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Billet de blog 16 août 2010

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Pour un nouvel ordre mondial

Jamais la nécessité d’un nouvel ordre mondial n’a été aussi forte. L’ONU est une institution vieillissante. Son pouvoir n’est plus respecté, conséquence inéluctable de l’invasion américaine de l’Irak en 2003, décidée sans son consentement. Le droit de veto accordé aux membres permanents ne mène qu’à des blocages. Finalement, les rapports internationaux ne sont régis que par une seule loi : celle de l’intérêt particulier des états. En d’autres termes, sur la scène internationale, la loi du plus fort règne.

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Jamais la nécessité d’un nouvel ordre mondial n’a été aussi forte. L’ONU est une institution vieillissante. Son pouvoir n’est plus respecté, conséquence inéluctable de l’invasion américaine de l’Irak en 2003, décidée sans son consentement. Le droit de veto accordé aux membres permanents ne mène qu’à des blocages. Finalement, les rapports internationaux ne sont régis que par une seule loi : celle de l’intérêt particulier des états. En d’autres termes, sur la scène internationale, la loi du plus fort règne.

La Guerre Froide, se concluant par l’effondrement du bloc communiste, a laissé place à un monde dominé par une hyperpuissance, les Etats-Unis, et régi par l’économie de marché mondialisée. A l’échelle du globe, les relations entre les hommes ne sont donc pas dictées par des lois pour lesquelles leur voix auraient été sollicitées, mais bien par l’économie. Comme le fait remarquer Albert Jacquard dans une de ses chroniques sur France Culture, la répartition des ressources en pétrole ne fait l’objet d’aucune concertation raisonnée entre des institutions représentant les populations, mais elle résulte de la guerre incessante que se livrent quelques individus à la tête de compagnies pétrolières, soutenues par les Etats occidentaux. Pour qui rêve d’une organisation plus juste de l’humanité, sans même parler de démocratie ou de République mondiale, ce constat est une aberration. En effet, les ressources pétrolières sont au coeur des modèles économiques des pays dominants, non seulement pour la production des carburants, mais aussi pour l’essentiel des produits manufacturés qu’ils consomment quotidiennement. Or, ces ressources sont amenées à disparaître, d’ici quelques dizaines d’années. La guerre pour leur contrôle a commencé dès notre entrée dans le vingt-et-unième siècle. Mais si nous voulons espérer qu’à mesure de la raréfaction de ces ressources, les conflits ne dégénèrent pas et n’entraînent l’ensemble de la population mondiale dans un immense bain de sang, une organisation et une planification rationnelle de la consommation et de la production doit être organisée. Comment parvenir à une concertation rationnelle sans la définition d’une nouvelle organisation à l’échelle de la planète?

De la même façon, les chroniques qu’Albert Jacquard consacre au problème de la dénucléarisation des Etats sont parfaitement éclairantes sur la question. Mieux que personne, Albert Jacquard réussit à rendre palpable l’équilibre précaire sur lequel est bâti l’ordre actuel des Nations. Le stock d’armes nucléaires légué à l’humanité par la Guerre Froide suffit pour détruire plusieurs fois la planète entière. Même dans le cas d’une utilisation partielle du stock d’armes, les scientifiques conjecturent que les nuages de particules projetés dans l’atmosphère suffiraient à engendrer ce qu’ils ont baptisé l’hiver nucléaire : une période de refroidissement mondial intense due à une opacification de l’atmosphère de la stratosphère entraînant un bouleversement sans précédent de la biosphère. Le sort réservé aux éventuels survivants serait vraisemblablement moins enviable que celui de ceux qui périraient des suites de l’explosion des bombes. La doctrine de la dissuasion repose sur l’idée suivante : aucun état ne sera assez fou pour m’attaquer s’il sait qu’en retour je dispose de l’arme nucléaire pour riposter. Comme cela est relaté par Albert Jacquard, Valery Giscard d’Estaing, prenant le pouvoir en 1974 en France, pays doté de l’arme atomique, procéda à une expérience. Il demanda à ses généraux de simuler l’invasion de la France par l’Armée Rouge venue de la RDA. Un choix lui était donné : subir l’attaque, au risque de voir la France tomber, l’armée Française n’ayant pas les moyens de résister à la force d’impact des Rouges, ou utiliser la bombe nucléaire pour détruire et désorganiser les forces ennemies, en encourant de possibles représailles. En son âme et conscience de nouveau chef d’Etat, le choix de Valery Giscard d’Estaing fut particulièrement éclairant. Il préféra la première solution. Pourquoi? Pour la simple raison que les soviétiques étant eux-mêmes dotés de l’arme atomique, leur riposte et le jeu des alliances ne pouvait amener qu’à l’anéantissement de l’humanité entière. A choisir entre la disparition du peuple Français, de sa culture, et de son histoire, ou celle de l’humanité, il préféra encore sauver l’humanité. Pour que la doctrine fonctionne, il faut donc paraître suffisamment menaçant ou simple d’esprit pour donner l’illusion qu’en cas d’attaque, on n’hésitera pas à donner le signal de la déchéance universelle et de la disparition de notre espèce. Depuis la prise de conscience, à Hiroshima et Nagasaki, du risque terrible qui désormais guette l’humanité entière, nous avons été épargnés. Le pire a failli survenir, en plusieurs occasions, durant la guerre Froide, mais pour l’instant il a pu être évité. Il n’est pourtant pas dit, dans un monde où tout s’achète, qu’un groupe fanatique ne puisse un jour venir à détenir l’arme nucléaire et décider de précipiter l’humanité dans le chaos. Une politique de dénucléarisation rationnelle de l’ensemble de la communauté internationale est ainsi indispensable, pour faire progresser l’humanité dans la voie d’un monde plus juste, et pour assurer sa simple survie. Le président des Etats-Unis, Barack Obama, semble envoyer actuellement des signaux rassurant allant dans ce sens; comment croire néanmoins que cette immense entreprise puisse se réaliser sans le concours, la concertation et la conciliation de tous les états? Pour ce problème à nouveau, la création d’un nouvel ordre mondial est indissociable de sa résolution.

A ce titre, ce problème met également en lumière l’impuissance actuelle de l’ONU à faire respecter des règles entre les états qui ne soient pas dictées par l’intérêt particulier de chacun d’entre eux. Comment en effet l’Iran pourrait accepter de ne pas poursuivre l’élaboration de son arsenal nucléaire si les autres états ne sont pas soumis aux mêmes contraintes? De manière similaire, on pourrait argumenter sur la nécessité d’efforts mondiaux sur la diminution du rejet des gaz à effet de serre et plus généralement sur la préservation de l’environnement. Dans ce contexte également, des efforts significatifs ne pourront être entrepris que dans le cadre d’une concertation mondiale, et les pays émergeant ne pourront se décider à se plier à ces contraintes que sous l’égide d’un ordre mondial respecté. Les échecs consécutifs de Kyoto et Copenhague en sont l’illustration.

La révolution technologique que nous vivons depuis la seconde moitié du vingtième siècle, l’avènement d’internet, la mondialisation et l’accélération des communications fournissent aujourd’hui les outils nécessaires à l’instauration de cet ordre mondial que nous appelons de nos voeux. La mondialisation de l’économie, qui résulte de la définition de ces outils, renforce aussi les interdépendances entre états. Nous prenons conscience tous les jours que chacun de nos actes peut avoir des répercussions à des milliers de kilomètres par le biais de réactions en chaînes quasi-instantanées. Ce monde nouveau, que nous commençons seulement à découvrir, met pour la première fois en relation l’ensemble de l’humanité. Les problèmes auxquels celle-ci est confrontée, et dont certains ont été mentionnés plus haut, demandent des solutions globales. C’est pour cela qu’il est nécessaire de se doter d’instances internationales représentatives des intérêts des peuples, et non seulement de compagnies multinationales, chargées de faire respecter des principes fondamentaux ayant vocation à promouvoir la justice entre les citoyens tout en garantissant leur liberté, et qui permettront d’amorcer la négociation sur les points clés qui ont été mentionnés ci-dessus. Nous avons bien conscience qu’en disant cela, finalement, nous n’avons rien dit. Car la véritable question qui se pose est la suivante : quelle forme et quelle structure donner à ces instances? Néanmoins, si la forme de ces instances mondiales reste encore à définir, nous tenons d’ores et déjà la nécessité de leur existence pour acquise.

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