Billet de blog 27 mars 2014

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Philippe LEGER

Ancien journaliste. Secrétaire général du Comité Européen Marseille.

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Marseille : Lisette Narducci, maire courage

Le 2e secteur de Marseille, qui englobe le "cœur historique de la plus ancienne ville de France" et les plus belles réalisations d'Euroméditerranée, mises en valeur par la capitale européenne de la culture en 2013, s'apprête à tomber dans l'escarcelle de l'actuelle majorité municipale après avoir été pendant soixante ans une forteresse du parti socialiste !

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Illustration 1
Au micro, Lisette Narducci. © Philippe Léger

Michel Bonelli est un authentique marseillais, et le chroniqueur talentueux du mensuel « Marseille La Cité » (un magazine papier qui a cessé de paraître au début de la crise financière en 2008; archives : ici et ). Il dévoile sur sa page Facebook, avec sa verve méridionale et savoureuse, les dessous d'un épisode de la vie politique marseillaise qui pourrait s'avérer déterminant pour la désignation du prochain maire de Marseille.

« Lisette Narducci, la candidate du PRG (Parti Radical de Gauche) dans le 2e secteur (2e–3e arr.) vient de passer avec armes et bagages dans le camp opposé. Les échotiers de La Provence voient dans cette manoeuvre la signature d'une conspiration de guérinistes qui, dans l'ombre, se seraient alliés au maire sortant pour briser la carrière vertueuse de Patrick Mennucci. » Leur thèse repose sur une rumeur publique, selon Michel Bonelli, bon connaisseur de la vie politique à Marseille. 
Patrick Mennucci, tête de liste socialiste aux Municipales serait, si l'on en croit la rumeur qu'il rapporte, « le corbeau, l'auteur de la lettre anonyme qui accuse Jean-Noël et le petit Alexandre des pires vilenies ». 
Les journalistes de La Provence insinueraient, selon Bonelli, que le ralliement de Lisette Narducci est une réponse de la bergère au berger, un coup de poignard de Guérini dans le dos de ce pauvre Mennucci, une basse vengeance entre les deux tours des élections municipales à Marseille. Mennucci est souvent représenté dans le journal de Tapie avec un sourire de premier communiant, aux meilleurs emplacements selon les règles de la mise en page et les codes en usage dans les pays occidentaux.

« Les brunes ne comptent pas pour des prunes ! »
« Pour vendre du papier journal, la thèse du complot est toujours un bon produit d'appel, reprend Michel Bonelli, mais nous sommes dans un cas d'école en politique qui s'appelle: les brunes ne comptent pas pour des prunes ! Lisette Narducci est issue d'une famille modeste... Militante infatigable du parti socialiste pendant une trentaine d'années, elle en a gravi tous les échelons et, surtout, elle a toujours été au service des habitants du Panier, le quartier où elle a toujours vécu.» 

La face cachée de cette Marseillaise d'origine modeste qui fait trembler Mennucci et le gouvernement socialiste
«Jamais avare d'un sourire, d'une aide, d'un conseil, d'une parole de réconfort... enfin de tout ce qu'on peut attendre d'une véritable élue de secteur. À force de travail et dévouement, elle a conquis le coeur des habitants.
Depuis 18 ans en mairie de secteur, en mairie centrale, au Conseil Général, à Euromed, elle est là, au service de tous. Elle est devenue logiquement maire de secteur quand Guérini est parti pour de nouvelles aventures électorales. Elle est fidèle en amitié et en politique à Guérini... mais pas à son système clientéliste ! » 
Selon Michel Bonelli, Lisette Narducci fait les frais de la guerre sans merci qui oppose à Marseille le calife Guérini et son ancien directeur de campagne à la précédente municipale,  le vizir Iznogoud Mennucci, qui fut aussi directeur adjoint de campagne de la candidate socialiste à la présidentielle de 2007, Ségolène Royal, fonction qui l'a propulsé dans les médias nationaux. « M. Guérini a fait une erreur humaine à l'encontre de Lisette Narducci, il aurait du lui mettre le pied à l'étrier pour qu'elle soit sénatrice, mais il a préféré Samia Ghali, nous pouvons le comprendre dans une stratégie électorale... Soit ! Le coup fut encaissé et Lisette continua son travail de terrain...
Cette absence de reconnaissance prit une autre tournure « avec l'arrivée de Mennucci qui, fuyant les quartiers nord de Marseille où il avait connu quelques déconvenues électorales, se mit en tête de s'implanter au centre ville. Vous comprenez que ce monsieur en avait assez de nord ghettoïsé et de ses populations bigarrées. Il a donc brigué, au début, la mairie du 1er-7e arr. en utilisant souvent des coups bas et des "arnaques électorales", sans oublier des tentatives d'intimidations avec des nervis de basses extractions dont une célèbre marche sur le palais du Pharo pour faire bastonner le maire de l'époque, Jean Roatta, les férus de politique marseillaise savent de quoi je parle.... Mennucci réussit son affaire et gagna en 2008 la mairie du 1er secteur avec une avance de 400 voix. » 

« Lisette Narducci : une femme libre »
« “L'ogre“ Mennucci était dans la place. Mais il avait encore faim. Aux Législative de 2012, le découpage électoral lui offrit un met de roi : la circonscription du centre ville qui englobait le 2e secteur... Son maire, Lisette Narducci aurait dû normalement avoir l'investiture de son parti pour monter au combat en première ligne. Se foutant de la légitimité électorale comme de sa première chemise (vu qu'il a pris 40 kilos depuis son jeune âge, elle ne doit plus lui aller), Mennucci, devenu entre temps le nouveau patron du PS marseillais, éjecta Lisette et devint le candidat idéal d'une gauche vérolée par les affaires. Profitant de la vague Hollande, notre baleine surfeuse repartit au combat... »
Fort de l'appui de la direction nationale du PS, Mennucci avait fait changer les règles de désignation du candidat. Exceptionnellement, il n'était plus désigné par les militants locaux mais par Paris ! Lisette Narducci, en femme libre, se déclara candidate sans l'investiture du PS. « Suprême outrage fait au roi Mennucci ! Il fit de la candidature de Lisette Narducci une candidature de dissidente. Il usa de tous les stratagèmes les plus indignes pour la faire battre: intimidations de ses partisans, rumeurs malveillantes, coups bas. Il fut accusé par ses adversaires de « fraudes électorales ».
Cette grave accusation lancée par le « petit » candidat Omar Djellil n'a pas été retenue par la justice. Par contre, fin 2013, Patrick Mennucci a été entendu par la Brigade financière dans le cadre d'une enquête préliminaire sur présomption de « délit de favoritisme ». De l'aveu du procureur de la République de Marseille, « l'affaire n'est pas classée »... 

Dimanche soir : la fin d'un "prédateur" ?
Au bout du compte, Mennucci gagna et Lisette Narducci s'exclut elle-même du PS, le parti qu'elle avait servi pendant des années. » 
Le PRG (Parti Radical de Gauche) ouvrit ses bras à cette travailleuse acharnée. Mennucci n'avait pas pour autant fini d'assouvir sa fureur à l'encontre de cette femme qui avait eu l'audace de lui tenir tête. « Il décida de la liquider à ces élections municipales. Il envoya contre elle l'indigne Caselli, président d'opérette de la Communauté Urbaine et ex porte-café de M. Guérini, devenu sous-fifre de Mennucci et surtout se croyant devenu fin politique quand il n'est qu'un crétin local. Le 23 mars les électeurs ne se sont pas trompés et malgré 11 listes, Lisette Narducci s'est retrouvée 2ème avec 23,81% des suffrages. Sans parti fort avec elle, qu'allait-elle faire ? Surtout que la vindicte de Patrick Mennucci la poursuivait toujours. Et c'est là que Jean-Claude Gaudin a joué son joker en lui tendant la main. Le patriarche de Marseille a frappé fort. Ce secteur ancré à gauche va peut-être basculer à droite sans combat et les électeurs vont garder Mme Narducci dans son fauteuil. 
Ce que les joutes électorales n'ont pas permis de faire, la grossièreté d'un personnage politique, son arrogance, sa méchanceté et surtout son mépris pour la gente féminine l'ont permis. La politique a finalement quelque chose de profondément humain même si, sous un masque de démocrate et des habits d'humanistes, les loups restent des loups. Mais Mme Narducci, maire courage, va peut-être dimanche soir se payer la peau du prédateur Mennucci. »

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