Monsieur le Ministre,
Au printemps, le Collectif Les morts de la rue publiait, après l’hécatombe très médiatisée de l’hiver, une tribune relayée par plusieurs responsables d’associations, sous le titre: «Quelle politique pour sortir de la rue?» En juin, dans le cadre du «chantier prioritaire pour les personnes sans abri ou mal logées», les associations étaient invitées à remettre leurs propositions pour une «modernisation» du système d’aide; en septembre, les mêmes étaient mobilisées pour sa «refondation» par le nouveau secrétaire d’Etat. Enfin quelqu’un semblait prendre le problème dans son ampleur; elles répondirent unanimement qu’en effet le système était à bout de souffle, imposait une remise à plat, et elles firent des propositions.
Pas de renversement des perspectives : hébergement n’est pas logement
On ne peut ,qu’être déçu, Monsieur le Ministre, par vos annonces, qui réduisent ces propositions à la peau de chagrin, et donnent, aux portes de l’hiver, le sentiment d’une opération de communication: nous allons faire, dites-vous, mieux qu’un plan «Grand Froid» ; et vous reprenez donc les formulations des associations, mais en les vidant de leur substance pour les réduire à des mesures d’organisation qui gardent le socle du système et ne manifestent en rien une nouvelle politique de sortie de la rue.
Pour donner le change, abandonnant heureusement l’incantatoire «plus personne dans la rue», vous y substituez la vague ambition de réduire la pauvreté, assorti d’un catalogue de mesures gestionnaires qui ne remettent pas en cause la philosophie du système.
Or c’est une toute autre ambition que réclamaient les associations quand elles vous invitaient à un «renversement de perspective» consistant à «passer d’une logique de l’assistance, à une logique d’accès aux droits". Dans cette perspective, le socle n’est plus l’hébergement de masse et en urgence dont on sait aujourd’hui qu’il maintient en survie, renvoie souvent à la rue, mais ne conduit personne au retour à une vie libre et autonome. Alors que dans le renversement demandé, c’est l’accompagnement qui devient premier , assorti évidemment d’un «chez soi» impliquant un espace privé et sécurisé, un accès libre 24h/24, la possibilité de recevoir un tiers, etc …», «l’hébergement», certes nécessaire au départ devenant alors temporaire, subsidiaire, dans un parcours vers l’autonomie .
L’accompagnement
Vous l’évoquez d’une formule: «il est la clef de l’accès au logement autonome»…
Nous souhaitions un référent unique, coordinateur de terrain pour accompagner dans la durée et choisi par la personne, votre proposition renvoie à un «référent personnel» très bien mais nous apprenons que ce référent sera, très certainement, le référent RSA, pour ceux qui en sont bénéficiaires.
La création d’un «référent personnel» n’a rien à voir avec un référent RSA, elle vise l’accompagnement complexe, avec toutes les dimensions de la personne (que vous prétendez par ailleurs «mettre au centre du dispositif») pendant la longue et toujours difficile sortie de la rue. D’autre part, il est grave de se défausser sur les conseils généraux pour gérer une prérogative de l’Etat. Quid de la continuité de l'Etat, dans le cadre du service public.
Les associations demandaient un renforcement de l'accompagnement social des équipes mobiles, vous nous proposez que des équipes spécialisés en psychiatrie et addictologie, Les équipes pluridisciplinaires, c’est bien! Mais est-ce à considérer que l'ensemble des personnes de la rue ne présente que des pathologies mentales ou addictives?
Bon argument pour prétendre que ces personnes ne sont pas capables de définir ce qui est bien pour elles! Il faut se méfier de la médicalisation ou de la psychiatrisation abusive des personnes de la rue.
Ce qui est sûr, c’est que nous avons besoin de recruter et de former plus d’accompagnants, autant dans les structures d’accueil et d’hébergement que dans les maraudes. Or vous n’en parlez-pas
Les personnes !
Vous prétendez mettre les usagers au cœur du dispositif, selon le principe de la loi de 2002.2. Mais apparemment sans eux, puisque nulle part vous n’évoquez l’idée de les intégrer comme acteurs de votre réforme, ni même de leur donner la possibilité de s’exprimer, les consulter sur l’idée qu’ils se font de leur avenir. On rêve d’Etats Généraux où tous auraient la parole !…
La prévention
Vous restreignez la prévention, avec des portes d'entrées limitées. Pourquoi uniquement les jeunes majeurs sortis de l'ASE (Que deviennent ceux qui n'ont pu être pris en charge car trop proches de leurs dix huitième année?), les sortants de prison, les sortants d'hôpitaux psychiatriques, et les autres….Nous souhaitions un débat avec l’interministériel pour travailler la transversalité .des problèmes de prévention..Rien n’est dit de sa mise en œuvre.
Monsieur le ministre, n’attendez pas les grands froids pour renouer le lien avec les plus exclus, exigez dès maintenant du gouvernement qu’il accorde au problème de la grande exclusion la place qu’elle mérite dans un pays comme le nôtre, battez vous pour que la dignité des personnes soient respectées, bousculez votre administration qui est très loin de la réalité des personnes de la rue et de ce fait ne peut pas imaginer que l’on meurt dans la rue. Vous avez des ambitions pour ces personnes à la rue.
Alors proposez des réponses pour qu’elles vivent avec les mêmes droits que tout autre citoyen.
Vos bonnes intentions ne seront-elles que des écrits qui grossiront les rayonnages de rapports en tous genres alors que toutes les semaines la diffusion des noms des personnes décédées nous rappellera la réalité de notre société
Les associations ont travaillé avec vos services et vous ont fait des propositions qui sont à prendre dans leur ensemble et non par morceaux, la gestion du problème du sans abrisme n’est pas un menu à la carte mais bien une globalité.
Oui il faut se battre et dénoncer l’insoutenable que constitue la réalité des personnes contraintes de vivre dans la rue et d’y mourir, dénoncer la condamnation à une mort prématurée que constitue la vie à la rue.
Billet de blog 10 novembre 2009
Benoist Apparu, les bonnes intentions
Monsieur le Ministre,Au printemps, le Collectif Les morts de la rue publiait, après l’hécatombe très médiatisée de l’hiver, une tribune relayée par plusieurs responsables d’associations, sous le titre: «Quelle politique pour sortir de la rue?» En juin, dans le cadre du «chantier prioritaire pour les personnes sans abri ou mal logées», les associations étaient invitées à remettre leurs propositions
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