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Hier, l’équinoxe de mars a rétabli l’équilibre entre la nuit et le jour. A pas ouatés, il a chassé les nuages et triomphé de l’hiver. Les branches ont accueilli les premiers bourgeons, les fleurs précoces ont revêtu leurs plus belles parures. La sève s’est languie du renouveau pour raviver sa promesse éternelle.
Depuis une époque plus que reculée, le ciel fascine et offre, certains soirs plus que d’autres, à partir du printemps jusqu’à l’automne, une parenthèse hors du temps, une Madeleine de Proust insatiable entremêlée de parfums de liberté et de frêles saveurs salées ou sucrées à déguster éperdument. Une symbiose naturelle flammée, ivresse intime ou secrète d’invitations à la mélancolie ou à la rêverie, parfois embellie de retrouvailles complices et d’instants sensuels.
A l’heure où Apollon, Dieu des arts, de la lumière, de la beauté et de la divination fuit, à regret, ce décor fastueux et cède sa place à Nyx, déesse de la nuit, le soleil, au paroxysme de tous ses feux, décline, hésite, balbutie, s’interrompt, se ressaisit, descend doucement et plonge enfin, avec une maitrise parfaite, vers la ligne d’horizon. Il dévoile, au travers des nuages cristallins, un paysage endiablé, dégradé de fondues d’ors exaltées au milieu d’un ciel nuancé rouge orangé. La féerie opère, les astres se fondent, s’embrasent. En une poignée de minutes, l’écharpe nimbée nuageuse et la luminance colorée se noient discrètement dans le décor mystérieux de la fresque, à ce moment précis, le soleil semble être happé par les entrailles de la terre. La plume s’affute, la poésie s’enflamme.

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La lumière se débat, s’affaiblit et se perd dans la pénombre. Les couleurs de la toile, œuvre d’art éphémère, se dérobent, s’éteignent et s’évanouissent. L’obscurité enroule petit à petit le décor d’une étole voilée transparente. La lune, quittant son gouffre d’ombres et de noirceur, amorce alors son ascension nitescente dans la splendeur capricieuse de la voûte céleste et dans les frêles soupirs harmonieux de l’univers. L’incandescence du soleil couchant sonnaille le clap de fin juste avant l’effloraison crépusculaire ! Le rideau tombe révélant la nuit tout aussi gracieuse que le jour.
Le silence envahit l’espace feutré puis le ciel s’étoile d’étincelles saupoudrées dans l’opacité universelle. Carpe Diem, semble nous dire ce souffle étrange et romantique ! Une bascule en apesanteur, un voyage vertigineux au pays de l’apaisement, de la douceur, de la quiétude et de la complicité. Une façon peut-être de prendre de la hauteur, d’effacer les frustrations et les désastres de la vie et d’entrer dans le rêve, régal des yeux.
Le paysage n'est pas à prendre au pied de la lettre, non, il s'agit d'un mirage, reflet d’une âme, d'un état d'âme, d’une lueur du monde intérieur mais aussi de miroirs tangibles dans lesquels se révèlent les larmes printanières de désespoirs et de douleurs.

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Depuis la nuit des temps, tous les acteurs envahissent la scène au soleil couchant inspirés par les frissons du mouvement perpétuel de l’horloge du temps et les émois de la jeunesse éternelle de la nature environnante. Chaque matin, la lumière renaît irrémédiablement. Et ainsi le cycle des jours se perpétue à la recherche d’un temps qui court bien trop rapidement pour l’Homme.
Au printemps, de quoi rêves-tu ? avait chanté le poète. De tout temps... des rêves sensibles : au respect de l’être, de l’autre, au miel d’un avenir meilleur, loin des querelles, des violences et des ronces du désespoir. A l’amour, à la paix pour enfouir les guerres, les angoisses, les douleurs, les querelles. Au monde soudainement empreint d’humanisme. A entrouvrir les fenêtres d’un printemps couleur espoir dont on ne peut se passer. A sécher secrètement les larmes printanières qui perlent sur la peau et dans les cœurs.
Un jour pourtant, un jour… un jour peut-être… !