Edmond KOBER (avatar)

Edmond KOBER

Abonné·e de Mediapart

357 Billets

0 Édition

Billet de blog 5 juin 2021

Edmond KOBER (avatar)

Edmond KOBER

Abonné·e de Mediapart

Ah ah ! La liberté d'expression ! # 2

Une BD (de Remedium) évoquant Darmanin censurée par les Éditions des Équateurs

Edmond KOBER (avatar)

Edmond KOBER

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

À l'approche du 19 mai dernier, l'auteur et illustrateur Remedium se réjouissait de voir paraître son nouvel ouvrage, Cas de force majeure, consacré aux violences policières, aux Éditions des Équateurs. La maison avait déjà publié son précédent album, Cas d'école, qui portait sur le mal-être des enseignants. Mais Cas de force majeure ne sera finalement pas publié, la maison d'édition renonçant à cause d'un portrait de Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur...

Cas de force majeure, le huitième livre de Remedium, était prêt pour la publication : l'auteur avait même reçu le Bon À Tirer (BAT), le document final, envoyé à l'imprimeur. « C'est juste avant le départ pour l'impression qu'il y a eu ce retard, non expliqué par l'éditeur », nous explique Remedium par téléphone.

Cherchant à obtenir une explication de ce délai, l'auteur-illustrateur découvre qu'un portrait de Gérald Darmanin, dans Cas de force majeure, pose problème.

« On me transmet un ensemble de raisons complètement vaseuses avancées par Olivier Frébourg [directeur des Équateurs et éditeur, NdR] : d'abord, que Darmanin a sorti un livre aux éditions de l'Observatoire [Le séparatisme islamiste. Manifeste pour la laïcité, NdR], qui fait partie du groupe Humensis, ce qui serait problématique, puis qu'une autrice publiera aux Équateurs un livre sur le terrorisme à la rentrée, et que sa protection policière pourrait être remise en cause si le ministre est attaqué. »

« Au final, on m'a indiqué que le récit tombait sous le coup de la diffamation. Or, je me suis basé sur plusieurs articles de presse, je fais usage du conditionnel et je cite même Mediapart pour un élément », précise Remedium, qui n'en est d'ailleurs pas à son coup d'essai en matière d'enquête et de portrait.

Finalement, Olivier Frébourg a, selon l'auteur, demandé de modifier le récit consacré à Darmanin, « en modifiant pratiquement toutes les cases », à moins de renoncer à publier le livre. Choqué par le procédé, Remedium n'a pourtant pas hésité longtemps, et a choisi de résilier le contrat d'édition, pour récupérer ses droits sur Cas de force majeure.

Je ne veux pas faire de compromission”

Nous avons tenté de joindre les Éditions des Équateurs, sans succès pour le moment. « Je n'ai pas eu de relations directes avec Olivier Frébourg », déplore Remedium, « et je regrette qu'il ait laissé pourrir le projet sans assumer le fait de ne pas publier le livre ».

Professeur des écoles en parallèle de son métier d'auteur, Remedium s'estime « chanceux » de cette situation professionnelle, qui lui a permis de récupérer son projet sans se mettre en difficulté financière. « Cette pression sur les auteurs qui vivent de la publication de leurs livres est toutefois regrettable, pour, finalement, faire des livres qui correspondent plus aux éditeurs qu'aux auteurs », souligne-t-il.

Remedium est devenu assez coutumier, bien malgré lui, de ces manifestations de la censure. Dès son premier livre, Obsidion, consacré aux émeutes en Seine-Saint-Denis, en 2005, il y avait été confronté : « L'ouvrage était déjà assez pamphlétaire, avec des caricatures de Chirac, De Villepin, Le Pen ou Finkielkraut. À l'époque, des éditeurs m'avaient sollicité pour le publier, mais à condition de supprimer Chirac ou Finkielkraut, ce que j'avais refusé », raconte-t-il.

En octobre 2020, le journal Mediapart avait demandé au dessinateur de modifier deux cases d'une bande dessinée consacrée à Jean-Michel Blanquer (voir aussi ici - attention, note personnelle) [publiée en intégralité, ensuite, dans Cas d'école, NdR], après la menace d'un procès en diffamation ou pour atteinte à la vie privée par la défense de ce dernier. Remedium avait alors accepté, « [a]fin de ne pas mettre en danger le site [Mediapart] dans une période déjà sombre ».

Après la résiliation de son contrat d'édition, Remedium recherche à présent une autre maison d'édition pour Cas de force majeure, qui répond selon lui « à une forte attente du public sur le sujet » des violences policières.

Illustration 1

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.