Billet de blog 7 février 2013

Philippe LEGER (avatar)

Philippe LEGER

Ancien journaliste. Secrétaire général du Comité Européen Marseille.

Abonné·e de Mediapart

La révolution “Arts and Crafts” ou le printemps du cœur historique de Marseille

Le centre de Marseille fait sa révolution culturelle. L’événement Marseille Provence 2013, capitale européenne de la culture, a boosté son cœur historique. Et accéléré l’installation d’authentiques artistes créateurs, ou plutôt créatrices, car ces dames sont la force de frappe de la nouvelle économie du quartier du Panier (2e arr.)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.


Aurore, Alexandra et Frédérique de l’Atelier “Le Ghalia Noir” 

Regroupées au sein du collectif  “les femmes du Panier”, elles sont pour la plupart diplômées et jeunes comme Frédérique, Alexandra et Aurore du “Ghalia Noir”, un atelier d’artistes au 38 de la rue de l’Évêché.
En tout, un peu plus de 40 spécialistes qui exercent dans le cœur historique de Marseille - l’ancienne Massalia des fondateurs grecs (- 600 avant JC). Toutes excellent dans les métiers de l’artisanat et des arts visuels et possèdent cette “French touch” que nous envie le monde entier, le fait main élégant et pratique, poussé à la perfection.
En cette année 2013, c’est le monde entier qui va venir dans la métropole phocéenne, la plus ancienne ville de France. Plus d’un million de croisiéristes sont attendus.
Routières ou maritimes, toutes les navettes débarqueront leurs flux de touristes au pied du Mucem (1) ou sur le Vieux Port. À quelques minutes des “nice shops” du quartier du Panier si appréciées des touristes américaines : ateliers et boutiques de céramistes, galeries de sculpture et de peinture, ateliers de confection...
Le succès populaire sera au rendez-vous pour peu que la Ville daigne se mettre au diapason du tourisme d’agrément (séjours de 4 jours ou moins). Il exige une signalétique qui flèche du Vieux Port et d'ailleurs en direction du Panier, à l’usage des piétons - un centre ville se visite à pied - du mobilier urbain indiquant les établissements de nos créateurs ou affichant le plan du quartier du Panier, un véritable labyrinthe.
Jusqu’à présent, les demandes formulées auprès de l’administration ont essuyé des refus stupéfiants du genre “pas de publicité dans le secteur historique” ; “Il faut voir avec l’entreprise Decaux qui a le monopole” (2)... Rien que ça ! Il faudrait aussi que l’Office du Tourisme de la Canebière joue le jeu, en cessant de dissuader les touristes de se rendre au Panier, en ne distribuant pas les plans payés de leur poche par les créateurs. De nombreux témoignages dénoncent ces agissements.

 Vivre et travailler au Panier 
Toute révolution a ses prophètes et ceux de ces dames se nomment John Ruskin - poète et écrivain - et William Morris - fabricant de meubles et d'objets. Tous deux lancent à la fin du 19e siècle en Angleterre le mouvement "Arts & Crafts", une réponse à la perte d'un savoir-faire artisanal et aux flots d’articles fabriqués en série qui commencent à inonder le marché, avec une qualité matériel inférieure et une esthétique vulgaire... “Une époque qui rappelle notre monde actuel, la crise de nos modèles sociaux, le sentiment de précarité qui accable une grande partie de la population...” nous confie Eva Chevallier- Kausel, très active au sein du collectif "Femmes du Panier". Cette ethnologue de formation (comme son époux Denis Chevallier, directeur du Mucem tout proche) a tenu une galerie contemporaine.


Eva Chevallier-Kausel à l'entrée de la Vieille Charité (quartier historique du Panier)

Elle fait partager son enthousiasme et ses connaissances sur le blog des Femmes du Panier. On peut y lire : “Pour Ruskin et Morris le bonheur réside dans l'artisanat. Le travail fait main doit être réhabilité, les techniques traditionnelles transmises. L'intérieur de la maison doit offrir un cadre au bien-être de l'individu et de la famille... Cette approche revisite le cadre de vie, rapproche Beaux Arts et Arts appliqués, matières naturelles et finesse d’exécution, Elle concerne tout: vaisselle, reliure, tapis, luminaires, meubles...” 
Avec Ruskin et Morris, l'approche pluridisplinaire de la création artistique, jusqu'alors inédite, entre en mouvement. Elle n’est pas seulement technique, elle est aussi existentielle.
La révolution “Art and Craft” a jailli pour défendre les valeurs de l’artisanat, elle débordera dans l’industrie en accouchant du Design ! L’excellence des grands créateurs qui œuvrent comme artistes ou artisans est reprise dans les fabrications en grandes séries, chères aux industriels. La qualité de vie des êtres humains est revenue au centre de leurs préoccupations.
En Europe, la ville de Cologne représente un modèle de ville qui vit de l'esprit créatif de ses habitants. L'art y est partout présent et la zone d'achalandage couvre un vaste zone - Belgique, Nederland, Luxembourg jusqu'en Angleterre ! Au Moyen Age, les habitants de Cologne ont conquis leur indépendance vis à vis de l'évêque de la ville, maître et mécène à l'époque, en le forçant à l'exil... Ils voulaient bien continuer à créer mais sans rien devoir au prélat ! 
Depuis lors, l'évêque a retrouvé sa cathédrale mais les citoyens de Cologne ont conservé l'habitude de créer en toute indépendance.
Pour les créateurs marseillais, l'aventure ne fait que commencer. "Das ist ein großer Weg !

 (1) Mucem : Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée. Ce grand musée national, le seul en dehors de Paris, est érigé dans "l'espace" Saint Jean. Une formidable revanche pour tous ceux qui ont souffert de l'Occupation.
Saint Jean est un quartier de Marseille entièrement dynamité en 1943 par les nazis, à l'instigation de la mafia municipale de l'époque. Les nazis avaient décrété Marseille, "chancre de l'Europe". 
De 1943 à 2013 (année "
Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la culture ") que de chemin parcouru !

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