La Route du Rock, droit dans ses bottes
- 15 août 2010
- Par Marine Turchi
- Édition : Synthétique

Pour cette 20ème édition, la Route du Rock s'est transformée en une partie de pêche en haute mer à la Toussaint. Le commerce de bottes explose à Saint-Malo. Récit de deux jours de gadoue.
Il faut bien avouer qu'on est partis à la Route du Rock comme si on allait faire un tour de trimaran sur la Seine, avec des vieilles Converse et une marinière. On s'est fait sonner les cloches d'entrée par notre consoeur bretonne du magazine Paplar: «L'année dernière c'était l'exception. A la Route, il fait 15 degrés, il pleut tout le temps, t'as de la boue jusqu'aux genoux».

Le lendemain matin, en ouvrant les volets on s'est dit qu'on était sur l'île de Jersey et que c'était la Toussaint. Le festival se replie dans le Palais du Grand large où le chroniqueur Christophe Brault se retrouve avec une audience inespérée pour sa conférence sur l'évolution-des-courants-musicaux-depuis-les-années-1990 avec un micro-cravate.
16h. On boit des bolées de cidre avec nos acolytes de Libé qui racontent que, à la Route du Rock «c'est pas de la bouillasse, c'est pire, c'est des marécages» et que «en 2004, c'était le déluge». Nous on repense à Rock en Seine en 2007, où tout le monde avait resorti ses bottes Aigle de 1988 à cause de trois flaques d'eau. A 16h30, on attend toujours DM Stith qui doit jouer au Palais. Il est coincé dans les embouteillages à trente minutes de la ville. Il n'est d'ailleurs jamais arrivé.
18h. Dehors, ça tourne à la partie de pêche en haute mer. Au milieu des kouign amann et des bols bretons, on cherche des bottes. Un papi se paye notre tête dans sa bicoque souvenirs: «Des bottes? Ah non ici on a que des marinières. Vous savez c'est une denrée rare à Saint Malo aujourd'hui». L'heure tourne, on cède et on appelle la boutique Aigle. «Oui on est ouvert mais on ne sait pas quand on ferme, c'est la panique madame, je dois raccrocher!». Sur place, état d'urgence. «Vous allez à la Route du Rock ce soir? Tenez, prenez le modèle basique à 45 euros. Non, on a plus que du 47 rouge». Les clients se tapent dessus pour les dernières paires. On sauve l'ultime 38 à une blonde qui menace de dégainer la carte bleue avant nous. Le patron passe avec des cartons poursuivi par dix personnes et nous dit qu'il a vendu 350 paires depuis 10 heures ce matin. «On fait que ça, on s'est fait dépanner de 200 paires par Rennes, mais on en a raté 250 ventes faute de stock». A côté un vendeur crie à un Anglais que «it's difficult to have the good size, sorry». Le patron dit que s'il avait pu, il aurait monté un stand direct au festival, «avec aussi des cirés et tout». Pendant ce temps-là, un couple d'Anglais tente de nous piquer notre double achat de bottes rouges alors on s'assoit dessus.
20h. Au bar de l'Univers, intra muros, les serveurs se marrent en voyant le débarquement de notre team Quechua-Aigle et demandent si on va «au festival pop bourgeois». «Vous êtes magnifiques, manque plus que le ciré jaune !». Dans le Fort de Saint Père, c'est l'océan Atlantique devant la scène. Sacs plastiques noués aux pieds façon chaussons d'hôpital. Couvertures de survie sur le dos. On est à mi-chemin entre une randonnée dans le Morvan en plein automne et un Koh-Lanta au Pakistan.
22h. Le chemin qui monte à l'espace presse s'est transformé en toboggan géant. On est proche d'Intervilles. Dans la descente, on voit passer notre amie bretonne qui surfe en chaussures bateau: «J'te l'avais dit, c'est parti pour deux jours non stop!». En bas, the Faols rallument le Fort pendant une heure et demi. Superbe concert, dans la fosse on est collé au sol. En coulisses, Yannis Philippakis, le chanteur, ressemble un peu à Didier Bourdon déguisé en Nicolas Sirkis. Il explique qu'il a fait 19 heures de bus depuis Cannes pour venir à la Route.
Direction le bar VIP où l'on demande si l'on peut faire cuire le Champagne sur un réchaud merci. On va chercher des galettes saucisses, on s'enfonce jusqu'à mi-mollet pendant que Massive Attack reprend «Girl I love you». A l'espace presse, une bruxelloise nous explique qu'elle a dégotté la dernière paire de bottes léopard premier prix au Carrefour de la zone industrielle, mais que, au camping, là, c'est pas facile tous les jours avec la tente qui est censée se monter toute seule quand on la lance. Backstage, les organisateurs demandent à notre consoeur d'arrêter de prendre quatre bières par personne s'il vous plaît. Un musicos de la chanteuse trip-hop Martina Topley Bird passe, il est habillé comme Marc Green d'Urgences croisé avec un supporter du FC Nantes.
3h30. Très en forme, les Ricains de We have Band donnent le feu vert pour un bain de boue intégral façon Fort Boyard. Dans la fosse, certains ont l'air de sortir d'un camp d'entraînement de GI's en Afghanistan. Les portables tombent dans la bouillasse. On voit passer des lunettes clignotantes et des oreilles de lapin. A la fin de la nuit, on ira jouer à où est notre vieille Polo verte 1995 garée les fenêtres ouvertes.
A lire, à voir, à écouter:
Les concerts diffusés sur le site d'Arte.
Notre billet sérieux du 14 août.
Notre reportage de l'édition 2009.
Le Club est l'espace de libre expression des abonnés de Mediapart. Ses contenus n'engagent pas la rédaction.