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Billet de blog 30 mai 2011

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J'ai testé le Pôle emploi du comté de Valga

Avec 12,8 % de chômage, le comté de Valga, dans le sud du pays, est l'un les plus sinistrés d'Estonie. Pour comprendre de l'intérieur ce mal estonien, je me suis rendue au Pôle emploi local, le Töötukassa. Avec la complicité des conseillers de l'agence, je me suis glissé dans la peau de demandeurs d'emplois. Jeu de rôles.

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Avec 12,8 % de chômage, le comté de Valga, dans le sud du pays, est l'un les plus sinistrés d'Estonie. Pour comprendre de l'intérieur ce mal estonien, je me suis rendue au Pôle emploi local, le Töötukassa. Avec la complicité des conseillers de l'agence, je me suis glissé dans la peau de demandeurs d'emplois. Jeu de rôles.

Merike Metsavas, ma complice


Simulation N°1 : « L'infirmière en fin de congé maternité»

Je me présente : « Jelena, 27 ans, j'ai fait des études d'infirmière. J'ai travaillé un an dans un hôpital de Tartu. Mon fils a un an. Pendant mon congé maternité nous avons déménagé au sud, à Valga à cause du travail de mon mari. Aujourd'hui je veux retrouver un emploi ici ».

On me propose : A ma grande surprise....de parler finnois ! Un hôpital d'Helsinki est à la recherche justement d'une dizaine d'infirmières, de préférence étrangères. La conseillère m'explique que là-bas, je pourrais gagner 900 euros contre 300 ici. Et pourtant, il y a de la place à l'hôpital de Valga. Ici aussi, il y a une pénurie. Les autres infirmières de la région, surtout les célibataires, n'ont pas hésité à s'expatrier en Scandinavie ».

Simulation n° 2 : « Victime d'un licenciement économique »

Je me présente: « Vello, 35 ans je travaillais comme ouvrier depuis 18 ans dans une usine de la ville. J'ai échappé aux premiers plans de licenciement au début de la crise de 2008. Mais j'ai perdu mon emploi il y a un mois. L'usine m'a versé un mois d'indemnités, comme le prévoit la loi. Et maintenant ? »

On me propose : Vu le nombre d'années cotisées, j'ai le droit de recevoir la moitié de mon dernier salaire pendant trois mois (soit environ 250 euros), 40 % les trois mois suivants et les six mois d'après, 68 euros mensuels. Mais je devrais, selon la conseillère, retrouver du travail bien avant, peut-être dans une autre région. C'est important d'être mobile. Sinon, pour percevoir les indemnités, il faut se présenter une fois par mois au Töötukassa. Le travail au noir est formellement interdit: je risque de perdre définitivement le droit de m'inscrire ici pour une recherche d'emploi ou une demande d'indemnisation chômage .

Simulation n°3 : « Le calvaire des conseillères»

Je me présente : « Mari, 47 ans, veuve. Je ne travaille plus depuis des années. Je vis dans la maison de mon fils. J'ai un problème d'alcool. A chaque fois que je vais à un entretien d'embauche, on me répond que je « fais peur à voir ». J'aimerais quand même pouvoir aider mon fils en trouvant au moins un mi-temps, ici, à Valga ».

On me propose : J'ai perdu tous mes droits aux indemnités, mais je peux continuer à venir occasionnellement à l'agence, comme je le fais depuis des années. Il faut que je prenne un rendez-vous avec Margit, qui est aussi conseillère au Töötukassa et qui a une formation en psychologie. Elle a des dépliants sur l'alcoolisme. L'agence reçoit souvent des offres pour des heures de ménage, qui pourraient correspondre à mon « profil ». Mais il y a beaucoup de demandes. Et puis les Lettons n'hésitent plus à traverser la frontière pour venir travailler ici, les salaires sont 20 % plus hauts. Il y aura de la concurrence.

Simulation n°4 : « Moi »

Je me présente : "Daphné, 23 ans, française, diplômée du CELSA en journalisme. Je suis tombée sous le charme de cette petite ville très très calme à la frontière entre l'Estonie et la Lettonie. Je suis prête à tout pour travailler et m'installer ici."

On me propose : Je suis Européenne, citoyenne d'un pays membre de l'espace Schengen comme les Estoniens, ce qui devrait m'aider. On me propose de suivre des cours d'estonien destinés aux minorités russophones du pays (20 % des chômeurs), trois fois par semaine. C'est payant. Désespérée, je renonce à débuter ma vie active à Valga. Je remercie la conseillère pour son temps et promets de ne plus jamais revenir l'embêter.

Daphné Rousseau

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