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Trop tôt pour la Félibrée de juillet, trop tard pour l’Arbre de Mai et un brin trop chaud pour « Faire Cabroù », début juin, la route des bastides respire cependant, au hasard des rencontres et des visites, la bonne humeur périgourdine et le silence olympien des instants de sieste. Le soleil au zénith insuffle assurément l’art de la farniente, de la zénitude et de l’écriture.
Dans ce territoire pourpre aux couleurs de grains de raisin et de feuilles de vignes virant du jaune orangé au rouge automnal, Monpazier, joyau de l’époque médiévale édifié sous le règne du roi d'Angleterre Édouard 1er, a royalement traversé les siècles malgré toutes les vicissitudes des temps. Cette commune rurale de Dordogne séduit toujours par son cachet exceptionnel et son tracé orthogonal parfait.
Depuis le moyen-âge et au fil des siècles, la bastide est le théâtre des caprices de l’histoire mais sa conservation reste intacte.
Ceints de remparts et de portes fortifiées, les carrerots de maisons fleuries et les venelles poétiques de la bastide captent la curiosité. Au centre des rues charretières, des carreyrous piétonnes, la place aux arcades gothiques délivre de majestueuses façades en pierre calcaire aux aspérités jaunâtres et de mirifiques frontons sculptés sur les édifices civils et religieux.
Se dévoilent sous les arcades quelques murs de torchis, mélange d’eau, d’argile et de paille ou autres fibres naturelles mais aussi des échoppes stylées.
La charpente en châtaignier de la grande halle avec ses trois mesures à grain d’époque, côté sud de la place des Cornières, charme le regard par son élégance authentique. N’en doutez pas, ce cadre pittoresque a une âme, humez l’air ambiant, le suc d’antan et vous capterez l’esprit des lieux !

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C’est ainsi qu’en 1930, Blaise Cendrars, journaliste, écrivain du voyage, bourlingueur, poète et romancier suisse et français pose, pour un temps, ses valises à Monpazier.
« Je ne trempe pas ma plume dans un encrier mais dans la vie ». Dans les dédales de ce lieu, attiré par le mystère et l’inconnu, Blaise Cendrars suit les pas d’un aventurier Monpaziérois, homme romanesque, idéaliste au caractère complexe, Jean Galmot surnommé Jean Touche-à-Tout.
« Un beau jour, j’eus Galmot lui- même au bout du fil »… « Ce n’était donc pas un mythe » écrit Blaise Cendrars. Rencontre authentique ou pas, il s’empresse d’écrire : « Quand je le vis entrer dans mon bureau, j’eus l’impression de me trouver en face de Don Quichotte. C’était un homme grand, mince, félin, un peu voûté... Une certaine timidité paysanne se dégageait de toute sa personne… »
Jean Galmot, ancien journaliste et dreyfusard convaincu se fait connaître par la publication d’articles dans « Le Petit Niçois », dont un prouvant, selon lui, l’innocence de Dreyfus, documents versés au procès en révision pour la réhabilitation de ce dernier.
Homme transcendé par l’aventure et l’action, normalien, homme d'affaire, aviateur, orpailleur, Jean Tout part en Guyane avec le titre de propriété d'une mine d'or appartenant à son beau-père. Ecrivain, il nous fait entrer dans l'aventure extrême et son amour pour la Guyane dans « Quelle étrange histoire » mais aussi dans l’univers et les recherches d’Eldorado des chercheurs d'or dont il fut dans « Un mort vivait parmi nous ». Humaniste, anticolonialiste, homme de principes, il devient homme politique, député de Guyane.
« Papa Galmot », surnom donné par le peuple local, population du bout de France, fait l’acquisition d’une plantation de canne à sucre et devient distillateur producteur de rhum, une activité qui le fera tomber, à tort ou à raison, pour escroqueries et spéculations dans « l’affaire des rhums ».
Tour à tour, richissime, trahi, ruiné, il perd les élections cinq ans plus tard. Des émeutiers s’insurgent alors contre la fraude électorale évidente. Reconnu pour ses « idées progressistes et sociales », Jean Galmot meurt tragiquement à Cayenne après avoir voulu rendre dignité et liberté au peuple guyanais, « Je jure de lutter, jusqu’à mon dernier souffle, jusqu’à la dernière goutte de mon sang pour affranchir mes frères noirs de l’esclavage politique ».
Monpazier rend toujours hommage à cet homme, enfant du pays, insaisissable et intrépide. Jean Galmot s’est éclipsé avec ses mystères et ses silences… il inspire toujours les plumes écrivaines.
Fasciné, Blaise Cendrars en fait le personnage principal d’une biographie romancée « Rhum » sortie après son passage en Périgord. Il dédie « cette vie secrète de Jean Galmot aux jeunes gens d'aujourd'hui fatigués de la littérature pour leur prouver qu'un roman peut aussi être un acte ».
« Écrire, c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres » Blaise Cendrars, nom de plume qu’il se choisit conciliant les mots : braise et cendres.
Du Roman au Reportage, entre Imaginaire et Réel…

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