Billet de blog 26 décembre 2010

Marcel Nuss (avatar)

Marcel Nuss

Écrivain-consultant-formateur-conférencier

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S'engager aujourd'hui pour transformer demain

Indignez-vous… Et alors ? Écrit Jean-François Coffin dans Médiapart. Oui, et alors ? Toute indignation est vaine, stérile, si elle n'est pas accompagnée ou suivie d'actes. C'est de la perte de temps et d'énergie, si elle ne s'inscrit pas dans un engagement personnel concret. En ce sens, je rejoins tout à fait Velveth qui lui répond en disant: Engagez-vous!

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Indignez-vous… Et alors ? Écrit Jean-François Coffin dans Médiapart. Oui, et alors ? Toute indignation est vaine, stérile, si elle n'est pas accompagnée ou suivie d'actes. C'est de la perte de temps et d'énergie, si elle ne s'inscrit pas dans un engagement personnel concret. En ce sens, je rejoins tout à fait Velveth qui lui répond en disant: Engagez-vous!

Il ne s'agit pas de s'indigner, donc de parler pour ne rien dire ou presque, mais de décortiquer les hypocrisies, les mensonges, les tricheries, les boniments, la rhétorique politicienne en somme, et de les dénoncer. De les rendre abordables et compréhensibles par le plus grand nombre pour éveiller une certaine prise de conscience collective. Certes, ce ne sont que des gouttes d'eau dans un océan de mépris de son prochain, des citoyens que l'on entube en profitant du pouvoir qu'ils ont naïvement ou délibérément accordé... Mais avec des gouttes d'eau, on peut faire des ruisseaux qui peuvent devenir un océan de lucidité.

Ou alors à quoi sert de vivre ? À quoi sert un journal ? Pourquoi perdre du temps à écrire des billets, des éditions, des livres ou des articles ?Autant laisser faire la... fatalité et Nicolas Sarkozy ! Rien n'est pire que le silence et les non-dits. Comme rien n'est pire que la résignation qui est un abandon de poste, une abdication de ses droits et de ses libertés dans une démocratie qui est la mienne, la nôtre, celle de mon prochain et de mes enfants, de nos enfants. Toute résignation s'exprime dans la plainte. Et les Français sont réputés pour leur sens aigu de la plainte. De leur attachement à l'État-providence. À une forme d'assistanat incivique. En dépit du bon sens parfois, voire souvent. S'accrochant à leurs acquis sociaux comment des bouées de sauvetage, quelquefois jusqu'au ridicule.

Chacun pour soi et l'État pour tous ! C'est la devise d'une majorité de Français. Après, il ne faut pas s'étonner que l'État nous roule dans la farine. Il ne faut pas rêver, il n'y aura plus de mai-68, la résignation, la lassitude, la frilosité, la peur de perdre « le peu qu'on a encore », une profonde désillusion, la peur du voisin, du prochain, de la vie, de la mort, du lendemain, de tout, tétanisent le plus grand nombre.

À trop confondre individualisme et autonomie, on en perd le sens de certaines réalités, d'une certaine solidarité et de certaines responsabilités. Bien sûr, les Français, beaucoup de Français, sont généreux et n'hésitent pas à donner de l'argent et/ou du temps pour des œuvres humanitaires et alors ? Ou plutôt : et après ? Est-il plus facile de maintenir la misère, une certaine misère, sous perfusion, sous dépendance, plutôt que d'y remédier, que de trouver des solutions politiques et citoyennes pourraient remédier ? En France, on sait très bien s'indigner. Mais à quel prix et pour quel résultat ? Qu'ont apporté de tangible les grèves de cet automne, à part prendre en otages des Français par d'autres Français, des travailleurs par d'autres travailleurs ? Quel sens du dialogue et de la démocratie.

Oui, dans ce cas, j'ai aussi envie de dire : s'indigner... Et alors ? Je suis perplexe. De plus en plus perplexe. Et dépité devant l'indolence des Français. On fait la grève contre la réforme des retraites. Non contre des éléments discriminatoires inacceptables dans cette retraite - comme, par exemple, le fait que l'inégalité entre les retraites du privé et du public perdure (elle continue à être calculée sur les six derniers mois pour les fonctionnaires et sur les 25 meilleures années pour les travailleurs du public), sans compter tous les régimes spéciaux qui ont été préservés, dont celui des parlementaires -, ce qui est un non-sens et ne peut être qu'inefficace et discriminatoire. Quant à Sarkozy, il a pu se gausser, à juste titre, de ne pas avoir cédé à la populace, lui. Quelle victoire à la hussarde ! Pas grave, il a gagné, peu importe comment ! Et certains ont réussi à conserver leurs acquis sociaux au détriment des autres...

Mais à se focaliser sur la retraite, on a oublié le reste, tout le reste. On nous balance la crise à longueur de journée et on prétexte de celle-ci et d'un déficit abyssal pour nous pressurer de plus en plus. Ainsi, en est-il du déremboursement galopant de nos médicaments qui se fait au dépens des plus pauvres évidemment, lesquels se soigneront de moins en moins bien, avec toutes les retombées que cela va supposer tôt ou tard pour les caisses de la sécu (une étude a démontré qu'un système de soins performants est rentable pour une société, contrairement à ce que claironne nos dirigeants ; logique, une personne en bonne santé coûtera toujours moins cher que si elle est mal soignée). Augmentation des taxes, réduction de nombreuses prestations, etc. Le déficit a bon dos. Pendant qu'une certaine France croule sous l'argent.

Pour mémoire et en gros (à ce niveau-là, on n'est plus à quelques euros prêts... Et les données sont de 2008) :
• un député touche près de 7000 € bruts par mois + frais de mandat à plus de 6000 € (les deux sont évidemment nets d'impôts) + crédit mensuel pour rémunérer un ou plusieurs collaborateurs à prêt de 9000 € (si tout n'est pas utilisé, il peut en faire ce qu'il veut) + indemnités liées à un mandat local plafonnées à presque 3000 €, à quoi s'ajoutent train en première classe, téléphone, courrier et taxis (à Paris) gratuits, allocation d'aide au retour à l'emploi pendant six mois, prêts très avantageux de deux logements et, évidemment, une retraite tellement avantageuses que les parlementaires ont unanimement refusé d'aligner le régime de retraite sur le régime général. Une bagatelle de plus de 23 000 € mensuels + les avantages annexes;
• idem pour un sénateur + subvention mensuelle aux groupes politiques de 1300 € par sénateur;
• un ministre se fait près de 14 000 € + allocation mensuelle pour frais d'emploi de plus de 6000 € + un maximum pour des fonctions locales de 5000 € et des broutilles et bien sûr des avantages en nature à la pelle, comme les précédents et même plus (un logement de fonction de 80 m² plus 20 m² par enfant !);
• un secrétaire d'État gagne dans les 13 000 € + frais d'emploi (c'est-à-dire frais de mandat) à plus de 6000 € + fonctions locales plafonnées à une fois et demie le traitement ministériel et tous les avantages en nature, comme les précédents;
• le premier ministre se fait plus de 22 000 € + des frais d'emploi comme au-dessus et des rémunérations de fonctions locales comme le secrétaire d'État, ainsi que d'innombrables avantages en nature, cela va de soi;
• le président de la République, le pauvre, ne gagne que 19 000 € et quelques + beaucoup davantage en nature bien évidemment, et tout ce qu'on ne dit pas;
• un député européen français (c'est variable en fonction des pays : Italie plus de 11 000 €, minimum Hongrie 750 €) s'enfourne plus de 6000 € + indemnités pour frais de mandat près de 4000 € + frais de bouche et d'hébergement près de 300 € par jour. Mais, à partir de 2011, ils gagneront tous la même chose : 7000 € + les frais bien sûr;
• le président du conseil régional ou général s'empoche près de 7000 € + les indemnités;
• un haut fonctionnaire : 9200 € et le reste...; etc.

Et il n'y a pas dans ses émoluments de misère ce que rapportent les mandats annexes, car très souvent tout ce beau monde doit cumuler pour vivre dignement. Par exemple, Juppé et Richert, par exemple, en cumulant, se font plus de 20 000 € par mois ! Je connais même des élus qui se plaignent qui estiment normal d'avoir autant d'avantages vu le dur labeur que représente leur fonction ! Et même qu'ils pourraient en gagner un peu plus... Alors que personne ne leur a demandé d'enfourcher cette fonction et encore moins de s'y cramponner. Dire que c'est avec nos impôts que nous les payons ! Solidarité oblige...

Déficit, vous avez déficit abyssal ? Nous sommes des veaux, effectivement. Et bien pire même. Franchement, nous avons ce que nous méritons, nous avons les élus que nous choisissons. Nous nous faisons rouler dans la farine avec une docilité et une bêtise consternantes, affligeantes.Ils ont bien raison de nous exploiter, de nous pressurer sans vergogne (cf. Copé, celui qui a des ambitions présidentielles, lui aussi, celui qui est avocat et qui vient seulement de renoncer à son argent de poche d'avocat, Copé qui a essayé de s'opposer à la fin de certains avantages offerts aux députés... Il est tellement pauvre). Mais combien de Français connaissent ces chiffres, sont au courant de tels comportements déviants et méprisants ?

Pour être citoyen, il faut être informé. Et pour être autonome, il faut un minimum de culture. Arrêtons d'être dupes et naïfs ! Apprenons à dialoguer. À être adulte et responsable. À penser à notre avenir, à l'avenir de notre société, donc de nos enfants, des générations futures. Les Français comme les politiques ne savent s'inscrire que dans le court terme, le maintenant et tout de suite. Pourtant, à quoi me sert d'avoir à bouffer aujourd'hui, si cela empiète sur mes chances d'avoir à bouffer demain ou après-demain ? À quoi me sert de m'accrocher à des acquis sociaux, si un jour mes enfants ou petits-enfants vont en faire les frais ?

Par exemple, la demi-part fiscale supplémentaire accordée à une famille qui a un enfant « handicapé » ou à une personne « handicapée » adulte. Elle ne sert à rien, son gain est nul ou, au mieux, tellement insignifiant qu'il est ridicule de s'y accrocher. Mais, comme beaucoup d'acquis sociaux, il a un effet placebo qui empêche de voir les conséquences négatives, à moyen et long terme, sur l'évolution de l'allocation aux adultes handicapés. On ne peut pas espérer une réforme satisfaisante de cette allocation en restant cramponner à certains acquis sociaux charitables d'un autre temps.

On ne peut pas vouloir le beurre et l'argent du beurre. Il est impossible d'envisager une quelconque réforme par le petit bout de la lorgnette. Toute réforme doit s'inscrire dans une globalité, dans un contexte socio-économique et culturel. Encore faudrait-il que les politiques en soient conscients et convaincus eux-mêmes et soient un tant soit peu pédagogues. Ce qui est loin d'être le cas : on ne peut pas être obnubilé par son pouvoir et pédagogue à la fois. Ça se saurait. D'ailleurs, après chaque élection, on a droit au même refrain et à la même « prise de conscience » et au même mea culpa d'ivrognes politiques : faut qu'on explique mieux aux Français, faut qu'on leur parle plus...

Dire tout haut ce que je pense, ce que nous pensons, ce n'est pas s'indigner mais partager, éclairer et rassembler. Car il n'y a pas de fatalité. Si c'était le cas, cela ferait longtemps que je devrais être mort.Un directeur de cabinet disait de moi que j'étais un « utopiste réaliste ». Lorsque j'ai commencé à m'engager pour ce qui deviendra dans la loi du 11 février 2005 la prestation de compensation du handicap [PCH], on m'a traité de fou, on m'a prédit le pire. Personne ne croyait que je pourrais obtenir gain de cause. C'était David contre Goliath, et même pire, pour absolument tout le monde autour de moi.Or, en politique, comme en toute chose, ce n'est pas le nombre qui compte, c'est la détermination, la qualité des arguments et la stratégie. Partant, tout seul - mais si j'étais tout seul à partir à l'abordage, nous serons quelques milliers « en arrivant au port »... -, j'avais bien plus de chances de réussir que si nous avions été en grand nombre dès le départ, surtout lorsqu'il s'agit de demander de l'argent à l'État. En l'occurrence, la future PCH.

En politique, la stratégie du cheval de Troie est souvent beaucoup plus payante que le siège de Calais, par exemple. Si j'ai horreur de quelque chose, c'est d'être pris pour un con, c'est d'être face à des politiques, face à un président de la République, qui essaient de nous faire passer des vessies pour des lanternes. Ainsi, il semblerait que Roselyne Bachelot aura du renfort en janvier, un secrétaire d'État à la dépendance mais pourquoi faire ? Certes, elle en a bien besoin la pauvre lorsqu'on voit comment elle a géré le coup (coût) de « l'épidémie grippale » et des footballeurs mégalos en Afrique du Sud... Cependant, il lui faudra un sacré bonimenteur (ou une sacrée bonimenteuse) pour prendre en mains ce dossier, parce qu'il lui faudra savoir faire avaler des couleuvres pour faire passer certaines pilules, à n'en pas douter.

Au fait, il veut six mois de concertation autour des problématiques de la dépendance, Nicolas. Mais qui va payer toutes ces réunions ? Avec quel argent puisque c'est la crise ? Et pourquoi faire, à part de l'esbroufe et du vent électoralistes ? Pour mémoire, la Conférence Nationale du handicap de 2008 avait été aussi précédée de six mois de concertations, six mois de bla-bla, de redites, de litotes, de lapalissades, de redondances, de réunionnites pour ne rien dire, juste pour donner l'illusion, pour faire croire que, pour faire participer et caresser les associations dans le sens du poil, leur offrir un semblant d'importance que de toute façon elles n'ont pas. Parce que les réponses, les solutions, les objectifs, on les connaît parfaitement. Le gouvernement sait déjà parfaitement ce qu'il a prévu pour encadrer la politique de la dépendance. Il a déjà son idée en tête et bien ancrée. Soyons-en sûrs.

Donc que faire ? Dénoncer, rassembler et être solidaires. Mais vraiment solidaires. Ce qui est loin d'être le cas, malgré les apparences que tentent de se donner, entre autres, les « grandes » associations. On se bat d'abord pour sa chapelle. En essayant toujours de tirer la couverture à soi (par les temps actuels, on peut comprendre...).Un changement en 2012 ne dépend que de nous, de notre conviction et de nos capacités à convaincre. Mais... Changer... Et alors ? Pour changer quoi ? Pour obtenir quoi ? Pour tomber de Charybde en Scylla ? Quelle perspective ! Oui, il est urgent de changer de président pour changer de politique. Mais le remplaçant changera-t-il vraiment de politique ?À nous d'être vigilants et pas dupes.

Bonne année 2011...

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