Tõnu Runnel, 29 ans, est le fondateur de Fraktal, une entreprise de création de sites web basée à Tartu qui emploie une douzaine de personnes et compte près d’un millier de clients. Rencontre avec ce survivant de la crise.
Comment avez-vous créé votre start up ?
Je suis parti de l’entreprise que j’avais co-fondée en 1998 et j’ai tout recommencé de zéro, avec un ami, Priit, pour monter Fraktal en 2007. Nous avions des idées, mais pas d’argent. Nous avons réussi à attirer l’attention de l’un des fondateurs de Skype, Toivo Annus. Il nous a loué des bureaux et a investi plus de 100 000 dollars dans notre start-up. Il a été très actif et nous aide tous les jours, pas seulement financièrement. C’est une des raisons de notre succès.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Nous avons de très bons ingénieurs en Estonie, qui pourraient programmer n’importe quel Facebook. Mais on a du mal à trouver des commerciaux avec une vraie expérience. Nos clients sont de petites entreprises. C’est un marché très lent à conquérir. Pour attirer l’attention, on doit travailler dur.

Comment faîtes-vous pour vous faire connaître ?
On ne fait presque pas de publicité. On intervient dans différentes conférences pour parler de notre expérience. Ensuite nous sommes bien référencés sur les moteurs de recherche comme Google. Comme nous ne sommes qu’une petite entreprise, on ne peut pas directement vendre à l’étranger. Nous expérimentons actuellement, en Suisse, un réseau de revendeurs. Un hébergeur de sites web va bientôt y proposer à ses clients Edicy, une solution clés en main pour créer son propre site. Mais les clients les plus difficiles à atteindre restent les entreprises locales.
Cela vous a pris du temps avant d’être rentable ?
Environ trois ans. La première année, en 2007, nous ne faisions que dépenser de l’argent. Nous étions douze dans notre équipe et nous nous sommes séparés de cinq personnes à la fin de l’année. C’était le début de la crise financière. Puis il y a eu la chute de Lehmann Brothers. Il n’était alors plus possible d’obtenir de l’argent nulle part. Nous avons réduit les salaires, parfois complètement pour Priit et moi. Nous nous sommes concentrés sur le développement et le design pour de gros clients, puis nous sommes peu à peu retournés sur Edicy. En quelques mois, tout est rentré dans l’ordre. En mars 2010, nous avons remboursé tous nos prêts. Il faut être parfois conservateur et avoir des plans B.
N’avez-vous pas peur que ce fourmillement de start-up disparaisse, comme avec la bulle internet en 2002 ?
Un tel événement n’est plus possible. Beaucoup de start-up sont à l’équilibre et le resteront peu importe les circonstances. A moins d’une chute de météorites ou d’une guerre nucléaire ! La société civile a vraiment pris le pouvoir. Les Estoniens ont compris qu’ils possèdent ce pays et qu’ils ne doivent pas attendre que le gouvernement agisse à leur place. Pas besoin d’être dans l’immobilier ou la finance pour gagner de l’argent, on peut le faire en créant des start-up. Nous avons seulement besoin que quelques-unes aient un succès mondial, comme Skype.
Propos recueillis par Thomas Paulmyer