Le maire de Tallinn est l'un des personnages politiques les plus influents du pays. Rattrapé en décembre par un scandale de corruption impliquant la Russie, il divise Estoniens et russophones et suscite des débats houleux.
Edgar Savisaar, maire de Tallinn et chef du parti centriste estonien
"Je le déteste et je ne voterai jamais pour lui, mais au moins, grâce à Savisaar, les Russes votent pour un Estonien". Un jeune Tallinnois, attablé dans un café, résume l'opinion de la majorité de ses compatriotes à propos du maire de la capitale. Il suffit d'évoquer le nom d’Edgar Savisaar dans les rues de la ville pour déchaîner les passions. Le sulfureux personnage est une représentation vivante des clivages identitaires du pays : très apprécié de la communauté russophone mais détesté par les Estoniens, le maire de Tallinn est aussi celui qui a su négocier le retrait des troupes russes du pays après l’indépendance, en 1991.
La ville de Tallinn compte un peu plus de 40 % de russophones. Lors des élections municipales, l’écrasante majorité d’entre eux a voté pour le parti du centre, dont Edgar Savisaar est aussi le président. Les Tallinnois d'origine estonienne ayant partagé leur vote entre le parti de la réforme et le parti démocrate, ils ont assuré la réélection de M. Savisaar.
Une figure locale. Président du Front populaire estonien à la fin des années 1980, il a négocié avec Boris Eltsine l’indépendance, puis le retrait des troupes d’Estonie. Pourtant, aujourd’hui, beaucoup d’Estoniens refusent d'admettre ce fait.
Chose inédite, Edgar Savisaar a placé à des postes à responsabilité plusieurs non-Estoniens. Il est un partisan du droit de vote des russophones aux élections nationales. En 2004, son parti a signé un accord de coopération avec le parti de Vladimir Poutine, Russie unie. En 2007, Il s’est aussi emporté après le retrait de la statue du “soldat russe libérateur” du centre-ville de Tallinn, qui allait provoquer la colère du Kremlin et le déclenchement d’une cyber-attaque contre la petite république balte.
Scandale
"S’il avait arrêté la politique en 1991, aujourd’hui, il serait un homme auquel on rend hommage", écrit l’essayiste et journaliste Andrei Hvostov dans les colonnes de l’hebdomadaire Eesti Ekspress. Mais il est resté 20 ans de plus. En décembre dernier, un scandale de taille l'éclabousse. Les services de renseignement estoniens (KaPo) rendent public le versement d’une somme d'1,5 million d'euros sur son compte. L'argent provient d’un fonds dirigé par Vladimir Iakounine, président de la société russe de chemins de fer et ami proche du maire de Tallinn.
Un graffiti dans la vieille ville de Tallinn. (photo : Marie Delbès)
Antoine Bouthier