Jean TRAMUSET

Abonné·e de Mediapart

Billet publié dans

Édition

Sur la monnaie

Suivi par 10 abonnés

Billet de blog 24 avril 2015

Jean TRAMUSET

Abonné·e de Mediapart

LA monnaie internationale : le système des changes ABSOLUS (V)

Jean TRAMUSET

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

De la refondation de l’€ à la fin de ‘’l’horreur’’ économique 

 Comme nous l’avons promis la dernière fois en annonçant ce dernier article de ‘’Sur la monnaie’’, nous allons aujourd’hui être très concret. Nous allons donc… rêver. Précisément, nous allons rêver qu’alternativement à la façon complètement empirique (et donc totalement fantaisiste) selon laquelle il a été conçu, l’€ existe comme la préfiguration de la monnaie internationale dont la mondialisation a besoin : émis et géré par la Banque Centrale Européenne (entendons-nous, la BCE elle-même comme préfiguration de la Banque Internationale dont la charge est de ‘’gérer’’ LA monnaie internationale –à cet égard, parlons de ‘’BCE/BI’’), l’€ est ‘’au-dessus’’ des monnaies nationales européennes qui ont été maintenues, et l’€ fonctionne dans le seul espace des relations inter européennes, ceci pour monétiser les achats-ventes (par nature équivalents !) des pays européens qui commercent entre eux[1]

1° Le ‘’modèle européen’’ des taux de change absolus 

L’€ étant donc tel qu’il doit être (c'est-à-dire, répétons-le, d’un ordre supérieur à celui des monnaies nationales européennes) soit maintenant l’hypothèse d’échanges inter européens tripartites, par exemple entre la France (où le franc français –FF- comme monnaie nationale de la France continuerait d’avoir cours), l’Allemagne (avec le DM) et l’Italie (avec la Lire), ces échanges étant, en €, valorisés sur la base des différents taux de change suivants[2] :

1 FF = 0,3 €

1 DM = 0,6 €

1 Lire = 0,01 € 

Alors, 

1.1° la France vendant pour 1 000 FF vers l’Allemagne et pour 500 FF vers l’Italie et achetant pour 500 DM depuis l’Allemagne et pour 100 000 Lire depuis l’Italie, 

1.2° l’Allemagne vendant donc pour 500 DM vers la France et pour 450 DM vers l’Italie et achetant donc pour 1 000 FF depuis la France et 80 000 Lires depuis l’Italie, 

(donc, 

1.3° l’Italie vendant pour 100 000 Lires à la France et pour 80 000 Lires, et achetant pour 500 FF à la France, et pour 450 DM à l’Allemagne).

et, 

1.4° les achats-ventes de la France en € s’équivalant (ainsi que, toujours en €, ceux de l’Allemagne et ceux de l’Italie), 

1.5° la France, si elle est excédentaire en €, achetant (par la BCE/BI) en € des titres à l’endettement en € de ses partenaires, et si elle est déficitaire en €, vendant (par la BCE/BI) à ses partenaires, en €, des titres à sa dette, 

1.6° les mêmes contraintes pesant sur l’Allemagne et l’Italie, 

tous calculs effectuées[3], cela signifiera que : 

 2.1° la France sera emprunteur de 850 € (c'est-à-dire vendeur de titres à sa dette internationale pour 850 €), 

2.2° l’Allemagne sera emprunteur de 530 € (c'est-à-dire vendeur de titres à sa dette internationale pour 530 €), 

2.3° l’Italie sera prêteur de 1 380 € (c'est-à-dire acheteur de titres à l’endettement international de la France pour 850 € et acheteur de titres à l’endettement international de l’Allemagne pour 530 €). 

D’où ‘’le tableau final’’ : 

-les emprunteurs internationaux (dans le cas que nous venons d’examiner, et sous les hypothèses que nous avons faites, la France et l’Allemagne) ayant, dans le temps, non seulement à rembourser leurs emprunts mais aussi à payer les intérêts (en €) y afférents, toute la question sera de savoir si, dans le temps, ceux-ci (la France et l’Allemagne), économiquement, seront, tout pris en compte[4], en mesure d’assumer le change de leur monnaie en toutes les autres qui en aura fait des emprunteurs internationaux. 

Si la réponse est positive, alors, ce change sera maintenu. 

Si, par contre, la réponse est négative, alors, bien entendu, celles des règles qui, dans le temps, assurent le bon fonctionnement du système s’appliqueront : le change de la monnaie nationale en € de l’emprunteur ‘’défaillant’’ sera ‘’d’autorité’’ revu à la baisse ; de la sorte, il empruntera ‘’moins’’ ; ainsi sera-t-il de proche en proche conduit à emprunter dans les limites des capacités ‘’réelles’’ de son économie. 

2° Le ‘’modèle’’ des taux de change absolus : commentaires et ‘’philosophie’’ 

On l’aura compris, le caractère ‘’absolu’’ des taux tels que le modèle de l’€ (juste !) les définit ne renvoie certes pas au fait que, dans ce modèle, les taux de change entre les monnaies européennes sont fixés ‘’une fois pour toutes’’ (et inscrits, à jamais dans le marbre des traités ainsi que, dans la logique véritablement suicidaire de l’installation de l’€ Comme Monnaie Unique, l’ont été les taux de change entre les monnaies européennes). 

Si ces taux sont dits ‘’absolus’’, c’est que, ainsi que nous l’avons déjà souligné avec force, la fixation de ces taux est, fondamentalement, du ressort de la politique : enfin, cette fixation n’est plus de la ‘’compétence’’ du marché. 

A cet égard, ne manquons surtout pas l’occasion de répondre d’une autre manière à cette objection à laquelle, pas à pas[5], nous avons déjà répondu ‘’techniquement’’, et qui tient dans cette question : ‘’comment croire que la fixation politique du change de toute monnaie européenne contre toute autre monnaie européenne (ceci par le biais de la fixation politique du change de cette monnaie contre l’€) puisse échapper au marché ? N’est-ce pas, si l’on remonte à ce qui s’est fait par le passé, ce que l’on doit dire n’est-il pas que d’abord, le change de toute monnaie en toute les autres a été dit... par le marché ?’’ 

La réponse tient en deux points : 

1° qu’on se le dise, notre propos n’est pas de ‘’sortir’’ de l’Histoire (que vaudrait une telle prétention ?) : il est de faire en sorte que l’Histoire ne se fasse plus aux conditions du marché. Il n’est donc en aucune manière contradictoire de partir de là où, soumise à la ‘’dictature’’ des marchés, l’Histoire a conduit le monde. 

2° la mise à l’écart des marchés (et inversement, la véritable installation de l’Homme au centre de l’économie[6]) ne peut pas tenir au fait que l’Homme se substitue aux marchés (cela en effet est voué à l’échec) ; elle ne peut tenir qu’à la conception, par l’intelligence et la réflexion, d’un système dans lequel, laissant, après coup, toute latitude au marché pour dire ce qu’il en est des besoins de toute la société et faire qu’ils soient satisfaits aux meilleurs conditions pour tous, l’Homme, d’abord, se mette dans la situation où, à sa totale discrétion, au lieu de ne pouvoir que se plier à ce que lui dicte le marché, il puisse, lui imposer le cadre dans lequel, librement (n’oublions pas que la liberté du marché est précisément la condition de son efficacité), le marché libre pourra effectivement jouer sa partie. 

Répétons-le, ce qu’alors il faut, c’est un système où le change de toutes les monnaies nationales (qui doivent être maintenues) en la monnaie internationale nécessaire aux échanges (cette monnaie étant à créer), soit premier. Alors en effet pourront être déterminées, sur la base de ce change, et au regard des échanges concrets qui en résulteront pour eux, les situations respectives de tous les pays : il en sera qui seront excédentaires, c'est-à-dire prêteurs de monnaie internationale, d’autres qui seront déficitaires, c'est-à-dire emprunteurs de monnaie internationale. 

Quant à la question du paiement des intérêts dus (en monnaie internationale) par les pays emprunteurs nets de monnaie internationale, ses termes seront les suivants : ces pays accepteront-ils démocratiquement que leurs échanges internationaux leur fassent perdre plus qu’ils ne gagnent (et donc, concrètement, les privent instantanément d’une partie de leur produit national –c’est en effet à quoi, pour tout pays, équivaut de payer des intérêts transnationaux) ? Si oui, le change de leur monnaie en la monnaie internationale restera inchangé ; sinon, ce change sera révisé de telle manière que, ne pouvant qu’importer moins, la charge (en intérêts) de leurs emprunts transnationaux diminuant, ces pays, à terme, pourront y faire face. 

3° La monnaie internationale et la fin de la spéculation sur les changes 

L’essentiel ici tient en deux rappels : 

  1. - Conceptuellement, la monnaie internationale n’est que le moyen de l’homogénéisation (d’où la comparabilité) des équivalences constatées ‘’au niveau’’ de chaque pays entre ses achats et ses ventes internationales,
  2. - Ce sont les transactions internationales qui ‘’font’’ la monnaie (et non l’inverse !), ceci signifiant qu’il n’est pas de monnaie internationale en dehors des transactions internationales. 

Et en effet, 

spéculer sur les changes ne signifie-t-il pas ‘’investir’’ dans la monnaie internationale (la détenir en tant que telle) pour, ceci dans le temps, parier sur sa revalorisation ou sur sa dévalorisation contre toute monnaie nationale ? 

OR, 

  1.  la monnaie internationale n’est-elle pas que la simple trace des opérations internationales des pays ? ; ceci seulement dans les comptes de la Banque  Internationale ?

  2. par construction, donc, la monnaie internationale n’est-elle pas définitivement hors de portée des ‘’agents économiques’’ nationaux ? ; d’où l’impossibilité que ceux-ci puissent ‘’jouer’’ de sa ‘’détention’’ ? 

Tout ceci sans compter que, par nature (ainsi que nous l’avons longuement argumenté) LA (vraie) monnaie internationale est LE moyen qui permettrait à la communauté internationale de mettre un terme à la Duplication de l’Endettement International des Pays (DEIP), et à la Duplication du Paiement des Intérêts Internationaux (cf. ‘’LA monnaie internationale : à l’origine de la crise de la dette (I), (II), (III), (IV)’’. 

4° LA monnaie internationale : conclusion 

Soit la ‘’contrainte extérieure’’ comme ultime obstacle à l’harmonie des économies nationales (le chômage ayant été éradiqué -à ce sujet, cf. : ''Contre le chômage comme ''Vérité'' : la vérité du chômage ''). 

Evidemment, c’est parce que le monde est multipolaire que cette contrainte pèse si lourdement sur lui. Or, c’est par nature que le monde est multipolaire ; la conclusion est donc certaine : le monde n’existant que dans et par sa confrontation avec lui-même, cette confrontation, il lui faut ‘’vivre avec’’ ; il lui faut la maîtriser. 

Ici, nous le savons, cela requiert qu’enfin le monde se donne une véritable monnaie inter (= supra) nationale, c'est-à-dire une monnaie qui soit :

  1. active dans le seul espace international des relations économiques entre les pays,
  2. gérée par une Banque Inter (= supra) nationale,

  3. un actif/passif (toute opération internationale de tout pays s’analysant comme un achat-vente de ce pays, seule en effet, ceci pour en dire le prix, un actif-passif peut être mis ‘’en face’’ d’elle).

Vis-à-vis de toutes les monnaies nationales qui devront continuer d’exister (cela tant que les productions nationales seront hétérogènes[7]), une telle monnaie devra en outre être prise dans des rapports de change fixes qui seront définis hors marché (c’est précisément pour cette raison qu’on parlera de changes absolus). 

Défini ‘’politiquement’’ (voyez le ‘’modèle’’ des taux de change absolus), le change entre la monnaie internationale et les monnaies nationales permettra en particulier de juger régulièrement de la capacité de tout pays d’être, durablement, importateur net, c'est-à-dire emprunteur de monnaie internationale : apparaîtra-t-il à échéance fixée conventionnellement que tel pays n’est plus en mesure d’honorer ses intérêts internationaux (ses habitants l’ayant par exemple fait démocratiquement savoir à leur mandataires) ?, ‘’aussitôt’’ (en fait, à la date prévue pour ce faire), le change de sa monnaie en la monnaie internationale sera révisé à la baisse ; s’ensuivra mécaniquement que sa capacité à importer se trouvera réduite ; il empruntera moins ; ses dettes d’intérêts étant moins importantes, il pourra à nouveau les honorer. 

Bref, la vraie monnaie internationale ne peut certainement pas être pensée comme une machine de guerre qui permettrait à tel pays (ou groupe de pays) de conquérir les marchés mondiaux ; encore une fois, le monde est multipolaire et aucun pays ou groupe de pays, JAMAIS, ne pourra le dominer. 

Hélas pour l’Euro Comme Monnaie Unique[8], c’est aussi selon ce critère qu’il doit être jugé…

JT 


[1] Dans le cas où tel pays européen commercerait avec tel pays non européen, évidemment, l’€ comme monnaie ‘’des relations internationale’’ interviendrait encore ; mais, les échanges entre l’Europe et le monde se faisant cette fois sous les auspices du marché (et non pas selon les règles de l’€ comme monnaie des échange inter européens), la monétisation de ces échanges se ferait sur la base de la valorisation de l’€ contre toute devise par  le marché.

[2] A ce sujet, cf. les quatre derniers articles de ‘’Sur la monnaie’’ intitulés : ‘’LA monnaie internationale : le système des changes ABSOLUS (I), (II), (III), (IV)’’.

[3] Pour chaque pays, en comparant, en €, le montant des recettes d’exportation à celui des dépenses d’importation telles qu’on les observerait. Selon qu’elle serait positive ou négative, la différence des deux montants signifierait que le pays considéré est ou bien prêteur ou bien emprunteur international.

[4] Par exemple, que diront, démocratiquement consultés, les citoyens français et les citoyens allemands de se trouver, en tant que citoyens de pays emprunteurs internationaux, dans la situation d’avoir à payer tel montant d’intérêts internationaux, c'est-à-dire d’avoir, à l’échéance de ces intérêts, à perdre, ‘’automatiquement’’, tel montant, équivalent à ces intérêts, de produit intérieur ? 

[5] Précisément, tout au long des quatre précédents articles de ‘’Sur la monnaie’’.

[6] Donc, pas son installation incantatoire, celle dictée par l’emphatique rhétorique de tous les programmes électoraux de tous les partis politiques, qu’ils soient ‘’de droite’’, ‘’du centre’’, ou ‘’de gauche’’.

[7] Ce qu’elles n’ont pas fini d’être ; elles le sont même dans l’Europe… ‘’homogénéisée’’ par l’Euro CMU (c’est évidemment le sens de toutes les ‘’querelles’’ – un délicat euphémisme !- autour du dumping –fiscal, social… - pratiqué avec application par TOUS les pays européens au détriment les uns des autres. Certes, voilà bien un domaine où l’Euro CMU ‘’homogénéise’’ les comportements des Européens. Mais tout est là : qui pourrait bien s’en féliciter ?).

[8] … dont (sans parler du ‘’reste’’ !) on peut aujourd’hui évaluer la véritable capacité à assurer la croissance en Europe !

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.