A 10h, ce 1er novembre, il pleut un peu et face à l'Observatoire, dans les beaux quartiers parisiens, des immeubles haussmanniens et la future maternité de l'hôpital Cochin, un groupe de tentes est planté sur le terre plein. Là vivent des hommes et des femmes, ils sont peu nombreux, 4 ou 5, installés, allant et venant comme tout à chacun dans le quartier. La vie se déroule sans que rien ne perturbe les choses, les riverains observent ce campement depuis leurs fenêtres, ils font partie du quartier, comme certains disent.
Et à 11h la vie du quartier va prendre un autre rythme, une femme appelle les pompiers, le SAMU, la police. Une femme vient d'accoucher, elle a accouché chez elle ! Elle habite dans la rue, ou elle vit au quotidien. Elle vient d'accoucher dans sa tente à 100 mètre de la maternité.
Cet accouchement tourne au drame car le bébé né, ne survivra pas, les pompiers, le SAMU, ne pourront le sauver.
La vie du quartier reprend son rythme tout est propre, les riverains promènent leurs chiens et ramassent leurs déjections, il semble que rien ne s'est passé ici, les tentes sont encore dressées elles font,bien, partie du paysage.
Plus loin, nous avons une femme en fauteuil roulant qui campe avec son mari, et en poursuivant notre chemin nous découvrons une autre tente.
Nous sommes habitués à croiser des tentes, à éviter des hommes et des femmes qui dorment par terre. Ils sont présents dans la ville et nous nous sommes accoutumés à cette présence, dans notre indifférence ils vivent là et disparaissent sous nos yeux.
Nous regardons ces vies et nous nous estimons impuissants, alors nous nous résignons à accepter « ce mode de vie ».
Voila la vie ordinaire dans nos villes, seul un drame nous permet d'exprimer de façon éphémère notre compassion et refuser que la mort aussi soit transparente.
Nous avons permis le principe que des hommes et des femmes ont le droit de vivre dans la rue, qu'importe un appel entendu en 1954. Depuis nous admettons ce fait, car "cela n'arrive qu'aux autres et ils ont choisi de vivre à la rue!".
Ce nouveau-né mort dans la rue va rejoindre la longue liste des morts de la rue, ceux qui vivent et meurent prématurément dans la rue et même naissent dans la rue pour y mourir.