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Billet de blog 20 mars 2023

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Les remous poétiques du temps

« Rien n’est plus vivant qu’un souvenir » citation de Federico Garcia Lorca, poète espagnol.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Racines © Edmey

Parmi les souvenirs enchevêtrés, les fragrances d’antan, le périple fragile des douleurs et des déchirements, les grains de soleil ou les chagrins de brumaille, le fil de la mémoire se dénoue, invite à fouiner encore plus loin les souvenances pour finalement affronter quelques tranches rétro, lumières lointaines « de ce qui fut », « de ce qui fait que je suis » ou « ne suis pas »… Fugues chagrines, galops ardents, vagues de vie. Inspirer, expirer, explorer, humer, savourer, souffler !

Partir à rebours au cœur de l’enfance et de l’innocence, glisser vers le monde étrange de la jeunesse et du bouleversement, s’immerger dans le charme, la gaité, les griffures ou les brûlures d’autrefois. Raccrocher quelques fils rompus ou points laissés en suspensions. Traverser les temps, leurs embellies et leurs tempêtes entre angoisses, suppositions, larmes, silences, rages, rires ou sourires, miscellanées éparses, vieilles photos et écrits jaunis.

Appréhender l’univers artistique de personnes proches disparues et se souvenir de leurs paroles sur les censures de l’époque et leurs plaisirs de s’en affranchir. Percevoir quelques craquements du saphir posé sur le sillon du vinyle, se fondre dans le vintage des musicassettes et du petit écran noir et blanc de la télé d’occase.

Mais aussi, plus près d’aujourd’hui, s’imprégner de musique sur les ondes des radios libres du transistor. Dénicher pépites musicales et richesses poétiques. Happer les mots, s’immerger dans la magie d’autrefois, fermer les yeux et enfin lâcher prise !

Saisir au vol l’instant précieux offert au hasard de l’existence, piquant de la vie à fleur de sel pour un moment de retrouvailles émouvantes et de complicité inopinée.

Vient ce jour où les souvenirs s’harmonisent à l’âme du réel et vous emportent dans les tourbillons d’un voyage lointain de jadis et naguère, confidences, histoires, complicités, liens et résonnances d’une génération l’autre.

« Le temps qui reste », une émotion mystérieuse, une folle aventure à v’ivre éperdument.

Illustration 2
Au coeur de la poésie © Edmey

Voix cristalline, voie des poètes, paroles militantes, entre spleen et tendresse, force et fragilité, Isabelle Aubret est revenue chez elle pour encore affirmer que « C’est beau la vie »  (chanson, spécialement écrite par Michelle Senlis, mise en musique par Jean Ferrat pour Isabelle Aubret mais aussi le titre de son livre autobiographie publié en 2011).

« Pouvoir encore regarder,

Pouvoir encore écouter,

Mais surtout pouvoir chanter

Que c'est beau, c'est beau la vie… »

Elle souhaitait « dire au revoir » à cette petite ville du Nord, Marquette-lez-Lille, pays de son enfance et de sa jeunesse et lui offrir un ultime cadeau intimiste après plus de 60 ans de carrière en chansons en France et à l’International. Le plaisir et l’émotion de chanter dans la salle de spectacle « Isabelle Aubret » qu’elle avait elle-même inaugurée en mars 2020 à quelques mètres de sa maison familiale, de son école primaire et de la filature où elle a été bobineuse.

Après sa victoire à un concours de chant à l’Olympia et des débuts difficiles (public parfois oublieux, censurée ou boudée par les radios, télés, journaux pour ses idées engagées et ses sympathies politiques), elle parcourt le monde, un temps jalonné de retours en France. Une carrière ponctuée de deux accidents graves et de pauses obligées pour se rétablir, « La petite ouvrière de la chanson » comme elle se qualifie, côtoie artistes et poètes : Jacques Brel, Jean Ferrat, Louis Aragon, Georges Brassens, Barbara, Léo Ferré, Anne Sylvestre, Serge Gainsbourg, Allain Leprest, Georges Chelon… et choisit ses chansons et interprétations souvent à l’instinct émotionnel. Caprice des émois et des affections, sensibilité des révoltes, esquisse des lueurs d’espoir et élégance des textes poétiques. Mystères d’ombre et de lumière, les mots en musique, art et labyrinthe du phrasé et de l’interprétation.

Messagère intemporelle à fleur de peau, elle a su ancrer, parmi les tourments et les félicités du temps, son rêve fou de « chanter » et « raconter des histoires ». Respectueuse des valeurs humaines, elle conte l’immigration, l’expulsion, le chômage… rebelle, elle crie ses indignations, colères et révoltes et retrace l’espoir en herbe et les évènements qui ont marqués l’histoire. La belle endormie s’adresse aux victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo.

Elle participe, avec 24 autres chanteuses, à La Chanson de la vie écrite par Claude Lemesle et composée par Alice Dona, pour l’association Care France, lutter contre les inégalités et défendre les droits des Femmes du Monde.

Au théâtre, actrice inattendue et pleine de fougue, on la retrouve dans « les monologues du vagin » avec Astrid Veillon et Sara Giraudeau, pièce féministe d'Eve Ensler au succès planétaire. Une ode à la liberté, un cri des corps face à la condition féminine, au patriarcat, aux violences faites aux femmes, aux excisions… A ses débuts, elle se présenta à l’eurovision avec « La source », le V de viol et vie ôtée.

Elle décrit avec passion la nature, le ciel, le soleil, la mer, la montagne, la liberté, l’amour, la vie, l’espoir… des thèmes cousus mains lacés de fils d’or. Des chansons à texte, des textes engagés, des sujets ou enjeux de société… et rend des hommages vibrants aux auteurs qui lui sont chers et à bien d’autres.

Brel  « La Fanette » avec une introduction toute personnelle (une chanson que lui a offerte Jacques Brel)

« En flânant sur la plage, un jour, j’ai rencontré cet homme, il avait les yeux étrangement tristes. Il regardait la mer. Il parlait de vagues qui roulaient, qui roulaient et il disait…

Ferrat  « Ma France »  (1968, chanson de Jean Ferrat interdite d’antenne pendant 2 ans jugée trop politique)

« Cet air de liberté dont vous usurpez aujourd'hui le prestige… »

«… Elle tient l'avenir, serré dans ses mains fines
Celle de trente-six à soixante-huit chandelles
Ma France…
»

Aragon  « Boulevard Aragon »

« …Un jour, la guerre, vieux fantôme,
N'excitera plus les vautours
Et le vertige de l'atome
Se désintégrera un jour.
On saura voir au clair de l'âme
La transparence de la peau.
On jettera les oriflammes,
On rassemblera les drapeaux… »

Chelon  « Allons enfants »

« … Allons enfants faut qu'on bouge
Qu'on réveille les morts
La planète est dans le rouge
Mais elle bouge encore… »

Dans les drapées du rideau rouge de la scène, du vertige de l’au revoir aux larmes retenues de l’émotion, elle achève son parcours artistique en chansons, se tournant vers d’autres projets. Isabelle Aubret a interprété plus de 30 titres ponctués de quelques mots personnels, poèmes, messages d’amour, d’espoir et de résistance à l’adresse d’un public conquis, un départ discret tout en poésie, reflet de sa force d’âme !

Et comme on ne voit pas le temps passer, qu’entre jeunesse et vieillesse, il faut toujours trouver le temps de la liberté… Partons encore et toujours hors des sentiers battus ou sur les chemins de traverse pour rêver, hier comme aujourd’hui et demain, le vent sauvage de l’inaccessible étoile.

Les souvenirs, parfois douces folies, révoltes des frimas, parfois silences mystérieux, sombres chagrins… mais toujours bribes de vie. Vite, il faut encore glaner, çà et là, les empreintes musicales et l’ambiance des fils de la temporalité, partage de la frénésie d’un vibrant héritage intergénérationnel.

«… Ah qu'il vienne au moins le temps des cerises
Avant de claquer sur mon tambourin
Avant que j'aie dû boucler mes valises
Et qu'on m'ait poussé dans le dernier train… »

Les remous poétiques du temps, bruissements du cœur chevillé au corps et à la plume !

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