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Billet de blog 29 mai 2011

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Hôpital sans frontière

L'hôpital de Valga est le principal centre de santé des provinces du Sud du pays. A quelques centaines de mètres de la Lettonie, il est aussi prisé par les frontaliers.

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L'hôpital de Valga est le principal centre de santé des provinces du Sud du pays. A quelques centaines de mètres de la Lettonie, il est aussi prisé par les frontaliers.

Kirurgid, günekoloogia, les panneaux sont en estonien. Mais l'oreille avertie aura reconnu immédiatement que les intonations du médecin sont celles d'une autre langue: Erika Kasha parle letton. La gynécologue de l'hôpital de Valga a déjà pratiqué trois accouchements dans la journée et rassure les familles. Les jeunes mamans, encore éprouvées, vivent de l'autre côté de la frontière, dans la fausse jumelle lettonne, Valka.

Unies jusqu'à la fin de l'ère soviétique, les deux cités ont depuis vécu séparées par une frontière de compromis. Depuis les accords de Schengen, et la fermeture de l'hôpital de Valka en 2009, les Lettons viennent de préférence à l'hôpital de Valga. La cinquantaine rayonnante, le médecin chef, Andres Sell se réjouit de cette particularité. « Cette région a toujours eu une tradition de médecine de qualité. Quelle que soit l'époque, les gens ont toujours été satisfaits de la qualité des soins, et nous sommes attachés à la préserver ».

Rien d'étonnant pour lui à voir les Lettons traverser la frontière pour se faire soigner. « Il existe de l'autre côté quelques dispensaires, qui n'offrent que des services ambulatoires (soins en journée), mais nous pratiquons ici toutes les spécialités que compte la médecine moderne ».

Aux côtés du médecin-chef, son employeur, Marek Seer, opine tranquillement, sans oser pratiquer son anglais. Obligé de se lancer pourtant, il précise avec fierté que son hôpital est un des seuls du pays qui embauche. Cardiologues, gynécologues, les postes sont à pourvoir. Une seule université de médecine dans le pays, à Tartu, « la capitale des cerveaux », et trop de médecins qui cèdent aux sirènes des institutions médicales à l'étranger. Marek Seer est serein, il recrute lui aussi de l'autre côté de la frontière. Une heure avant l'entretien, il auditionnait un médecin généraliste letton sur les rangs pour rejoindre son équipe. « Les Lettons ont d'excellentes formations en médecine, ils sont tout à fait compétents pour exercer chez nous. Et en Estonie, leurs salaires sont plus élevés de 30 à 40% ».

Le besoin en personnel soignant Letton est double pour l'hôpital de Valga. 5.5% du budget de l'Etat est consacré à la santé. Les hôpitaux perçoivent des subventions directement liées au nombre de patients annuels. Tout l'intérêt d'avoir ainsi des locuteurs lettons dans les équipes médicales pour accueillir chaque année toujours plus de futures mères débarquant de Valka (160 en 2010). Les chiffres gonflent, le budget avec. Une nouvelle aile du bâtiment est en construction, le patron de l'hôpital sourit, « It is business, as usual ! ».

Quand la barrière des langues ressurgit, le russe reste une option incontournable. Et preuve que les deux villes ont une identité propre, qui transcende les frontières politiques, Marek Seer envisage de rebaptiser l'hôpital de Valga en hôpital de Liivland, du nom de la province dans laquelle Valga et Valka n'étaient qu'une, au 13è siècle.

Benjamin Hoffman

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