Alors que le gouvernement se débat dans le marasme d’une affaire d’état qu’il tente d’étouffer par l’entremise d’un procureur de la République acquis à sa cause, le président Nicolas Sarkozy repart en campagne pour 2012 en relançant le débat sécuritaire qui lui a permis de prendre la place qu’il occupe, en récupérant les voix de l’extrême droite.
La manœuvre est tellement grossière qu’elle pourrait surprendre si le gouvernement n’avait déjà tant de fois fait montre du mépris avec lequel il considère l’intelligence des citoyens. L’affaire Bettencourt/Woerth/Sarkozy est une réelle menace pour le pouvoir, en ce qu’elle révèle sa promiscuité avec les puissances de l’argent, son intrication avec la Justice, et l’opacité du financement du parti présidentiel. L’énormité des révélations contenues dans les enregistrements publiés dans Mediapart suffit à en témoigner. Ainsi, le gouvernement fait tout pour entraver la possibilité d’une enquête indépendante. Le procureur Courroye, qui ne fait aucun mystère de sa proximité avec Nicolas Sarkozy, et qui dépend directement du ministère de la Justice, se saisit de tous les dossiers, refuse le transfert d’information vers sa collègue Isabelle Prevot-Desprez, qui enquête de manière indépendante sur le volet « abus de faiblesse » de l’affaire, et qui souhaiterait voire ses attributions élargies dans le cadre de son enquête. La Justice est vérouillée.
Mais ceci n’est pas suffisant. Après avoir tenté vainement, dans un mouvement de panique général, de discréditer les organes de presse et d’information à l’origine du scandale, en se concentrant sur le site indépendant Mediapart, le gouvernement reprend la main en allumant un nouveau contre-feu médiatique, sur le thème qui l’a porté au pouvoir, le délire sécuritaire. Et Nicolas Sarkozy de dénoncer avec une virulence encore jamais atteinte, un nouveau bouc émissaire : la communauté des Roms. Instiller la méfiance et la haine, diviser le peuple et jeter en pâture à l’opprobre populaire les représentants d’une communauté aux contours mal définis, voilà la recette magique qui va sauver le gouvernement. A ceci s’ajoute l’annonce de nouvelles mesures visant à destituer de sa nationalité un français d’origine étrangère qui aurait attenté à la vie d’un représentant de la sécurité publique. Qu’entend-on par « origine étrangère »? Nul ne le sait. Une telle mesure est totalement incompatible avec le droit français? Aucune importance. Comme toujours, ce qu’il convient de retenir réside dans la forme plutôt que dans le fond, dans l’effet d’annonce, dans le choc que ceci doit susciter dans les consciences. La fuite en avant du Sarkozysme continue. Le mythe de l’action perpétuelle se conjugue avec une plongée toujours plus profonde vers le populisme d’extrême droite. L’exercice du pouvoir se confond avec son désir désespéré de survie. L’agitation incessante n’avait jusqu’alors pour seule fin que de masquer la longue suite des échecs, à ceci s’ajoute maintenant la volonté de masquer le scandale. Aucune des promesses de la dernière campagne présidentielle n’a été tenue, si ce n’est celle d’alléger la pression fiscale sur les plus fortunés pour s’assurer leur indéfectible soutien. Dans cette folie qui coupe de plus en plus ceux qui gouvernent de ceux qu’ils gouvernent, il convient de ne pas céder à la tentation de l’oubli. Un jour viendra l’heure des bilans, et pour tout ceux qui aujourd’hui font revivre à la France les pires heures de son histoire, celles qu’elle a traversées lors de l’instauration du régime de Vichy, il sera alors temps de rendre des compte.