Officiellement les prix n'ont pas grimpé en Estonie depuis le passage à l'euro le 1er janvier dernier. D'après Eurostat, seule une hausse de 0,2 à 0,3% a été enregistrée. Mais au marché central de la capitale, les Tallinnois sont convaincus du contraire.
Ici, le parfum de la viande hachée se mêle aux effluves du poisson séché. Ici, les Tallinnois remplissent leurs paniers et comparent les prix. Bienvenue dans le plus gros marché de la ville, dans le quartier de Torpilli, au centre-est de la capitale.
Reiza, 55 ans, achète un gros morceau de lapin. Elle sourit quand on lui fait remarquer qu'elle oublie quelques centimes rendus par la vendeuse. "Les prix augmentent", lâche-t-elle, dans un élan de dépit. Originaire de Biélorussie, à Tallinn depuis 27 ans, elle est actuellement au chômage et vit seulement du salaire de son mari. 1000 euros par mois. Elle n'est pas contre l'euro mais avoue que depuis son arrivée, le coût de la vie s'est envolé.
Même avis pour Eva. 28 ans et des bottes jaunes aux pieds, elle jauge les courgettes. Elle bosse dans la pub, gagne 550 euros par mois et avoue qu'il est de plus en plus compliqué d'acheter ce qu'elle veut:
Un peu plus loin, Pavo achète du fromage. Venu pour accompagner sa mère, il fréquente peu ce marché. Il nous confie les effets de l'arrivée de l'euro sur sa vie quotidienne :
Face à la montée des prix, certains regrettent l'ancienne monnaie. C'est le cas de Midri, jeune photographe letton. A Tallinn depuis 9 mois, il pense que l'euro est la principale cause de la montée des prix. Les bras chargés de rhubarbe, il dit qu'il est "pour l'Europe mais contre la mondialisation" et que la monnaie commune est le "signe de la mondialisation".
Difficile de continuer les interviews, des hommes de la sécurité du marché, crane rasé et gros biceps, refusent notre présence plus longtemps. Ils ne veulent pas que les prix soient photographiés. Peut-être parce que ceux-ci augmentent tous les jours...
Chloé Rouveyrolles et Jean-Baptiste Gauvin