Billet de blog 31 décembre 2010

Marcel Nuss (avatar)

Marcel Nuss

Écrivain-consultant-formateur-conférencier

Abonné·e de Mediapart

Aux virulents anonymes et aux égocentriques sociaux

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans les sphères politiques et associatives (pour ne nommer que celles que je connais relativement bien), on ne se fait pas particulièrement de cadeaux verbaux. C'est plus souvent le corbeau et le renard que le lion et le rat, les grincements de dents (de loup) et les aigreurs (égotiques) rancunières plutôt que les solidarités sans arrière-pensées et les dialogues sans langue de bois.

Cependant, je n'avais jamais, jusqu'à peu, été naviguer dans les forums sur Internet. C'est désormais chose faite, grâce à Médiapart. Et j'avoue que je ressors de cette expérience aussi interrogatif que perplexe, aussi séduit que sidéré.
Pour comprendre ma réflexion, il est nécessaire de préciser ou de rappeler que ce n'est que depuis peu que je fais partie des adhérents, de ce journal en ligne, qui déposent régulièrement des billets ou des éditions participatives. Ce qui, évidemment, a pour résultat de provoquer des réactions (c'est d'ailleurs le but de la chose).
Partager, informer, s'informer, réagir, participer, s'engager (dans tous les sens du terme), dialoguer,
confronter, échanger, interpeller, être interpellé, rencontrer, apprendre, sont quelques-unes des raisons d'adhérer à un tel site. C'est la démocratie en mouvement. La Démocratie dans ce qu'elle a de plus exaltant, de plus probant, de plus innovant et peut-être, qui sait, de plus efficace.
Mais, car il y a un « mais », à mon grand étonnement, pour ne pas dire stupéfaction, je me suis rendu compte que, comme en toute chose, et surtout en démocratie, ce n'est pas aussi simple que ça lorsqu'il s'agit d'avoir une opinion et de la distiller.
L'intérêt d'émettre un avis, de partager une information, c'est d'avoir des retours, des réactions, positives ou négatives, d'être conforté dans son analyse ou, au contraire, remis en question.
Cependant, les premières réactions à un de mes billets, intitulé S'engager aujourd'hui pour transformer demain, ont été d'un méprisant et d'une virulence lapidaires et non argumentés totalement inattendus en un tel lieu. Comme quoi on a toujours un coin de naïveté qui traîne au fond de soi, quel que soit notre âge, et il faut peut-être s'en réjouir ?
Le problème, c'est que, en l'occurrence, c'est carrément de la virulence sarcastique, voire insultante
(cf. « verbiage de néo-cons »). Le tout est servi sans contre-argument, ni même d'arguments tout court. Juste un déballage vain d'aigreurs quelconques ou d'arrogance hargneuse. Juste pour le plaisir de déverser, d'avoir déversé un excédent de bile ou de frustration. Et pourquoi pas ? Si ça fait du bien à ses auteurs. Mais ce qui me dérange profondément c'est le fait que tout cela se fasse souvent sous le sceau de l'anonymat, en signant d'un pseudonyme.
Qu'on déverse, qu'on agresse, qu'on insulte, pour le plaisir de se soulager, soit. Mais au moins à visage
découvert. En ayant le courage de ses opinions, ou son manque d'opinions constructives. Pas en se planquant derrière des pseudonymes, aussi recherchés soient-ils.
Et ce ne sont pas des cas isolés. Je retrouve ce type de comportement dans beaucoup de forums.
Pour moi, il y a un défaut de démocratie dans ces diatribes superficielles et totalement stériles du fait
de l'agressivité gratuite dont elles regorgent. Ce n'est pas comme ça que l'on est entendu, que l'on peut se faire entendre. Plus encore, faire bouger les choses ; ce qui, me semble-t-il, est la finalité de nombre de forums.
Pourquoi des pseudonymes, surtout dans ce genre de journal participatif et citoyen ? Par plaisir ? Par peur ? Pour que la famille et/ou les voisins, les collègues, ne sachent pas ? Peu importe les raisons, chacun et chacune en a sûrement de bonnes ou de moins bonnes. Mais, personnellement, dans un journal d'opinion, dans un journal comme Médiapart, j'avoue que ça ne dérange, que je trouve que « ça ne colle pas ».
Cela dit, je m'y ferai, comme toutes celles et tous ceux qui pensent comme moi. Nous sommes en démocratie, après tout. Et personne n'est obligé de lire, après tout.
D'ailleurs, en parlant de démocratie, vous connaissez Philippe Streiff ? Ce fut un coureur de Formule 1
français jusqu'en 1989 et un accident durant les essais sur le circuit de Rio de Janeiro. Le drame et une tétraplégie en sus. Cela arrive tous les jours sur les routes de la Terre entière. Et c'est à souhaiter à personne.
Mais le bonhomme, après avoir claqué tout l'argent versé par ses assurances, s'est retourné vers l'État pour faire prendre en charge ses accompagnants. Pour ce faire, en mars 2002, il a opportunément profité sans vergogne, et avec sa lourdeur coutumière car le bonhomme n'a pas inventé la foudre, d'un mouvement de personnes « handicapées » ou en situation de handicap, c'est comme on veut, sans le sou et vivant dans des conditions et des situations d'une précarité souvent inimaginable. Il a donc touché une subvention comme les « pauvres handicapés » avec lesquels il s'était « senti » l'espace d'un mouvement de révolte des affinités…
On le soupçonna un temps, sans pouvoir le prouver, de détournements d'une partie de cette subvention octroyée par l'État − qui a pour nom, depuis 2005, Prestation de compensation du handicap [PCH, pour les intimes], ce qui ne l'empêche pas de vivre en plus aux frais de la princesse, des princesses même, androgynes par-dessus le marché… Puisque, après Chirac, c'est Sarkozy qui maintient charitablement son poste de conseiller technique au ministère des transports-etc., depuis 2007, après avoir été conseiller technique à la délégation interministérielle aux personnes handicapées, dès l'arrivée au pouvoir de Jacques Chirac. Il ne pourra pas dire que la Droite a été ingrate avec lui. Certains de ses collègues ou ex-collègues me disaient, sous le couvert du secret évidemment (l'anonymat est partout), qu'il est payé à rien faire, si ce n'est régulièrement se ridiculiser en public
par des formules à l'emporte-pièce.
Mais si encore il s'en tenait là. Il y a beaucoup plus déplaisant pour qui le connaît.
Philippe Streiff ne s'en cache pas, il préfère embaucher des étrangers, étudiants ou pas, qu'il traite comme du bétail (je l'ai vu en public) et qu'il paie mal, sous-paie donc, c'est du moins de quoi il était soupçonné à l'époque où on essayait de démontrer qu'il détournait une partie des subventions qui devaient normalement servir à payer ses aidants. Ce ne fut jamais démontré ou révélé au grand jour. Pourquoi ? Il y a des protecteurs très efficaces, comme on le découvre presque tous les jours en ce moment, en ouvrant un journal, Médiapart par exemple…
Ce n'est pas pour autant qu'il traite mieux ses aidants, comme j'ai pu le constater il y a quelques mois.
Depuis, il y a peut-être eu un miracle ?…
Ce monsieur est le type même du parasite médiatique et social qui embobine des médias qui le veulent bien… Car il n'a pas l'air trop regardant sur le contenu tant qu'il passe à l'image. Mais comme il n'y connaît pratiquement rien en matière de politique du handicap, en dehors de ses problèmes et de ses besoins à lui, il sort pas mal d’inepties.
Sur Wikipédia, on peut lire, dans le portrait qui lui est consacré, qu'il est « très actif sur le terrain des
conditions de vie des personnes handicapées ». D'où l'auteur de ce portrait tient-il cette information ? Il a bu ? Il a été manipulé ? Mal renseigné ? À moins qu'il ne soit dans l'entourage de Streiff ? Mais s'il était actif sur le terrain des conditions de vie des personnes handicapées, cela se saurait. Les seules conditions qui l'intéressent, ce sont les siennes. On ne peut pas être au four et au moulin, surtout lorsqu'on est aussi handicapé…
Et puis, dans Paris-Match.com du 24 décembre, je découvre avec consternation le dernier caprice en date de Philippe Streiff : l'acquisition d'une BMW GT5 spécialement aménagée pour lui par la firme allemande, d'après ses desiderata. Rien que ça ! Le tout s’élève à une bagatelle d'environ 70 000 € sans les options + environ 30 000 € d'aménagement spéciaux (à sa décharge, il faut dire que les aménagements adaptés et le matériel médical en général sont hors de prix), à quoi il faudra ajouter le coût des futures commandes vocales qui sont également prévues dans ce somptueux cadeau qu’il se fait pour fêter « 22 ans de fauteuil roulant », comme dit « élégamment » le journaliste conquis, à la fin de son reportage − http://www.parismatch.com/Conso-Match/Auto/Videos/Auto-BMW-GT5-Philippe-Streiff-reprend-les-commandes-234289/ −, conquis mais pas au point de le laisser parler. Pourquoi ? N'avait-il rien
d'intelligent à dire (au début, on voit qu'il parle mais le son a été bizarrement coupé) ? Ou ce reportage n'est-il d'abord et avant tout qu'une publicité déguisée en reportage vantant les compétences de BMW et sa technologie à la pointe pour « handicapé nanti » ?
Mazette ! Qu'est-ce que je devrais m'offrir à ce compte-là avec mes 55 ans de fauteuil roulant ? Le tour du monde en 40 jours, peut-être, pour voir si ailleurs l'herbe est plus verte !
Ça rapporte d'être conseiller technique. Et en plus, à tous les coups, tu continues à toucher la PCH aide humaine à taux plein. Si par hasard je devais me tromper, d'avance Philippe, je te présente mes plates excuses… Et c'est que tu as beaucoup changé. Et pas moi…
La liberté à tout prix ? Oui. À n'importe quel prix ? Non.
Non, sous certaines conditions. Car, lorsqu'on dépend des subsides de l'État, une certaine décence s'impose, me semble-t-il. Il y a des tas de personnes en situation de handicap qui aimeraient avoir une telle voiture et qui n'ont même pas de PCH à hauteur de leurs besoins réels, c'est-à-dire suffisante pour prétendre à une authentique autonomie.
Par parenthèse, nulle indication n’est donnée dans le reportage sur la provenance des fonds qui ont permis d'acquérir cette voiture et de payer tous les aménagements très spéciaux. Pourquoi ? Nombre de personnes en situation de handicap pourraient être intéressées par ces informations dans l'optique de l'achat d'un tel joujou ou, au contraire, pour perdre toute illusion. Le véhicule a-t-il été acquitté par
des fonds personnels ou des sponsors ? Et les aménagements sont-ils payés avec des fonds personnels, par des sponsors ou sont-ils pris en charge par la PCH aide technique ?
Au-delà d'un choix personnel, cette voiture pose deux questions, à mon sens.
D'une part, celui du « projet de vie » inscrit dans la PCH. Aucune MDPH n'accordera jamais le financement nécessaire à la réalisation d'un tel « projet de vie ». Ce qui soulève la question de savoir ce qu'est un projet de vie pour le législateur, comment l'a-t-il envisagé au moment de le proposer, et jusqu'à quelle hauteur financière peut s'envisager un « projet de vie » ? Le législateur n'a pas répondu à ces questions, laissant planer un doute gênant, lequel peut susciter des malentendus, voire l'une ou l'autre déconvenue. Oui, il faudra bien un jour que l'on puisse clairement dire ce qu'est censé être un projet de vie, ce qu'il peut contenir et à quelle hauteur il est plafonné. Qu'est-ce qui est raisonnable comme projet de vie, donc finançable par les finances publiques, et qu'est-ce qui est déraisonnable ?
D'autre part, celui de l'éthique qu'interpelle une telle acquisition. 100 000 € pour se faire plaisir et avoir un petit peu plus d'autonomie, cela ne relève-t-il pas d'une éthique immature, irresponsable et égoïste ou, plus prosaïquement, d'un manque d'éthique personnelle ? Cette question est valable pour tous les nantis, avec ou sans handicap. Mais ici, en plus, l'intéressé bénéficie de subventions de l'État, donc de l'argent des contribuables, de tous ces gogos qui triment à la sueur de leur front pour rendre chaque jour un peu plus riche les riches. Partant, n'y a-t-il pas une forme de mépris à l'égard des congénères handicapés et de l'État dont on profite des largesses tout en se payant un « plaisir »
provoquant et en l'étalant dans les médias ? Philippe, évidemment que si tu touches plus de PCH, je te fais par avance mes plus plates excuses…
En fait, Philippe Streiff n'est pas sarkozyste pour rien. Il colle tout à fait à son époque. Preuve, s'il en était besoin, qu'avec ou sans handicap, on peut totalement rester indifférent à son prochain, à une réalité sociale dérangeante en toute bonne conscience.
D'ailleurs, je crois me souvenir qu'Éric Molinié, autre personne en situation de handicap notoire, il y a quelques années, s'était également fait offrir un tel joujou dispendieux ? Que voulez-vous, handicapé ou pas, un mâle reste un mâle et un macho reste un macho. C'est rassurant, non ? C'est un sacré signe de
normalité, vous ne trouvez pas ? Moi, si. Par conséquent, si les gens se faisaient plus souvent ce type de réflexion, les « handicapés » seraient beaucoup moins ">
Toutes ces considérations mises à part, avoir un handicap, dans les cas les plus invalidants, est un luxe, dont on se passerait volontiers (du handicap, pas du luxe, évidemment). J'en sais quelque chose. D'autant plus que des fabricants ou des distributeurs (près d'un millier en France) produisent, importent et/ou vendent du matériel médical et paramédical à des prix prohibitifs, des prix défiants parfois toute forme de décence, dans un marché en constante progression (estimé à 133,8 millions en 2007).
Un exemple : un téléphone vendu plus de 800 € par Protéor… que l'on peut trouver en supermarché à 39 €, et sur lequel le fabricant a simplement greffé un boîtier infrarouge ! Heureusement, si j'ose dire, toutes les marges ne sont pas de cet ordre-là…
Non seulement, celles-ci sont parfois choquantes mais, pour combler les éventuels déficits, on a aussi droit à des facturations forfaitaires non détaillées qui ne font pas apparaître les coûts liés aux essais et aux réglages. Raison invoquée : la sécu ne rembourse pas assez et les clients n'ont souvent pas les moyens, donc on se rémunère autrement…
De là à penser que la population des malades et des « handicapés » est une vache à lait pour ces sociétés, il n'y a qu'un pas. Payer le juste prix est on ne peut plus normal, par contre exploiter de façon éhontée est inacceptable. Certains matériels et produits d'hygiène non-remboursés sont tellement chers que les personnes aux maigres ressources s'en privent, alors que cela leur serait tellement nécessaire, voire indispensable.
De surcroît, du fait des stocks à flux tendus, les revendeurs n'ont, de plus en plus fréquemment, pas de pièces de rechange sous la main (tant pis si la personne reste bloquée chez elle plusieurs jours) et prêtent de moins en moins souvent du matériel en cas de panne, au risque de mettre certains clients en danger vital, ou de contraindre les proches à rester auprès d’eux pour assurer leur sécurité. C'est aussi ça
l'autonomie. Un mélange de faute à pas de chance et de mercantilisme.
Dans son chantier sur la dépendance, Nicolas Sarkozy devrait inclure une concertation autour de cette exploitation marchande de la souffrance et de la dépendance humaine. Je l'avais déjà suggéré fin 2003, lorsque j'ai été chargé de mission dans le secrétariat d'État aux personnes handicapées de l'époque, mes collègues ont trouvé l'idée de réunir tout ce beau monde et de remettre tout à plat très bonne mais, car il y a un « mais » évidemment, pas opportune car « ce n'est pas le moment de les froisser [ces Charity business sociétés] »… Cela dit, faut pas rêver, il est beaucoup trop du côté des friqués pour que l'idée d'une telle concertation l'effleure, Nicolas S…
Et après ça, on pointe le trou de la sécu. OK, en temps de crise, faut faire des efforts, des économies, mais encore faudrait-il demander à tout le monde de faire des efforts et des économies. Et à certains d'avoir plus de retenue et d'éthique. Quant aux autres, ils auraient bougrement intérêt à s'unir pour mieux se faire entendre et pour que cessent certaines injustices.
Encore faut-il travailler à visage découvert et avec la conviction qu'on peut faire changer le cours de la
politique actuelle et des égotismes ambiants.
En attendant, un conseil Philippe : n'oublie pas que tu as fait une erreur de conduite qui t'a coûté très cher, il y a… 22 ans et que désormais tu comptes rouler sur des routes et des autoroutes, c'est donc beaucoup plus dangereux que sur un circuit fermé, surtout pour les autres… Se faire plaisir c'est très bien, à condition de penser aux autres… Car risquer sa peau c'est une chose, risquer celle d'autrui
c'en est une autre. On appelle cela de l'autonomie responsable.
Pour ma part, « I have a Dream » (Martin Luther King) pour 2011 : qu'une solidarité citoyenne et déterminée voit le jour à travers, notamment des échanges foisonnants d'idées et d'initiatives à cœur éperdu !

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