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Billet de blog 22 mai 2023

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Apparences et Profondeurs

« De même que la valeur de la vie n'est pas en sa surface mais dans ses profondeurs, les choses vues ne sont pas dans leur écorce mais dans leur noyau, et les hommes ne sont pas dans leur visage mais dans leur cœur. » Khalib Gibran, poète et peintre libanais.

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Illustration 1
Apparences et profondeurs © Edmey

La terre a ses secrets et ses trésors, les mots ont leurs mystères et leurs magnificences. La terre, les mots… contempler, imaginer, apprendre à dénicher l’invisible, humer et raviver émotions et instants de rêves. 

Dans le paysage karstique, l’eau de surface s’infiltre, entaille les roches calcaires et creuse des lapiez. Ainsi, imperceptiblement, les concrétions de calcite suintent en goutte à goutte magique et cristallisent stalactites, stalagmites, colonnes. La féérie au zénith. 

Quelques agitations et clapotis renvoient l’écho exceptionnel de leurs murmures, langage des ondes. Au cœur de la grotte et dans la moiteur ambiante, l’eau n’en finit pas de chuchoter, les bulles babillent, grésillent entre elles et s’étreignent en douces caresses feutrées.   

L’aven se transforme finalement en miroir serein et réverbère des clichés de toute beauté, reflets scintillants de ce double décor fondu. A contrario, l’eau vive des gours poursuit son voyage tourmenté au fil du temps et de l’eau pour s’engouffrer finalement au centre de la terre.

Illustration 2
Apparences et profondeurs © Edmey

Aux creux des cryptes se nichent d’étranges coulées de travertin, des draperies fuselées, de fines dentelles, des galons et guipures de calcite. Suspendus à la coupole défiant les lois de la pesanteur, des disques striés, des fistuleuses insolites, des cristaux bourgeonneux se mirent dans l'eau limpide.

Dans ses tombés vaporeux de tulle ou de taffetas, la voûte céleste de la « grotte aux diamants » dévoile inlassablement sa palette scintillante de camaïeux bleutés, du blanc le plus pur au gris bleuté. Les phénomènes naturels et vivants fondent, dans la mousseline satinée, une « perle de caverne » originale et majestueuse.

Des profondeurs secrètes, le cœur du monde rythme ses pulsations et puise dans la vie souterraine quelques empreintes paradisiaques ou diaboliques. La danse des ombres chahute l’imagination, les vibrations et les frissons du corps dans un florilège spectaculaire de magie poétique, secrets de l’âme.

Calmes ou agitées, les chimères séduisent et invitent à gérer angoisses ou ivresses du bien-être intérieur. Dans les entrailles de ce lieu pittoresque, quelques fables, légendes et mythes virevoussent et éveillent curiosités.

Illustration 3
Apparences et profondeurs © Edmey

Ecoutez chuchoter cette maxime grecque antique incitant au voyage du « Connais-toi, toi-même », une introspection vers les chemins de vérité, de liberté et d’humilité, un appel à s’ouvrir aux autres et au monde. Et Socrate d’ajouter, avec raison, qu’en fait « je sais que je ne sais rien ».

Voilà que Narcisse sort de l’ombre, admire son visage dans l’eau limpide, tombe amoureux de l’image, reflet d’une beauté exceptionnelle. Insensible à l’amour, il finit par dépérir d’une passion non assouvie et du sort jeté par la nymphe « Echo », mirage hypnotique décrit dans les « Métamorphoses » d’Ovide. 

Ici, le théâtre d’ombres de la « demeure souterraine » semble toujours distiller de simples effets illusoires. L’allégorie de la caverne sur la condition humaine mise en scène par Platon dans son texte « La république » éclaire les voies du vertueux et les lumières de la sagesse « du monde d’en haut ».

Et que dire de plus… que le sensible et l’intelligible sont désormais soumis à rudes épreuves et que l’homme semble se perdre en déraison obsédante bercée par de lugubres envoûtements futiles, égoïstes, arrogants, vénaux jusqu’à défier l’équilibre des fondements essentiels du monde ?  

Du pied de l’illusion à la crête du réel et de la créativité, la mémoire et les souvenirs inclinent à repenser les prémices de la vie et à toujours dénicher de nouvelles sources propices à quelques « lâcher-prise ».

Illustration 4
Apparences et profondeurs © Edmey

Certes, en surface, à fleur de peau, les couleurs fusionnent, le soleil brille, la lune scintille, le ciel s’étoile, la mer poursuit son roulis, la terre s’active… plus que jamais l’émoi donne le vertige et bouleverse. Même si parfois, le monde vacille entre ciel et abysse, espoirs et nostalgies, lucidité et inquiétude, fougue et spleen.

Sous terre, la grotte continue à tracer son labyrinthe de gouffres, les ombres se trémoussent, les réseaux s’interconnectent, le rythme conforte l’écho de la rime. Le poète n’en finit plus d’harmoniser la vie au souffle du vent et de crayonner l’être en nuages de mots, de l’arcane du monde au mystère de l’infini…

« Dans cette architecture étrange qu’on appelle la matière, nous avons beau descendre vers les fondements, nous ne trouvons point une assiette fixe : les pierres que l’on croyait fondamentales entrent en mouvement ; elles entrent en danse, et c’est sur des tourbillons subtils que repose jusqu’ici l’édifice solide du monde. » et d’ajouter « Je ne sais pas où il faut s’arrêter, je ne sais pas s’il faut s’arrêter ou descendre encore. »  Extraits du poème en prose de Jean Jaurès « descente dans l’infini ».

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