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Billet de blog 29 mai 2011

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Baltic Princess, le ferry du retour au pays

Entre 50 000 et 100 000 Estoniens font régulièrement l'aller retour entre Helsinki et Tallinn. Ils partent travailler en Finlande, attirés par des salaires plus haut et poussés par le chômage en Estonie. Reportage sur le Baltic Princess, direction Tallinn.

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Entre 50 000 et 100 000 Estoniens font régulièrement l'aller retour entre Helsinki et Tallinn. Ils partent travailler en Finlande, attirés par des salaires plus haut et poussés par le chômage en Estonie. Reportage sur le Baltic Princess, direction Tallinn.

Baltic Princess, 18h30. L'énorme ferry Helsinki-Tallinn vient de prendre la mer. Un homme monte en courant les marches qui mènent au dixième étage. Le visage rieur, ses collègues à ses côtés et la bière à la main. C'est Andres, il est Estonien et il rentre au pays, après 15 jours de travail intensif sur les chantiers finlandais. Il fait partie de ces expatriés, entre 50 000 et 100 000, employés en Finlande, dans le bâtiment essentiellement. "Ça fait deux ans que je fais ça. C'est mieux payé. Mais à vrai dire, je ne fais même pas vraiment d'économies. Je dépense mon argent en bière et nourriture", raconte-t-il en riant.

Les salaires sont pourtant un argument de taille pour mener cette double vie. Jusqu'à quatre fois plus élevés qu'en Estonie à travail égal, sans besoin du moindre permis. Les Estoniens sont aussi une main-d'œuvre assez prisée en Finlande. Souvent mieux formés et surtout beaucoup moins chers que les locaux. "Nous sommes payés le double d'eux, même quand on travaille dans la même compagnie, explique Steve, un Finlandais. Mais eux, ils ne refusent rien, tant qu'il y a un travail, ils le prennent."

"J'imagine bien que certains de mes collègues gagnent plus que moi, mais on n'en parle pas, ça me convient comme ça", confirme Andres. C'est que l'Estonie, principalement dans le bâtiment, a subi de plein fouet la crise en 2008. Près de 50% des emplois du secteur ont été détruits. Chercher du boulot ailleurs, c'est presque devenu une obligation. Quelque chose de banal aussi. "Pour nous, c'est normal. Les Ukrainiens et les Lettons viennent travailler chez nous. Et nous, on va en Finlande", ajoute Andres.

"Je préfère ma vie en Finlande"

Difficile de les faire parler, ces Estoniens à la vie coupée en deux. Sur le bateau, ils sont plus timides, plus discrets que les Finlandais, moins enclins à raconter leur vie. "Moi, j'ai parlé et j'ai fait de la prison", lâche l'un d'eux. Alors ils prennent la vie comme elle vient, point. Un pied en Finlande, l'autre en Estonie. Une vie compliquée? Peu importe, l'Estonien sait relativiser."C'est plutôt confortable, vous savez, de pouvoir avoir une semaine complète de repos", estime Andres. Pour d'autres, ce sera 10 jours de travail et trois de repos.

Ou alors le grand saut. Marek a déménagé avec sa famille il y a cinq mois et travaille maintenant dans une entreprise de nouvelles technologies, à côté d'Helsinki. "Tous mes amis font ça. Travailler en Finlande et rentrer en Estonie le week-end, ça peut être difficile quand tu as une famille, des enfants. Mais c'est plus facile d'y trouver un emploi, tu gagnes plus d'argent."

À les écouter, la vie, aussi, n'est pas tout à fait la même qu'en Estonie. Plus extravertie, moins repliée sur elle-même. Jon est routier pour une entreprise estonienne, mais dès qu'il peut, il part travailler en Finlande. Une histoire d'argent? Pas seulement."Les Finlandais sont mieux, ils s'amusent plus, ils savent mieux communiquer.

En fait,je crois même que je préférerais être Finlandais", confesse-t-il. Et ce n'est pas Marek qui le contredira. "Je préfère ma vie ici en Finlande. L'Estonie ne me manque pas", explique-t-il. Pourquoi rentrer? "Pour faire la fête, comme tous les autres Finlandais".

Comme si au-delà de l'impératif économique, leur départ faisait office d'échappatoire. Pour pallier, aussi, l'étroitesse de l'Estonie. "Dans chaque port du monde, on trouve au moins un Estonien", disait Ernest Hemingway. Yoko, routier estonien, de renchérir : "Mais il a raison! C'est merveilleux de pouvoir se dire qu'on est si petit, mais qu'on est partout. C'est ça l'Estonie."

Pauline Lavoix

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