Rue 89 posait récemment cette question : « Et si le projet de collectivité unique alsacienne dépassait la simple évolution administrative et institutionnelle pour rénover des sujets concernant plus directement les Alsaciens, comme par exemple la politique culturelle ? Conseiller culturel, Nicolas Chabrol propose de se saisir de l’opportunité » en appelant à une réflexion prospective et constructive pour la société.
Les atouts culturels de l’Alsace, on l’a vu, sont considérables : un terroir de communications tant écrites que mobiles, la vitalité et le succès de l’édition notamment dite alsatique, un dialecte à la fois fédérateur et nuancé, une Université qui se mutualise entre domaines complémentaires comme entre divers pôles tout en tissant des réseaux internationaux, une Bibliothèque Nationale Universitaire en pleine rénovation architecturale et technique, le dialogue depuis longtemps œcuménique et interreligieux, une appartenance biculturelle, des esquisses de type Interreg pour la familiarisation des plus jeunes avec la langue voisine et les cultures européennes, trois Eurodistricts à relier pour multiplier les actions concrètes, un commun sens prononcé de la musique, une chaîne de télévision et un site multimédia binationaux appelés ARTE... sans oublier le riche patrimoine de cette région, qui s'est prêté certes à des mutations réussies, mais qui a des besoins urgents en matière de mise en valeur et d'abord d'entretien. Tout porte l’Alsace et ses habitants à pratiquer une ouverture exigeante autant que souple, approfondir la réflexion dans l'échange, à cultiver toujours mieux la découverte, l’invention, l'attention au passé dans la construction de l'avenir.
Cela nous mène droit au projet que pourrait mettre en œuvre une telle Collectivité Territoriale, non pour se recroqueviller dans une frileuse nostalgie, mais pour incarner, nourrir, aimer, la notion de société qui implique l’alliance en mouvement. N’est-ce pas une des physionomies d’Eur-Ope, l’Orientale qui fait éclore en Occident depuis trois mille ans, précisément par les moyens de contact nés sur le même rivage qu’elle – la navigation lointaine et le limpide alphabet, de plus Larges-Vues ? Ancrée en Alsace par les tourmentes de l’histoire, elle lui confie d'une certaine manière la fonction, non seulement de maillon dynamique pour le bien commun de l’Europe, mais aussi, à l'échelle nationale, de Conseil Unique. Si l'on observe cette expression sémantiquement, il s'agit d'une instance de concertation doublement unique, car harmonieuse, donc éclaireuse, entre autres concernant l'ouverture, la culture et la création, pour exercer une responsabilité redoutable autant qu'incontournable, qui nous rend aussi humbles que solidaires : le développement de la démocratie et le rayonnement de la paix...