Originaire de Narva, Dimitri fait partie des 15,5 % de chômeurs de cette ville frontalière, au Nord-Est de l'Estonie. Russophone, il vit de petit jobs illégaux et veut quitter son pays.

. Dimitri refuse de se faire photographier de face. Il craint des représailles des autorités alors qu'il occupe un boulot illégal.
Il a le regard fuyant et les mots ont du mal à sortir. Pendant toute la durée de l'interview, Dimitri ne lève pas les yeux. Avec sa casquette sur la tête et ses 2 mètres de haut, il fixe les brochettes de poulet qu'il est occupé à faire cuire sur un barbecue. Son job actuel. Depuis quelques semaines, il est homme à tout faire dans un petit restaurant de Narva. Contraint de travailler au noir à 48 ans. "J'avais un emploi mais je l'ai quitté. J'étais trop mal payé", marmonne-t-il en russe. "J'étais ouvrier dans une usine de serrurerie et je gagnais un peu moins de 300 euros", continue-t-il, en tournant ses brochettes.
Aujourd'hui, il touche 300 euros par mois d'allocation chômage, qu'il complète au noir. "Ce n'est pas assez pour vivre ", dit-il pour tenter de se justifier. "Et puis ce n'est pas tous les mois la même somme, parfois l'Etat me donne moins", ajoute-t-il sans plus de précision. Il ne veut pas non plus confier le détail de ce qu'il gagne actuellement. "Je suis payé entre 20 et 30 euros la journée ici", lâche-t-il comme seule information. Dimitri a peur d'être contrôlé. Son job est illégal et il pourrait perdre ses allocations.
Des ennuis, Dimitri en a déjà eu. En 1999, il a passé six mois derrière les barreaux pour une affaire de vol. Un problème pour travailler ensuite? "Même pas", dit-il et d'expliquer qu'il a même trouvé un boulot à Tallinn à sa sortie de prison. "J'étais mieux payé qu'ici, le double, environ 600 euros, mais j'ai dû rentrer pour ma femme et ma fille qui habitent à Narva", lance-t-il.
En face de Dimitri, de l'autre côté de la rive, c'est la Russie. Son pays d'origine mais où il n'a jamais vécu. Dimitri est de nationalité russe comme 30% des habitants de Narva. Après la Seconde Guerre mondiale et l'occupation de l'Estonie par l'URSS, les Russes se sont massivement installés ici.
Désormais, Dimitri espère vite quitter cette ville et cette vie. "A l'automne, j'irai rejoindre ma mère en Ecosse avec ma femme et ma fille pour y travailler", se promet-il avec une lueur d'espoir dans sa voix. Pour l'instant, il continue de tourner les brochettes de poulet de ce restaurant de Narva.
Jean-Baptiste Gauvin