Billet de blog 30 juin 2008

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Charles Heimberg. Historien et didacticien de l'histoire

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La fabrication d’un « nouvel historien »

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’Hebdo est un journal suisse-romand qui se prétend « bon pour la tête » . Le 19 juin 2008, il a consacré une double page à l’historien Olivier Meuwly, avec un titre tapageur : « La lutte contre l’historiquement correct » . On en trouve le résumé sur www.hebdo.ch/edition/2008-25/mieux_comprendre/reseau/olivier_meuwly.htm>. Il y aurait donc, en Suisse romande, une voix critique et originale parmi les historiens qui aurait le courage de remettre les pendules à l’heure ? Il s’y trouverait enfin un intellectuel doté du courage nécessaire pour se démarquer d’une approche trop convenue de sa discipline ? Quel est donc cet historien ainsi présenté comme rebelle et frondeur ? Quelle est l’originalité de son propos ? Olivier Meuwly est membre du parti dominant, le parti radical suisse. Il a été, lit-on, membre d’une société d’étudiants typique de la sociabilité bourgeoise traditionnelle. Il se dit influencé par ces « grands radicaux » qu’il a étudiés et qui inspirent son action et ses analyses au sein de la droite helvétique. Ce qui est bien sûr son droit le plus strict. Et ce qui n'est pas le problème posé par cet article. Car Olivier Meuwly est très sollicité dans les médias dominants. Ce qui l’aide à présenter une image de lui-même, de "nouvel historien politiquement incorrect", qui a même fait deux pages dans L’Hebdo . Peu importe que ses travaux soient centrés pour l'essentiel sur des personnalités qui ont dominé leur temps, des gens de l’Histoire , il serait le seul à s’intéresser vraiment aux « acteurs de l’histoire » . Comme si les sciences sociales n’avaient pas réinvesti le rôle des individus dans leurs approches depuis plus d’une vingtaine d’années. Comme si les actrices et les acteurs subalternes, les partageux et les dominés, les gens sans Histoire qui intéressent au plus haut point l’histoire sociale la plus avancée n'étaient pas dignes de la même attention. L’homme a aussi, nous dit-on, des « adversaires » : ce sont tous ces historiens « marxisants » regroupés pour l'occasion dans une même catégorie dépréciée, mais pour nous dire surtout qu’ils seraient « dominants » dans nos universités. Ce qui n’est pas sans rappeler les fantasmes d’un Berlusconi houspillant ses juges, soi-disant tous communistes. Qu’un organe de presse s’intéresse à l’histoire, c’est assurément une bonne nouvelle. Toutefois, dans ce cas particulier, il eut été préférable qu’il s’y intéresse vraiment. En évitant de se prêter à une construction imaginaire qui fait diversion et donne l’illusion, par une formule choc, d'une histoire traditionnelle qui serait innovante. Charles Heimberg

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