Billet de blog 9 avril 2017

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Philippe LEGER

Ancien journaliste. Secrétaire général du Comité Européen Marseille.

Abonné·e de Mediapart

À Marseille, Mélenchon chante la paix, bénit les dictatures, diabolise l'UE et l'Otan

Dans un monde où l'on assassine des populations et gaze des enfants, l'idéalisme de Mélenchon était déplacé, comme son ode à la paix, une réponse inadaptée aux actes pervers des dictateurs. À Marseille, Mélenchon Don Quichotte a chargé les moulins de ses fantasmes et s'est pris les pieds dans le drapeau étoilé. Un discours indigne d'un candidat à la présidence de la République.

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Illustration 1
Le quai de la fraternité avant que les militants FI n'accourent avec des drapeaux, à la demande des organisateurs du meeting de Mélenchon sur le Vieux Port - Marseille le 9 avril 2017 © Philippe LEGER


Mélenchon était à Marseille ce dimanche 9 avril pour un meeting électoral sur le Vieux Port. Le quai de la Fraternité voit passer quotidiennement des milliers de Marseillais et touristes, davantage le dimanche, surtout quand le soleil est de la partie. Le Vieux Port, n'est pas seulement la « plaque tournante des transports urbain à Marseille » (métro bus et embarcadères pour les îles et les calanques) ; c'est aussi un lieu touristique, de rencontres et de distraction grâce à l'ombrière de Norman Foster et la grande roue.

Mélenchon veut parler et négocier... avec Poutine !

Mélenchon ne tient aucun compte des réalités. Comme à son habitude, il a tenu des propos mielleux mêlés de fiel. Il a entamé une véritable ode à la paix, remplie de bons sentiments. Il la promet « en Méditerranée, dans le monde entier, chez nous... avec la justice sociale grâce à la force... de la loi » tout en peignant le diable sur le mur quand il évoque l'Union européenne... une organisation supranationale à laquelle, comme chacun sait, les Européens sont redevables de la paix. Et qui s'est vu décerner le Prix Nobel de la Paix en 2012 !
Mélenchon, nouveau chantre de la paix, a fait observer une minute de silence pour les naufragés en Méditerranée. Mieux vaut tard que jamais.
On n'avait guère entendu l'ancien sénateur quand des journalistes, des humanitaires, risquaient leur vie pour alerter l'opinion publique sur les drames des naufragés (lien vers la 8e édition de la Semaine Économique de la Méditerranée). 
La Monarchie avait un "grand Chambellan". La République, elle, tient en Mélenchon son petit Chamberlain*. Comme il l'a déclaré à Marseille : « Il veut parler, il veut négocier avec la Russie de Poutine. » Rien que ça !
Le Premier ministre de Grande-Bretagne avait négocié avec Hitler dans l'espoir de sauver la paix.
Tout le monde connaît la suite... Pas Mélenchon ? Naïveté, manque de lucidité... ou duplicité  ?

Lepen-Mélenchon : même combat !

Mélenchon n'a pas fustigé Poutine pour le génocide commis en Tchétchénie, l'annexion d'une partie de la Georgie et de l'Ukraine, son soutien au régime du dictateur syrien. Tout le monde n'a pas le courage de la journaliste assassinée Anna Politkovskaïa.
Il a totalement occulté le rôle de la Russie dans les conflits qu'elle allume sur le continent européen. Et omis de replacer le conflit syrien dans son contexte, celui d'une lutte d'influence entre plusieurs blocs avec des enjeux immenses (hydrocarbures et assujettissement de l'Europe), comme l'a montré notamment Robert Francis Kennedy (2) (« Robert Kennedy Jr. dénonce le conflit en Syrie : une guerre par proxys pour un pipeline » par Taïké Eilée - Agoravox.) 
Mélenchon a passé sous silence le désir russe de rétablir une hégémonie sur le continent. Elle le sera d'autant plus facilement que l'Otan sera disloquée. Justement, ça tombe bien, il veut en sortir la France... ! Comme la candidate Lepen ! A croire que Poutine possède en France un deuxième fer au chaud.

« Mélenchon veut reconstruire l'Europe... sauf que depuis le temps que ça dure le plan B est devenu le plan T !». 

Après avoir joué du pipeau de la paix, il a fait entendre la grosse caisse pour fustiger l'Union Européenne.
Connu pour son aversion à l'égard de cette organisation supranationale, Mélenchon s'est abstenu de tresser des lauriers à Madame Angela Merkel dont le pays (qu'il exècre) a accueilli près d'un million de réfugiés, notamment syriens, victimes de la dictature atroce du régime de Bachar El Assad, allié de Poutine. 
À Marseille, il a laissé éclater sa colère sur le « tafta », en phase avec ses sympathisants qui l'ont très applaudi sur ce thème.... Or, aucun traité de ce nom n'a été conclu. Il n'existe qu'un projet portant ce nom, gelé avec l'arrivée au pouvoir de Trump, qui ne veut pas en entendre parler. Mélenchon et Trump, même combat ? 
Des traités de libre échange, qu'il vilipende, ont été conclus à la satisfaction de tous les pays concernés (notamment de la République Socialiste du Vietnam) mais Mélenchon, l'allié des communistes, se garde d'en parler. Il n'entre jamais dans les détails. « Il prend le peuple au piège de l'oreille », comme disait l'illustre avocat de l'Antiquité, Cicéron. Il lui donne à entendre des slogans qui sonnent agréablement.
Comme dirait un humoriste,  « pour Mélenchon tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil sauf qu' il y a cette maudite Europe qui fait que tout le monde il est mauvais, tout le monde il est pourri. Alors, Mélenchon, il veut la reconstruire... avec le plan B , encore et toujours, sauf que depuis le temps que ça dure... le plan B est devenu le plan T !»

Mélenchon rêve d'une France vierge, 100% écologique

Il a tenté sur le Vieux Port de répondre aux arguments de ses adversaires qui lui ont mis sous les yeux les effets néfastes du Brexit sur l'économie britannique, l'unité du Royaume-Uni et l'humeur, en rien gracieuse, qu'il instaure entre les gouvernements de Grande-Bretagne et d'Espagne... Sans se rendre compte qu'en faisant référence dans sa réponse à Gibraltar, aux menaces, à peine voilées, de représailles militaires des autorités anglaises qui mettent en œuvre le Brexit, il a apporté de l'eau au moulin des partisans de l'UE et de la paix. Mélenchon Don Quichotte s'est pris les pieds dans le drapeau étoilée.
Il maudit cette UE, « cette alliée de l'Otan » (sic), une organisation qu'il déteste visiblement. Il la hait. « il en fera sortir la France s'il est élu... »
À écouter Mélenchon, la France va retrouver ses 20 ans. Redevenir une grande jeune fille pure. Une vierge 100% écologique, pacifique... « il n'y aura plus de guerres liées aux énergies carbonées », a-t-il assuré à Marseille, si les Français l'élisent comme président de la République.
Poutine doit s'en amuser : les militaires russes pourraient bien se mettre sous les dents le homard français, sans carapace, pacifique, idéaliste, amoureux de la paix... et des belles paroles de Mélenchon. S'il est élu...

Touristes, badauds et sympathisants « mélenchés » dans le décompte des participants

Les organisateurs de la campagne de Mélenchon affectionnent ces lieux où leurs sympathisants sont mêlés à la foule des citadins et des touristes. Les images télévisées et les photos des journalistes dévoilent alors une masse compacte, une foule impressionnante. 
Une réunion électorale sur la place publique est un choix risqué selon les autorités en charge de la sécurité de tous. Pas moins de 9 cars de la gendarmerie sur la Canebière. La mairie de Jean -Claude Gaudin a refusé de mettre la police municipale à la disposition de Mélenchon. L'État qui a l'obligation d'assurer la sécurité s'en est donc chargé. On est en droit de se demander pourquoi Mélenchon ne fait pas comme les autres candidats, qui louent des salles et assurent la sécurité avec inscription obligatoire à l'événement et contrôles renforcés à l'accueil.
Le chiffre de 70 000 participants au meeting de Mélenchon relève de l'exagération, de la "galéjade" marseillaise. La réunion était annoncée pour 14 heures. Cette heure passée, les organisateurs ont demandé par sono à leurs sympathisants, éparpillés, de « se regrouper sur le Vieux Port » (entre l'ombrière et la grande roue) « où de nombreuses places étaient disponibles », selon eux, au milieu des badauds, curieux et touristes (voir notre photo). On peut toujours la comparer avec d'autres photos (sur internet) où les militants accourus après l'appel se manifestent en brandissant des drapeaux, après s'être mélangés à la foule.
À 4 personnes par mètre carré (chiffre qui parait déjà exagéré), ce sont tout au plus 25 000 personnes qui ont assisté au meeting sur le quai de la Fraternité et au bas de la Canebière (jusqu'à la hauteur de la Chambre de Commerce et d'industrie)... Il suffit de se rendre sur Google Earth, et de savoir mesurer, multiplier et additionner ! (1)
Toutes ces personnes, loin de là, n'étaient pas venues expressément pour le « grand homme », notamment sur la Canebière... On est très loin des « 70 000 participants-sympathisants » revendiqués par les organisateurs ! La présence de beaucoup de spectateurs n'avait rien à voir avec la venue de Mélenchon, mais puisqu'un spectacle gratuit était offert, autant rester. Un précédent en 2012, le meeting des plages du Prado (chiffres donnés par la presse instrumentalisée par le organisateurs : entre 70 000... et 120 000 participants !) La prétendue dynamique avait fait pschitt... le candidat du Front de gauche n’avait fait « que » 11 % au soir du premier tour. de la présidentielle. Bis repetita placent ?


* Arthur Neville Chamberlain (18 mars 1869 – 9 novembre 1940) : homme politique britannique, membre du Parti conservateur et Premier ministre du Royaume-Uni de mai 1937 à mai 1940. Il est surtout connu pour sa politique étrangère, d'apaisement avec Hitler et l'Allemagne nazie, finalisée par les accords de Munich en 1938.

(1)  La Provence (Dimanche 09/04/2017) : " Selon nos reporters présents sur place, il y avait environ 20 à 30 000 personnes sur le Vieux-Port et la Canebière. Mais selon le compte twitter officiel de La France Insoumise, c’est 70 000 personnes qui sont rassemblées."


(2) 
Robert Francis Kennedy Jr., fils de Bob Kennedy ( procureur général des États-Unis de 1961 à 1964, puis sénateur de l'État de New York de 1964 à son assassinat en 1968), neveu de John F. Kennedy (le président des États-Unis assassiné à Dallas - Texas - en 1963) et de Ted Kennedy (Membre du Parti démocrate, sénateur du Massachusetts au Congrès des États-Unis de 1962 à sa mort.) Robert Francis Kennedy Jr. est  avocat spécialisé dans le droit de l'environnement et président de Waterkeeper Alliance.

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