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Billet de blog 23 novembre 2023

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Couleurs d'aurore

«Abandonné à mes rêves brisés, je poussais dans la sève du palmier je suis devenu son parfum et son fruit… Et si un jour ils veulent me brûler, feu je deviendrai et je prends le vent à témoin… » citation d’Ahmed Dhabour, poète palestinien, « Le palmier d’Amman ».

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Illustration 1
Couleurs d'aurore © Edmey

Machinalement, l’esprit encore embrumé, la main agite la fumée au-dessus de la tasse comme pour mieux exhaler la délicatesse de l’arôme du café noir, ce doux nectar matinal. Quelques écrits de Mahmoud Darwich percent l’instant de rencontre poétique : « Le café, pour l'amateur que je suis, c'est la clé du jour ». Un café, deux cafés… peut-être deux clés ? 

Un œil furtif au fil de l’actu, quelques regards sur les articles en une du journal, les autres infos attendront. De nouveau, de l’autre côté de la Méditerranée, dans le ciel chaotique, les violences reprennent et le conflit s’embrase. La paix aussi fragile et délicate que la robe blanche des fleurs d’olivier au printemps vient de se perdre dans la colère du ciel entre horizon et zénith, poussant l’humain dans l’abîme des rivalités et l’enfer des détresses, des répressions et des drames. 

Partout, l’ambiguïté s’engouffre. Tout un petit monde de « sachants » s’étripe dans le délire ambiant savamment orchestré, flots de mots incongrus, confus, bannis, triturés, manipulés. Artifices de phrases. Positions alambiquées. 

Paroles d’hommes, de femmes, d’enfants, victimes innocentes du désordre engendré par des actes et des décisions destructrices, témoignent d’une guerre désespérante et sans fin. Combien de vies emportées, au cours des ans, dans les limbes des querelles sempiternelles ?

Cependant, des signes pacifistes touchants germent au long des chemins de traverse rompant le silence et donnant vie et voix à d’autres mots, parfois non sans pointe d’ironie contenue : « Pour écrire une poésie qui ne soit pas politique, je dois écouter les oiseaux et pour écouter les oiseaux il faut que le bruit du bombardier cesse » Marwan Makhoul ajoutant plus sérieusement : « Peut-être qu’avec ce que nous écrivons, nous n’allons pas changer le monde, mais nous portons un coup de griffe, à sa pudeur ».

Au cœur des terres d’oliviers et de palmiers dattiers, dans le doux climat du Levant, au détour des impasses érigées, la poésie et l’inspiration artistique reflètent les réalités tenaces. De feu ou de cendre, de révolte ou de sagesse, de fougue ou d’émoi, d’ivresse ou de chagrin, l’écriture et la création renaissent, à chaque fois, en vagues tendres d’avenir et d’unité et murmurent les charmes d’une nature essentielle à la vie.

Sahar Khalifa, dans son roman « L'Impasse de Bab Essaha » retrace la condition de femme et de palestinienne et précise : « Seul le corps peut aller en prison, l’esprit ne peut être prisonnier, on ne peut pas attraper le vent »

Depuis une décennie, des femmes de là-bas et d’ailleurs contestent leurs exclusions de certains domaines de la société et portent un regard critique sur les décisions destructrices de leurs pays. Protégées du soleil par des parapluies blancs, elles marchent ensemble, rejointes par d’autres femmes et quelques hommes contre l’occupation, les guerres, l’injustice, pour la paix et l’avenir des prochaines générations.   

Aujourd’hui, les nouvelles générations distillent au monde leurs aspirations de liberté et leur soif d’un autre futur. Dans les dédales arides et pierreux, elles construisent des chemins de paix et d’amour aux mots teintés de « Rêve d’aurore »

«… Ecris sur le cœur des gens,
‘J’existe’ 
… Saisis ton pinceau,
Colore ta vie,
Jette le passé derrière ton dos,
Et rêve d’aurore avec un livre ouvert… »
« Dream of Dawn », paroles du groupe Typo*.

A la pointe du jour, les couleurs d’aurore, flambée de rose ensafrané et de jaune citronné embrasent la voûte céleste et pointent de sublimes messages prometteurs enivrés d’espérance. Et cependant, un matin, subitement, le ciel se farde de couleurs sombres emportant dans ses nuages noirs des rêveries avortées, des vies englouties, des familles décimées et détruites, poussées à l’errance, l’exode, l’abandon ou confrontées aux vols de leurs terres. 

Le calme revenu et la colère bue invitent les plumes résistantes à décrire souffrances de vie, droits bafoués, écumes d’espoir et cascades de rêves :  « L’olivier est un arbre à feuilles persistantes, L’olive restera à feuilles persistantes, comme un bouclier pour l’univers » écrit Mahmoud Darwich et Ziad Medoukh confirme pour sa part « Nos racines sont aussi profondes que nos oliviers… ».

Trêves, pauses… L’impossible paix ?  

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* groupe de cinq jeunes gazaouis (Après quelques concerts réussis à Gaza, toutes les demandes d’autorisations de concerts ont été refusées pour la Cisjordanie)… Aujourd’hui, qu’est devenu ce groupe de musiciens passionnés ?  

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