Le projet de loi sur la Nouvelle Organisation du Marché de l’Electricité (appelée loi NOME) doit être voté aujourd’hui. Celui-ci, sous prétexte d’établir un marché de l’électricité plus concurrentiel qu’il ne l’est actuellement, contraint Electricité de France (EDF) à rétrocéder à des entreprises concurrentes un quart de sa production à prix coûtant. Les contribuables français, qui ont par le biais d’EDF financé des investissements massifs dans le nucléaire, sont-ils prêts à faire ce cadeau de 2 milliards d’euros à des opérateurs privés qui n’auront pas eu à réaliser ces investissements ? Selon Gérard Pierre, professeur émérite de physique à l’Université de Bourgogne, ce projet de loi doit être revu en profondeur par le Parlement.
Le projet de loi sur la Nouvelle Organisation du Marché de l’Electricité (appelée loi NOME) doit être voté aujourd’hui. Celui-ci cherche à contraindre Electricité de France (EDF) à rétrocéder à des entreprises concurrentes jusqu’à un quart de sa production à prix coûtant.
Pourquoi ? Le marché de l’électricité est totalement ouvert à la concurrence depuis le 1er juillet 2007 (entreprises et particuliers, soit 25 millions de clients), conformément à la directive européenne de libéralisation du 26 juin 2003. Mais EDF continue à bénéficier d’un quasi-monopole de fait (95% du marché) et la Commission européenne s’en est émue. La loi NOME vise ainsi à établir « de force » un marché de l’électricité concurrentiel, ce que la loi n’a pu réaliser « de gré ».
Il y a là une décision purement idéologique. L’ouverture à la concurrence avait pour objectif initial de permettre la baisse des prix pour le consommateur ; elle est devenue un objectif en soi.
Or cette décision n’a pas de sens économique. Elle aboutit à transférer une énergie peu onéreuse, et peu émettrice de gaz à effet de serre, produite par EDF (l’énergie électro-nucléaire française coute 30% moins cher en France que chez nos voisins) à des opérateurs privés de commercialisation qui vont la vendre à l’étranger au prix du marché. C’est ainsi un cadeau de 2 milliards d’euros par an que la loi NOME va faire à ces opérateurs au détriment d’EDF. Avec une double conséquence :
- Un tarissement des investissements à long terme. EDF est privée de deux milliards de revenus qu’elle ne pourra pas réinvestir, que ce soit dans les énergies renouvelables ou dans la modernisation de son parc de centrales. Et les opérateurs de commercialisation qui vont récupérer cette manne, souvent des traders sur le marché de l’énergie, n’ont aucune intention d’investir eux-mêmes dans la production électrique.
- Une augmentation du prix de l’électricité. A court terme, le fléchage d’une partie importante de la production électrique française vers les marchés étrangers est synonyme de pénurie accrue sur le marché national lors des pics de consommation, avec un accroissement corrélatif des prix. A moyen terme, le sous-investissement va entraîner une insuffisante d’offre par rapport à la demande, et donc une poussée des prix. Pour y faire face, ce seront les investissements les plus rapides qui seront privilégiés – et ce sont aussi les plus anti-écologiques, et produisant une électricité beaucoup plus chère que le nucléaire : les centrales à cycles combinés à gaz.
Au total, la loi NOME privilégie l’idéologie contre l’économie. Il ne s’agit plus d’ouvrir à la concurrence pour faire baisser les prix. On nous dit maintenant qu’il faut augmenter les prix pour ouvrir à la concurrence.
Le gouvernement présente actuellement un projet de loi sur la Nouvelle Organisation du Marché de l’Electricité (appelée loi NOME). Il est en discussion à l’Assemblée depuis le 8 juin et doit être voté le 15 juin.
Alors que le marché de l’électricité est déjà ouvert en France, le projet de loi vise à répondre favorablement aux injonctions de la Commission européenne pour établir en France un marché de l’électricité plus concurrentiel qu’il ne l’est actuellement. Il fait suite aux recommandations de la commission Champsaur qui a remis son rapport en avril 2009.
La France a développé après la première crise pétrolière un programme électro nucléaire, dont les atouts sont connus :
- Le prix de l’électricité est, pour les ménages français, de 27 % moins cher que la moyenne européenne et 33 % pour les autres consommateurs.
- Nos rejets de gaz à effet de serre sont 60 % moins importants que ceux de nos voisins (Allemagne, Danemark, Italie…) et ceci essentiellement grâce au nucléaire.
- Le coût de l’électricité nucléaire dans les conditions d’exploitation actuelle n’a pas de raison d’augmenter en fonction des matières premières, contrairement à l’électricité d’origine fossile (charbon, gaz, pétrole).
- Il assure à la France une indépendance que les autres sources, en dehors du charbon principal responsable des émissions de CO2, sont incapables de donner.
Il présente cependant un inconvénient pour les investisseurs privés, le temps de retour sur investissement est considérable. Pour le nucléaire, 75 % des coûts représente des charges fixes et 25 % des charges variables alors que ce rapport est complètement inversé pour le gaz. Dans ces conditions faire bénéficier à des opérateurs privés des investissements réalisés par le public (les Français) est totalement injuste.
Malgré cela et pour satisfaire l’Union européenne, le gouvernement veut contraindre légalement l’opérateur historique à rétrocéder à des entreprises concurrentes une partie très importante de sa production à prix coûtant. Ainsi « Electricité de France est tenu de conclure des contrats de vente d’électricité, à des conditions représentatives des conditions économiques de production de l’électricité par ses centrales nucléaires situées sur le territoire national avec les fournisseurs d’électricité qui en font la demande. » Le volume global maximumpourraêtre 100 térawattheures soit environ le quart de la production totale d’EDF.
Les prévisions faites par les services de l’Etat dans les études sur les coûts de référence montrent que la production de base dont le MWh est le moins cher, est celle du nucléaire, dont la valeur varie de 30 à 55 € le MWh, suivant que l’on prend comme référence les centrales existantes ou le nouvel EPR. Cette proposition, si elle était votée, donnerait aux bénéficiaires des contrats une manne financière considérable. Le MWh étant vendu au consommateur d’électricité en France de l’ordre de 78 €, c’est un cadeau de plus de 2 milliard d’€ par an que l’Etat s’apprête à faire aux compagnies privées concurrentes alors qu’elles n’auront fait aucun investissement. C’est également un marché concurrentiel purement artificiel qui attirera des traders français mais également étrangers, séduits par des bénéfices qu’ils n’auront nullement l’intention d’investir dans des unités de production, et qui feront leur profit en revendant l’électricité achetée à bas coût en France pour la revendre principalement à l’étranger avec un bénéfice maximum. C’est surtout, pour EDF, une diminution de sa capacité financière à un moment où cette entreprise doit faire de nombreux investissements pour assurer la transition énergétique imposée par la raréfaction des ressources pétrolières et gazières, l’augmentation de la consommation électrique, ainsi qu’à terme le renouvellement de ses centrales.
Ce projet, s’il est adopté dans sa forme actuelle, est très dangereux, car il remet en cause la capacité à investir pour l’avenir dans les besoins énergétiques de notre pays et les conséquences sur les prix ne se feront pas attendre. Ainsi, à un terme rapproché, lorsque les marges de production et consommation seront devenues inférieures aux valeurs de sécurité, le prix du KWh augmentera très rapidement en raison de sa rareté et les investissements les plus courts seront mis en œuvre. Or ceux-ci sont des centrales à cycles combinés à gaz qui utilisent cet hydrocarbure rare aux usages multiples, ce qui est un non sens en termes de développement durable. En outre elles produiront un KWh plus onéreux que le nucléaire et elles relanceront les émissions de gaz carbonique d’origine anthropique. Le texte de la loi NOME pourrait au minimum imposer que les bénéficiaires des achats discount participent le moment venu aux efforts des nouveaux investissements nucléaires qui seront très bientôt indispensables.
Car, comme l’a dit Marcel Boiteux ancien directeur d’EDF, il ne s'agit donc plus, comme on pouvait le croire initialement, d'ouvrir la concurrence pour faire baisser les prix, mais d'élever les prix pour permettre la concurrence.