourrait tout changer.

Et c'est bien parce qu'elle nous paraît être l'outil de changements nécessaires que nous en sommes partisans, sans fétichisme. Nous considérons aujourd’hui que des primaires seraient le meilleur moyen de susciter un débat démocratique à gauche, en amont de la présidentielle. Mais nous serions disposés à mettre en oeuvre une autre démarche, si tant est qu'elle permette de susciter un débat de fond à gauche, de forger un projet cohérent, et de désigner de manière légitime une personnalité représentative de toute la gauche pour le porter.


L'enjeu est simple. Si la gauche parvient à engager et remporter la bataille des idées, alors elle pourra redonner son enthousiasme à une génération marquée par la tragédie de 2002; alors, elle aidera à redorer le blason de la démocratie en France, meurtrie par l’absence d’une vision claire à gauche ; alors, nous pourrons convaincre les Français d’adhérer à ce grand projet d’avenir.

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