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Billet de blog 3 mai 2010

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L’ALBA : l’intégration sous un nouveau jour.

Le 19 avril, le Venezuela célébrait le bicentenaire de son indépendance, en présence des huit mandataires des nations de l'ALBA1 réunis à Caracas pour célébrer le IXème sommet ordinaire de l'Alliance. Hugo Chavez invitait à lutter pour une "seconde indépendance", politique certes, mais aussi sociale et économique, cette fois-ci. Par Manuel CEREZAL, économiste, co-responsable de la création de la monnaie SUCRE.

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Le 19 avril, le Venezuela célébrait le bicentenaire de son indépendance, en présence des huit mandataires des nations de l'ALBA1 réunis à Caracas pour célébrer le IXème sommet ordinaire de l'Alliance. Hugo Chavez invitait à lutter pour une "seconde indépendance", politique certes, mais aussi sociale et économique, cette fois-ci. Par Manuel CEREZAL, économiste, co-responsable de la création de la monnaie SUCRE.

A force de récupération et redistribution d'une rente pétrolière et de presque 2 millions d'hectares de terres jusque là inaccessibles au peuple vénézuelien, le gouvernement de Chavez a pu entreprendre la construction d'un pays là où l'on n'aurait trouvé, il ya onze ans, qu'un club de rentiers. En passant les royalties de 1 à 33%, le Venezuela est donc devenu un acteur pétrolier public et social, en même temps qu'un bienfaiteur pour la région latino-américaine et caribéenne.

L'opposition vénézuélienne, de mèche avec certains média internationaux, reprochent cependant au président Chávez de ne pas ménager sa monture, pointant du doigt ce que le Venezuela "offre" à l'extérieur, au sein de PETROCARIBE2 et de l'ALBA, tandis que certains problèmes persistent en interne. Tous gagneraient à analyser les chiffres...

En l'espace de 5 ans, l'ALBA a permis d'opérer des milliers de personnes, d'en alphabétiser plus de deux millions3, de financer la formation universitaire, c'est à dire de projeter les bienfaits de l'intervention sociale de l'Etat au delà des dimensions nationales. Un effort soutenu et presque incroyable si l'on tient compte de la capacité diminuée des institutions publiques que le FMI a bien voulu épargner de ses tristement célèbres ajustements structurels.

La multiplication par 4 des échanges internes à l'ALBA depuis sa création reste encore très modeste4 par rapport à la valeur de ses exportations vers les pays occidentaux. Mais la tendance est là, surtout depuis que les mandataires ont exprimé leur ferme détermination à diversifier un commerce encore essentiellement composé d'hydrocarbures.

L'ALBA s'est donc décidée à échanger plus, et mieux, entre ses membres. Elle a même introduit même sa propre unité de compte, le "sucre"5, destinée à substituer partiellement le dollar américain utilisé pour les transactions commerciales entre les pays de l'Alliance. Comme tout nouveau né, le S.U.C.R.E.6 mettra une bonne année à fonctionner correctement, en captant les échanges internes à l'ALBA, et en induisant progressivement une autre discipline du commerce. Le Conseil Ministériel de Complémentation Économique de l'ALBA, créé en Aout 2009, la Banque de l'ALBA et les entreprises grand nationales s'emploieront à consolider une Zone de Développement Partagé, où les échanges devraient dans un premier temps cibler les premières nécessités que certains pays peinent encore à satisfaire de manière autonome.

Ces évolutions se déroulent sous l'œil attentif des mouvements sociaux qui savent aussi se faire entendre. Certains, en Equateur, rappellent leur président à l'ordre quant il le faut, d'autres sont en train d'établir un nouvel ordre constitutionnel et politique, en Bolivie, depuis le pouvoir. Ils sont d'ailleurs en passe de constituer le Conseil des Mouvements Sociaux de l'ALBA.

Plus qu'un nouvel esprit de l'union, c'est bel et bien une nouvelle pratique de l'intégration que nous voyons éclore à partir de mécanismes de solidarité, coopération, complémentarité et respect de la souveraineté7. Et si, depuis le piédestal d'un développement accompli tant bien que mal, nous faisions l'espace d'un moment abstraction de la critique des populismes d'outre atlantique, nous verrions simplement un scénario composé d'Etats en phase de reconstruction, sous l'effort de gouvernements "populaires", certains depuis plus de dix ans à plus de 60%. Simple invitation à la tolérance et à l'autocritique.

1 ALBA : L'Alternative Bolivarienne des Peuples de notre Amérique est née en Décembre 2004 en opposition à la Zone de Libre Echange des Amériques (ALCA ou ZLEA en français). Elle s'est transformée en "Alliance" en 2009. Les nations de l'ALBA : Antigua et Barbuda, la Bolivie, Cuba, Dominica, l'Equateur, le Nicaragua, Saint Vincent et les Grenadines, et le Venezuela. "Alba" veut dire "aube" en espagnol.

2 Petrocaribe est un accord né en 2005 qui permet à quatorze pays des Caraïbes et d'Amérique Centrale d'accéder au pétrole vénézuélien sous des conditions préférentielles.

3 L'UNESCO a déclaré le Venezuela, la Bolivie et le Nicaragua "nations libres d'analphabétisme" en 2005,2008 y 2009 respectivement.

4 5% environ, soit près de 10 milliards d'euros.

5 Du nom de l'un des héros des indépendances sud-américaines, Antonio José de Sucre.

6 Le Système Unitaire de Compensation Régionale de paiements regroupe la Bolivie, Cuba, Equateur, Nicaragua et Venezuela depuis le 16 Octobre dernier. Voir aussi "Et les Bolivariens inventèrent le sucre" (www.medelu.org) La première opération en "sucres" s'est faite le 3 Février 2010 entre Cuba et le Venezuela.

7 Principes fondamentaux de l'ALBA.

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