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"…Il nous semble que rien ne peut dérégler l'horloge que nous remontons avec délicatesse chaque matin, chaque mois, chaque année… Un jour pourtant, en un instant, tout bascule; nous ne le savons pas encore, mais plus rien ne sera comme avant : le funambule tombe et l'horloge s'affole." poursuit Bruno Combes dans son roman "Seulement si tu as envie".
Prévisible ou inopiné, décisif ou obscur, libre ou interdit, éphémère ou éternel, fougueux ou placide, enchanté ou dramatique, folâtre ou morose… le temps nuance ses qualificatifs, flatte, berce, blesse, étrangle ou tue. Chaque jour, il embobine, file, débobine guettant, au petit matin suivant, les fils aléatoires surgis des velours ou des frissons de l’existence.
Le funambule déambule le long de la ligne d’horizon de la vie d’un pas infiniment léger et glissé, l’équilibre ancré au pied, l’inertie et la neutralité contrebalancées par la perche et les oscillations du corps, défiant avec hardiesse la fragilité du temps, le vertige du rêve, la fièvre de l’enthousiasme mais aussi la justesse du silence. Boucles temporelles, bulles de flottaison et plumes de fluidité suspendues dans l’espace-temps.
"Le temps est précieux même si ce n’est tout simplement qu’un instant". Au son d’une mélodie distillée dans l’air par un vent doux ou furieux, entre les caprices du ciel et les extravagances de la terre, l’art du tempo défie les lois d’équilibre de la clef de sol. Les mouvements harmonieux aériens parviennent à enivrer et enfiévrer l’enjeu et l’élégance du moment.
Le fil tendu "chante et enchante" l’instant idéal du sage peaufinant ses acrobaties et ses prouesses graciles au-dessus du vide. Moments de sentiments furtifs, effluves de vibrations intérieures, paradis de volupté. Ces quelques minutes de plénitude et de sentiments étoilés apaisent momentanément tous les flots de détresse de l’âme.
Emotions et échappées chuchotées dans le balbutiement et le tourbillon mystérieux du feeling poétique. Les mots libres et enlacés nous "lient et relient" au presque ou au plus que parfait, ajustant les nuances de la vie à fleur de peau aux arpèges du carpe diem !
Le fil-de-fériste, néophyte ou accompli, saisit le monde, chagrin et abimé, en perdition effrénée, du haut de sa corde tressée. Du visible à l’invisible, l’invisible cousu au visible. Tout s’éclaire. La lucidité enfin apprivoisée rattrape les ondes, les forces et les fruits de la réflexion. Il cherche à s’émanciper, à libérer ses attaches afin de se protéger du maelstrom qui pourrait le décimer à jamais.
Soudain, le filament indocile écorche la peau. Le pied s’entaille sur le fil du rasoir. En équilibre précaire, le corps se dérobe, chavire et glisse dans le vide abyssal… jour cruel, nuit sombre, misère humaine. Le présent écume les blessures, les dérives et les pensées acerbes tracées à la plume et à l’encre indélébile de l’histoire et de la commedia dell’arte.
De fil en aiguille, le trop-plein de provocations, de mensonges et d’inadmissible… augmente le mal-être physique et émotionnel, déséquilibre la vie, déphase l’harmonie du corps et de l’âme, affole les battements de l’horloge interne. Fils rouges cousus de fils blancs, coups de bleues, fils enchevêtrés, films noirs.
Les mots endiablés se racontent. Les maux se dévoilent et transpercent l’obscurité du monde à l’envers. S’en suivent l’effet boomerang, la colère et la révolte. Unis ou réunis, le moment rebelle se met alors au diapason de la défense des valeurs humaines.
Mais "où est donc la lueur, ce brin d’humanité" ! Le Temps Espoir…