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D'emblée, Jean-Claude Gaudin se prend une volée de bois vert : " Dans sa longue histoire prestigieuse, Marseille brille par ses hauts faits, votre municipalité, Monsieur le Maire, brille par ses méfaits". À elle seule, cette formule choc de Stéphane Ravier (RN), premier opposant à intervenir, résume les critiques, souvent percutantes et argumentées, des autres membres de l'opposition, tous partis confondus, qui ont su faire remonter avec énergie et dignité la colère des Marseillais. Ce conseil municipal du lundi 25 novembre 2019 restera longtemps dans les mémoires.
L'actuelle majorité leur a répondu en faisant surtout le procès du rapport de la CRC - Chambre régionale des comptes.
Le conseil municipal avait des allures de procès avec les opposants en accusateurs de la politique municipale, et les partisans du maire en défenseurs, témoins, ou accusés... tout dépendant de leur degré d'implication dans la politique de la ville. Avec Yves Moraine (LR), avocat de formation, dans le rôle de procureur.
Gaudin a fait donner la charge contre la CRC qui l'accable pour sa gestion financière dans son rapport au vitriol. Un certain nombre de problèmes, souvent dramatiques, dénoncés avec force par les élus de l'opposition lors de cette séance mémorable, n'y sont pas mentionnés...
L'institution financière s'est penchée sur la gestion de la cité phocéenne depuis 2012. Près de 700 pages d'un rapport accablant qui conclut que «les difficultés rencontrées par la ville ont pour origine commune une absence de stratégie claire et une insuffisance dans le pilotage de ses actions, par ailleurs peu économes des deniers publics». Comme ces opérations immobilières effectuées «dans des conditions de régularité contestables» et «à un prix insuffisamment valorisé»
Les dépenses de personnel sont "étrillées", le parquet national financier enquêtant par ailleurs de son côté depuis plusieurs mois. «L'insuffisante durée de travail a représenté chaque année, entre 2012 et 2017, près de 12 millions d'euros de dépenses et l'équivalent de près de 300 agents», relève notamment le rapport. Une série de situations personnelles «illégales» sont relevées... jusqu'au sein du cabinet du maire !
Les élus "gaudinistes" ont remis en cause les critiques adressées à l'encontre d'une gestion municipale jugée "opaque". Et ont menacé les "étrilleurs" de "poursuites judiciaires" en usant de la formule "juger les juges !" Ni plus ni moins !
En fait la tactique de Gaudin, cousue de fil blanc, tente de dévier les attaques, souvent fondées, de ses adversaires politiques vers la CRC .
Pas besoin de répondre aux critiques de l'opposition sur la "situation alarmante" de Marseille. Sous entendu: "tout ce qui arrive, c'est la faute à ces maudits juges qui écrivent des balivernes... Faisons taire les juges, brûlons ce rapport, et le bon peuple de Marseille fera table rase des accusations. Des 8 morts de la rue d'Aubagne. Des centaines d'immeubles évacuées, des milliers de sinistrés ... Au printemps, on aura tout oublié et la liste LR remportera la victoire aux Municipales. Martine Vassal sera maire."
On a souvent du mal à suivre les partisans du maire. Ainsi, ils invoquent "l'évaluation indicative de France Domaine" pour justifier un prix d'achat ou de vente... Sous entendu, le maire est en droit de suivre ou non ses recommandations, puisqu'elles sont "indicatives". Par contre, ils refusent qu'une évaluation de France Domaine soit remise en cause par la Chambre Régionale des Comptes qui, elle, "procède à une analyse comptable en bonne et due forme, reprenant la doxa de la saine gestion économique et financière " relève Lydia Frentzel, conseillère EELV.
La tactique du premier magistrat de la 2e ville de France sera-t-elle électoralement payante ?
Elle n'est pas à une contradiction prêt. Elle reste dans le déni de la réalité, pas seulement sur la gestion du personnel et des finances, mais sur celle, quotidienne, subie par la plupart des Marseillais (logement, écoles, transports, sûreté, sécurité etc.), problèmes abordés par les élu(e)s de l'opposition qui se sont personnellement impliqué(e)s et n'ont rencontré que dédain et sourde oreille.
On aurait apprécié une intervention de Lisette Narducci, mise en cause par l'élu RN Ravier qui lui a reproché son mandat de gestion avec la municipalité Gaudin. L'élue du 2e secteur, a adhéré au Mouvement Radical Social Libéral... et n'a jamais été encartée à la Force du 13 de Guérini, comme le laisse croire Ravier. Il aurait été intéressant de connaître son témoignage, car elle suit notamment de très près le dossier des écoles, depuis presque 10 ans. Elle n'a pas attendu la dernière pluie pour s'y intéresser ! Bien avant sa réélection, elle était sur le terrain. Gaudin, maître de séance, ne lui a pas donné la parole. Elle ne fait plus partie de sa majorité. Elle a préféré démissionner, lassée de la politique de chien crevé au fil de l'eau de la mairie centrale et des chausses trappes de ses alliés de gestion. Et puis, comment pourrait-elle oublier les accusations portées à l'encontre de sa directrice de cabinet, tournant à la cabale la plus infâme ?
Depuis, cette fidèle collaboratrice de la mairesse du 2e secteur a été totalement réhabilitée. La justice a condamné la Ville qui l'avait mise à pied.
Ce "complot politique" stoppé net par le pouvoir judiciaire illustre les importantes dissensions entre Lisette Narducci et les élus LR des 2e et 3e arrondissements.
L'accusation de népotisme lancée à l'encontre de Martine Vassal, présidente du Conseil départemental, vaut aussi pour son accusateur Stéphane Ravier, le dépensier sénateur et élu des 13e et 14e arrondissements. Son show à 100 000 euros, une facture très salée pour se rappeler aux bons vœux des contribuables, ne peut faire oublier qu'après avoir désigné sa nièce, Sandrine D'Angio, comme première adjointe, il lui a passé l'écharpe de maire. Question népotisme, le "caudillo" des quartiers nord de Marseille a le sens de la famille ! Un vrai cador.
À noter l'intervention pleine de détermination, très convaincante de Patrick Mennucci (PS), dernier opposant à s'exprimer (2). "Émouvante" aussi, comme l'a reconnue son adversaire, Yves Moraine délaissant un instant son ton de procureur, d'un procureur plutôt habile, voire éloquent. Et très applaudi. Les interventions des élus de la majorité, orchestrées par le maire, l'ont été beaucoup moins.
On n'est pas prêt d'oublier le lapsus de Laure-Agnès Caradec (LR) débutant son intervention par un "je ne connais rien... je ne reconnais rien de l'action municipale..." ! La faute à "l'opacité " ?
(1) Le temps n'était pas compté pour les interventions.
(2) Patrick Mennucci a évoqué la mémoire de sa campagne, Maud de Bouteiller, prise lâchement à partie dans un tweet ignoble d'un individu qui signe "twittos@lePSmaTué", après avoir tourné en dérision le cancer dont elle décèdera quelques mois plus tard.
Son identité a été révélée. Il s'agit Alix Normandin, membre du cabinet du cabinet de Jean-Claude Gaudin, présenté comme un "spécialiste du web" de la campagne du sénateur-maire UMP de Marseille en 2014. Toujours en poste à la mairie.
En dépit de la parole donnée par Gaudin, le grossier personnage a retrouvé des responsabilités dans son ancienne direction. Sous la houlette de Jean-Pierre Chanal, le "twittos" anime un groupe de réflexion sur l'évolution du site internet de la Ville et de son usage des réseaux sociaux.