La croix suisse dans tous ses états

En Suisse comme ailleurs, le thème de l’« identité nationale » est dans l’air du temps et fait l’objet d’usages divers dans l’espace public. L’emblème national de la croix suisse est ainsi omniprésent, brandi à tout propos avec une insistance qui ne s’était plus observée ces quarante dernières années.Ce double panneau publicitaire est visible dans la région genevoise. A gauche, une affiche de promotion de l’équipe nationale suisse de football, en vue du prochain championnat européen qui se déroulera en Autriche et en Suisse, une compétition qui ne manquera pas de susciter un foisonnement d’exhibitions de drapeaux. A droite, une affiche politique de la mal-nommée Union Démocratique du Centre (dont l’emblème a été effacé en bas à droite). En juin prochain, la Suisse n’accueillera pas seulement des matches de football. Ses électeurs y voteront sur une initiative de l’UDC visant à inscrire dans la Constitution le droit des communes d’organiser des scrutins populaires pour accorder ou non la nationalité suisse à leurs habitants qui le demandent. Comme l’ont déjà fait des communes dans lesquelles la naturalisation de candidats dont le nom de famille avait une consonance balkanique a été systématiquement refusée. Ces mains menaçantes qui s’arrachent des passeports rouges à croix blanches servent donc à lancer une campagne populiste et xénophobe que des sondages annoncent comme pouvant être victorieuse.Le langage publicitaire et la propagande préfèrent les mythes à l’histoire. Mais l’histoire nous rappelle que les usages de symboles identitaires comme l’image d’un surhomme ou celle d’une agression de l’étranger n’ont pas toujours été inoffensifs. Et que la démagogie identitaire peut menacer la démocratie si elle piétine les droits humains.Charles Heimberg