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Billet de blog 3 juin 2020

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Mais que peut-on trouver derrière le témoignage de Jacques Kirsner?

Sur une chose que Jacques Kirsner alias Charles Berg ne dit pas dans son témoignage: L'affaire "Varga", son contexte, ce que furent les calomnies et leurs persistances jusqu'à aujourd'hui.

Edward Tisser

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En réponse à l’article de Charles Berg (https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/150520/charles-berg-souvenirs-d-un-autre-temps) et au commentaire de Elie Carasso (https://blogs.mediapart.fr/elie-carasso/blog/170520/j-kirsner-charles-berg-falsifie-lhistoire-de-son-orga-loci-ajs)

Mais que peut-on trouver derrière le témoignage de Jacques Kirsner?

Sur le témoignage de Jacques Kirsner alias Charles Berg.

Récemment Jacques Kirsner nous transmettait via Mediatpart ses « souvenirs d’un autre temps » précisant que pour lui « il est temps de témoigner ». Tout ce qu’il nous dit, il l’avait déjà raconté, alors quelle est l’importance de ce texte ? En fait, il nous parle de sa vie lorsqu’elle avait un sens, de sa vie militante du temps où il s’appelait Charles Berg. Mais auprès de nous, lecteurs, il s’excuse par avance sur ses non-dits : « L’âge provoque des trous de mémoire. Souvent, les archives font défaut. Je me bornerai donc à évoquer ce dont j’ai le souvenir précis en souhaitant que d’autres apportent leur pierre à l’histoire d’un collectif militant. » Par ce biais, il essaye de nous montrer tout le côté positif de sa vie militante, éludant son côté négatif (ses ‘’trous de mémoire’’). Ainsi l’appel du 10 mai 68  est qualifié de « faute politique » et requalifié crescendo de « catastrophe ». Certes cet appel à déserter le quartier latin alors que les « troupes » de la Fédération des Etudiants Révolutionnaires s’apprêtaient à rejoindre les étudiants sur les barricades a été mal vécu par les militants de l’OCI, et vécu comme une trahison par les étudiants et la jeunesse en général. Et Berg trouve une excuse : c’est la faute du centralisme démocratique. Dans la pratique (ce qu’il ne dit pas) l’ordre venait du chef suprême (Lambert) qui ne se trouvait pas à Paris (certains disent en Congrès syndical, d’autre ailleurs). Et Berg se défausse : « C’est Claude (Chisserey) qui a pris la parole pour appeler à quitter le quartier latin ». Cette faute qu’il a qualifiée d’abord de « catastrophe » est alors requalifiée d’« anecdote connue ». On voit bien que Berg, qui était membre du Bureau politique de l’OCI, cherche à diluer ses responsabilités en désignant Chisserey.

Vers la fin de son court témoignage Berg nous dit qu’il a été exclu, mais il ne nous dit pas pourquoi, serait-ce là un trou de mémoire ? Le texte de Berg nous questionne surtout par les sujets qu’il n’aborde pas : La présence d’un anarcho-syndicaliste franc-maçon au Bureau politique de l’OCI, le fait que le principal dirigeant de l’OCI, Lambert, n’a jamais rendu de compte réel sur son activité, les exactions du Service d’ordre de l’OCI, l’abandon de la construction de l’IRJ  ….

Nous étions partis pour bâtir l’Internationale Révolutionnaire de la Jeunesse.

Les jeunes militants des groupes « Révoltes » tout comme leurs successeurs de l’Alliance des Jeunes pour le Socialisme voulaient construire l’Internationale Révolutionnaire de la Jeunesse (IRJ). La vague révolutionnaire de 1968 avait mobilisé toute la jeunesse en particulier dans les pays de l’Est. L’été 69, l’OCI envoya pendant les vacances d’été, dans tous les pays de l’Est, des étudiants pour prendre contact avec la jeunesse qui se radicalisait. Le but était la reconstruction d’organisations trotskistes en Europe de l’Est. Broué, Varga, secondés par Jean-Jacques Marie et Gérard Bloch étaient en charge de ce travail. Varga, trotskiste hongrois depuis 1962, était le dirigeant de la Ligue des Socialistes Révolutionnaire de Hongrie et était devenu le leader des trotskistes d’Europe de l’Est (Yougoslavie, Hongrie, Tchécoslovaquie, Pologne, Allemagne de l’Est).

En 1970, nous étions en passe de gagner une partie importante de la jeunesse. « L’AJS disposait d’une réelle force politique. Le 1er février 1970, nous avons rassemblé quelques 8000 jeunes au Bourget. » dixit Berg. Rien qu’à Paris, nous étions capables d’organiser des manifestations de 15 000 à 20 000 jeunes avec pour mot d’ordre « Capitalisme non ! », « Stalinisme non ! » « Socialisme oui ! », d’organiser une mobilisation étudiante pour soutenir la Révolution bolivienne et son parti trotskiste le POR, pendant 3 jours non-stop. Le point culminant fut la campagne pour le rassemblement d’Essen des 3 et 4 juillet 1971 où 5 000 jeunes de 32 pays se sont rassemblés pour construire l’IRJ. 32 organisations de jeunes révolutionnaires participèrent au rassemblement d’Essen. Ce rassemblement était la pierre angulaire de la construction de l’Internationale Révolutionnaire de la Jeunesse, Pour la première fois depuis des décennies, des révolutionnaires des pays capitalistes s’organisaient avec des révolutionnaires des pays de l’Est et avec ceux du « Tiers monde » : l’unité mondiale de la jeune avant-garde combattante se réalisait : Capitalisme non ! Stalinisme non ! Colonialisme non ! Socialisme oui ! Vive l’Internationale Révolutionnaire de la Jeunesse ! Vive la IV° Internationale ! Tel était notre programme.


Mais les pères fondateurs du Comité International, Healy et Lambert se disputaient le leadership. Au lendemain d’Essen le Comité international de la IV° Internationale explosait et dans la foulée, ils cassèrent notre beau rêve. L’Internationale Révolutionnaire de la Jeunesse n’était même pas renvoyée aux calandres grecques, mais tout simplement enterrée.

L’après-Essen en France : Du gouvernement ouvrier et paysan au gouvernement PC-PS sans ministre bourgeois.

L’après Essen fut une régression, un repli vers soi, ce fut un plongeon vers le centrisme. Six semaines seulement après Essen, Lambert demandait au bureau politique de l’O.C.I d’agréer « sa nouvelle politique » sous la forme d’une « déclaration du bureau politique de l’Organisation Communiste Internationaliste [pour la reconstruction de la IV° Internationale] du 20 aout 1971 ». La priorité maintenant était le combat pour « imposer le gouvernement du front unique ouvrier » appelé aussi « gouvernement ouvrier » (voir le § VII de ladite déclaration, écrite par Lambert et publiée dans la Vérité  n° 554-555, octobre 1971). Où était passé notre objectif du gouvernement ouvrier et paysan ? Il ne faut pas oublier qu’à cette époque le PC, le PS et les Radicaux de gauche menaient des discussions en vue d’un accord de gouvernance de « l’union de la gauche ».[1]  A la fin de la même année, lors des  journées d’études du comité national de l’AJS du 12 décembre 1971, Just intervenait expliquant que le gouvernement ouvrier c’est le gouvernement des organisations ouvrières unies, c’est-à-dire du PCF et du PS (et évidement sans les trotskistes ; comment peut-on envisager un accord de gestion de l’Etat bourgeois du PCF-PS-OCI sur le « programme commun » programme de collaboration avec la bourgeoisie ? Comme nous le verrons plus tard l’OCI trouva la solution (un tour de passe-passe) : Ce n’est pas un gouvernement de collaboration car on lutte pour un gouvernement PC-PS sans ministre bourgeois, le PC et le PS ne sont-ils pas des partis ouvriers qui se réclament du socialisme ? nous disait-on.

Stéphane Just est là pour faire passer la pilule.

Et pour « faire passer mieux la pilule » Just s’adressera aux jeunes militants de l’AJS pour tirer le bilan d’Essen en leur montrant la direction à suivre : « Mais au fait, camarades, Essen qu’est-ce que c’est au juste ? …. On peut au moins se poser la question lorsque – j’ai constaté avec quelque effarement – il apparait que le projet de programme d’action de l’AJS ne dit pas un mot des Etats-Unis socialistes d’Europe.

Or, nous avons expliqué que la bataille politique d’Essen était déterminante pour la construction de notre propre organisation en France. Déterminante, parce que, dans cette bataille pour Essen, dans cette bataille pour que 5 000 jeunes se rassemblent en Allemagne, au cœur du prolétariat allemand, pour proclamer la nécessité de se battre pour les Etats-Unis socialistes d’Europe, nous posions les bases politiques de la solution de la crise de l’impérialisme comme de la crise de la bureaucratie du Kremlin, dans notre pays, dans toute l’Europe et, par la suite dans le monde entier.

Nous avons dit que la tenue du rassemblement d’Essen avait constitué pour nous un succès politique, parce que précisément, pour la première fois depuis des décennies, au cœur de l’Europe, rassemblée par notre politique, par notre force, notre combat, ces 5 000 jeunes avaient proclamé l’unité de la lutte du prolétariat européen, donc la nécessité des Etats-Unis socialistes d’Europe.

Et nous voyons là, camarades, deux faces d’un même problème. D’un côté ce cercle qui se meut dans l’empyrée qui ne pose pas les problèmes réels de la lutte des classes, de la lutte de la jeunesse, et de l’autre un programme dit correct, ce concret qui selon Lénine, est la pire des abstractions, où la dimension internationale indispensable à la construction de l’organisation de jeunesse, est absente.

Cela veut dire quoi, camarades ? Cela veut dire que tout cela n’est pas grave, est même satisfaisant, dans la mesure où nous prenons conscience de ce que cela signifie. Lorsque nous avons décidé la tenue de cette conférence sur le gouvernement ouvrier, nous l’avons fait en fonction de considérations politiques dont j’ai parlé dans cet exposé. Mais il s’avère, et c’est bien normal, que précisément parce que la question du gouvernement se situe au cœur des problèmes de notre politique, la relation entre le développement de la lutte des classes, notre intervention dans cette lutte, la construction du parti révolutionnaire, la reconstruction de la IV° Internationale et la construction de l’AJS, tous les problèmes, toutes les difficultés politiques – qui ne sont jamais, et ne peuvent pas être, définitivement réglés – reviennent à nouveau. Et, camarades, je crois que c’est de cela que nous allons discuter aujourd’hui. La conférence que nous tiendrons les 5 et 6 février sur cette question du gouvernement ouvrier sera comprise par l’AJS, comme par l’Alliance ouvrière et par l’OCI, comme un terrain où convergent la construction du parti révolutionnaire et l’élaboration même de la politique révolutionnaire.
Cette discussion, vous aurez à la mener, sous l’angle particulier de l’AJS certes, mais vous ne pourrez la mener à bien comme une question AJS en soi. Il vous faut à mon sens l’aborder comme l’une des applications d’une stratégie d’ensemble, d’une stratégie globale, qui découle de ce que nous sommes, savoir l’expression consciente d’un mouvement historique inconscient : d’une stratégie qui traduit en termes politiques le mouvement même de la classe  vers son émancipation, mouvement qui, à partir de ses acquis, des formes d’organisation qui lui lègue sa propre histoire, la conduit vers de nouvelles conquêtes, vers la révolution socialiste, vers ces nouvelles formes d’organisation que sont le parti révolutionnaire et la IV° Internationale ».
Cette longue citation de l’intervention de Just, qui clôture les journées d’étude du comité national de l’AJS intitulé « le gouvernement ouvrier et paysan » (Brochure AJS-Formation n°1, décembre 1971), associée à la déclaration de Lambert du 20 aout 1971, montre bien le changement d’orientation politique. C’était un tournant à 180° : L’Internationale Révolutionnaire de la Jeunesse était à tout jamais enterrée désormais pour aller « vers la révolution socialiste, vers ces nouvelles formes d’organisation que sont le parti révolutionnaire et la IV° Internationale » il fallait appeler à voter pour « un gouvernement PC-PS sans ministre bourgeois » (c'est-à-dire appeler à voter pour que les organisations ouvrières qui ont trahi leur classe, le PS en 1914 et le PC en 1933 puisse accéder à la gouvernance de l’Etat bourgeois).

L’après Essen pour les jeunes révolutionnaires trotskistes des pays de l’Est.

Parmi les jeunes révolutionnaires qui avaient participé au Rassemblement d’Essen pour construire une Internationale révolutionnaire de la Jeunesse, certains étaient venus des pays de l’Est (Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Allemagne de l’Est …).

Tous ces jeunes révolutionnaires avaient été contactés grâce au travail incessant de militants trotskistes de l’OCI, tel Pierre Broué et Jean-Jacques Marie qui, après la révolution hongroise de 1956,avaient « fréquenté » (principalement en France et en Belgique) les groupes des réfugiés politiques. C’est ainsi qu’ils ont gagné les premiers trotskistes d’Europe de l’Est après la Seconde guerre mondiale. Ainsi fut fondée la Ligue des Révolutionnaires Socialistes de Hongrie dont le dirigeant, Balázs Nagy (Michel Varga), était le leader reconnu par les jeunes trotskistes d’Europe de l’Est.

L’après-Essen pour ces jeunes révolutionnaires enthousiastes, qui avaient les yeux rivés et les oreilles à l’écoute de l’ASJ et de l’OCI, fut un réveil bien triste, mutisme complet sur l’IRJ. Pour ceux qui étaient exilés enFrance, ils n’arrivaient pas à comprendre cette politique de front unique ouvrier qui amenait l’OCI et l’AJS à combattre pour un « gouvernement PC-PS sans ministre bourgeois ». « Nous, disaient-ils, voulons reconstruire la IV° Internationale et son organisation de jeunesse l’IRJ dans tous les pays, avec un programme politique commun, le programme de transition, alors comment peut-on lutter en France pour un « gouvernement PC-PS sans ministre bourgeois ? Non ce n’est pas bon, regardez chez nous, en Pologne ou ailleurs ce qu’est un « gouvernement ouvrier PC-PS sans ministre bourgeois ».Voilà l’origine de divergences qui se firent sentir entre les est-européens et les membres de l’OCI.

Avec du recul, ces divergences s’étoffèrent et les argumentations des est-européens, qui jusqu’alors n’étaient discutées qu’en interne au niveau du bureau politique de l’OCI, risquaient de mettre en difficulté la nouvelle orientation de la direction Lambert-Just. In fine les est-européens demandaient le doit de discussion ouverte, le droit de s’organiser indépendamment, et en tendance au sein du CI  de la IV° Internationale. Mais au sein de l’OCI c’était une chose inconcevable![2] Et l’OCI entendait conserver cette règle avec les est-européens qu’elle avait « gagnait » au trotskisme.

Stéphane Just : « Varga-Nagy agent double, provocateurs stipendié de la CIA, travaillait pour le compte du NKVD. »

La réponse aux trotskistes est-européens n’allait pas se faire attendre. Quelques mois après, (je crois en octobre 1973), tous les militants de l’OCI de la région parisienne reçurent une convocation à une assemblée générale à la Mutualité dont on ne connaissait pas le motif, mais où ils doivent « impérativement être présents ». Je me souviens de la violence du discours de Stéphane Just qui nous déclara d’entrée en substance: « Varga est un agent du stalinisme, il a bien caché son jeu », « si quelqu’un a à dire quelque chose c’est maintenant parce que après, toute discussion sur ce sujet sera interdite car Varga veut détruire notre organisation en la plongeant dans des discussions sans fin ». Certes ce ne sont pas les motsparoles exactes qui ont été prononcées, mais c’est le sens que j’en ai retenu. Et comme mes camarades de cellule, nous fûmes tellement abasourdis que nous nous sommes tenus cois :comme nous avions une foi entière à nos dirigeants, nous nous sommes tus par discipline, même si nous ne comprenions pas pourquoi.

Quatre mois plus tard, l’OCI publiait le document suivant : « Provocation dans la IV° Internationale ; L’itinéraire du provocateur Varga »[3] dont Stéphane Just est l’auteur, déclarait : « Nous avons affaire à un homme qui, comme les lettres que nous publions dans la brochure le démontrent, se vend littéralement à la CIA et au département d'Etat. » et de conclure : « Varga-Nagy agent double, provocateurs stipendié de la CIA, travaillait pour le compte du NKVD. ». Et au cas où le lecteur n’aurait pas compris, Stéphane Just « enfonce le clou » : « Balazs Nagy a été un agent stipendié au service de l'impérialisme américain et l'analyse de son activité permet de conclure qu'elle s'est menée depuis le début au compte du K.G.B. » Vous avez entendu : « Un agent du NKVD stipendié par la CIA », c'est-à-dire payé par la CIA . Quel délire ! Cette mystification incroyable, cette « vérité » digne des procès de Moscou va devenir le credo de la politique des « lambertistes » de l’OCI. Pour Charles Berg c’est d’abord du « délire » (comme il le déclare dans son entretien avec Karim Landais), mais trois semaines plus tard, il est convaincu, il vote l’exclusion de Michel Varga et bien plus tard, en 2004, il expliquera cela par un changement radical de politique.[4] Mais jamais Berg n’a qualifié ces calomnies de staliniennes. Pourquoi ?

L’affaire Varga a sonné le glas de l’OCI, de l’IRJ de la IV° Internationale.

Dès lors la chasse aux Vaguistes était ouverte. Pierre  Broué témoigne : « Alors, écoute, il y a eu un truc absolument dégueulasse, c'est avec les varguistes. Les varguistes, ils leur cassaient la gueule systématiquement. Mais à les mutiler. Le service d'ordre du PCI c'est un service d'ordre de nervis. »[5]. Charles Berg trotskiste, membre du Comité Central de l’OCI et Pierre Broué trotskiste historien notoire savent bien, contrairement aux simples mortels, ce que sont les méthodes staliniennes, les calomnies et les agressions physiques contre les militants bolcheviks. Ils le savent très bien : la preuve c’est que 30 ans plus tard ils feront en catimini leur mea-culpa, mais en se gardant bien d’avancer une explication politique. En fait ils savaient très bien ce qui se passait ; Varga et ses camarades ont étés victimes de crimes staliniens proférés par des « révolutionnaires » qui se réclamaient du trotskisme, mais pour rester dans « l’organisation » ou pour « garder l’étiquette « trotskiste », ils rentraient dans un déni conscient. Dès lors les exclusions deviennent monnaie courante : Charles Berg, Stéphane Just, de Pierre Broué, de André Langevin, de Pedro Carrasquedo, etc.,

Varga et ses camarades (en France, quelques français et des réfugiés politiques d’Europe de l’Est et d’Espagne -POR- dont une bonne moitié était clandestins et sans papier) furent « cassés », agressés, envoyés à l’hôpital, et même mutilés, certains ont perdus leur emploi…. Voilà ce qu’était l’activité politique de l’OCI etc.[6] Avec le temps, écrasés par les calomnies, les trotskistes des pays de l’Est ont été laminés ; certes à partir des années 90 ils se sont réorganisés avec le WRP britannique qui était l’alter ego de l’OCI au sein du Comité International de la IV° Internationale et le co-organisateur du rassemblement d’Essen. Mais le bilan est là : 50 ans après Essen l’IRJ n’est plus qu’une vue de l’esprit et 82 ans après sa fondation, la IV° Internationale n’est plus qu’un mythe. Voilà les crimes de L’OCI.

Pierre Broué : d’historien à militant au service des calomniateurs.

Vous croyez que l’affaire Varga est une histoire du passé qui eut lieu il y a bien longtemps, au début des années 70, que c’est une affaire classée et que les calomnies « agent du KGB payé par la CIA » ne sont qu’un mauvais souvenir et qu’il faut donc tourner la page ? Détrompez-vous, ces calomnies staliniennes ont toujours été présentes, et le sont toujours :

Quelques mois après les exclusions, en 1974, Pierre Broué fut chargé de prendre contact avec les noyaux plus ou moins disparates des correspondants dans les pays de l’Est. En Yougoslavie, Broué alla à la rencontre d’Aliosha [Pavluško Imširović] qui venait d’être libéré de prison, suite à une condamnation de deux ans pour trotskisme. Voici ce qu’il écrit de leur rencontre: « Il faut ajouter que la discussion ne pouvait avoir lieu que par l’intermédiaire d’un interprète, et que beaucoup de temps a été consacré à mettre au courant des événements révolutionnaires », au commencement par l’explosion du CI qu’il ignorait, et ses causes, ainsi que l’affaire Varga (pour laquelle deux exemplaires de la brochure en français ont pu lui être remis [« Provocation dans la IV° Internationale, l'itinéraire du provocateur Varga »NDLR] qu’il devait se faire lire par un camarade qui, lui, parlait français). L’affaire Varga n’a d’ailleurs pas semblé le troubler profondément. Le frère vargiste de Philippe [Radoslav Pavlović], en principe non-militant jusque-là, s’était récemment rendu à Belgrade à l’occasion d’une visite dans sa famille, et avait beaucoup insisté pour rencontrer Aliosha (sans y parvenir). Le camarade d’Aliosha parlant français soulignait lui-même le caractère suspect de cette résistance. Aliosha, cependant de son côté, paraissait croire que, s’il rencontrait Philippe lui-même, il aurait sur luiune influence suffisante pour le regagner, je l’ai vivement mis en garde de courir un tel risque. »[7]Broué  est venu, tel un représentant commercial, faire la promotion des calomnies staliniennes de l’OCI et de mettre en garde les contacts politiques de l’OCI. Quelles en seront  les répercussions ?

Stéphane Just : réaffirme le bien fondé des calomnies.

En 1986 Stéphane Just publiait un « Rapport politique préparatoire à la III° conférence du « Comité pour la construction du parti ouvrier révolutionnaire (pour la reconstruction de la IV° Internationale) ». « Ce rapport s’appuie sur les analyses de la ligne politiques, que les différents numéros de « CPS » publiés depuis le 16 mars 1986, ont développées. » Il n’entend donc pas les répéter systématiquement. Il faut cependant en rappeler certains des aspects principaux. »  « En 1971 la direction de la SLL a fait éclater ce qui restait du CI. Varga a tenté, au compte de la bureaucratie du Kremlin de porter un dernier coup à la continuité de la IV° Internationale que continuait à assumer l’OCI (…). Bientôt le terrain est devenu brûlant pour Varga et son équipe. Ils l’ont abandonné (il faut rappeler que se sont eux qui ont quitté l’OCI .. ». Voilà Just pris en flagrant délit de récrire l’histoire. Calomniant toujours, il occulte son « Varga payé par la CIA » et la répression féroce et barbare dont témoigne plus haut Broué « Les varguistes, ils leur cassaient la gueule systématiquement. Mais à les mutiler. Le service d'ordre du PCI c'est un service d'ordre de nervis. » Just n’est là qu’un petit menteur stalinien qui essaye de se dédouaner de ses « crimes ».

En Yougoslavie, l’affaire Varga n’est pas finie, loin de là.

En 1992, sur proposition du trotskiste serbe Radoslav Pavlović, l’Internationale ouvrière (l’organisation qui regroupe le WRP britannique et ce qui reste des vargistes) lance la bataille pour le Secours Ouvrier pour la Bosnie, qui eut un retentissement énorme en Europe auprès de toutes les « tendances trotskistes » excepté l’OCI et les partisans de Just. Réfugié en France quelques années plus tard, il prépare son retour en Serbie au début des années 2010. En 2012, il envoie de plus en plus d’articles à des sites internet basés en ex-Yougoslavie et plus particulièrement à celui de « Radnička Borba » (« La lutte ouvrière ») animée par des membres croates du SU. Puis ils acceptent de mettre en ligne des traductions d’articles de Trotski qu’il leur fait parvenir.

C’est là que les lambertistes trouvent qu’il commence à avoir trop d’importance. Pavluško Imširović, quant à lui est toujours « lambertiste » et vit toujours à Belgrade,  peut-être avait-il eu vent que Pavlović allait rentrer en Yougoslavie, peut-être a-t-il eu une crise de paranoïa, toujours est-il qu’il rue dans les brancards et décide de sortir la grosse artillerie « l’affaire Varga » relookée à la mode 2012.

Voici les faits : Le 10 septembre 2012, le site de l’organisation « Radnička Borba » mettait en ligne un article de Radoslav Pavlović « Vive la lutte des travailleurs et des jeunes albanais! ». Le lendemain, Pavluško Imširović est le premier à commenter cet article. D’entrée, il présente Radoslav Pavlović comme un menteur, un intriguant qui essaye de se présenter comme un militant ouvrier alors qu’il n’est, en fait, qu’un petit patron fabriquant des meubles de luxe en France et en Serbie à Kovacevac près de Mladenovac. Pavluško Imširović  poursuit ainsi : « Pavlović essaye de toutes ses forces de ré-infiltrer le mouvement trotskiste yougoslave …». Dès le 13 septembre : « Radoslav Pavlović est un envoyé de Balazs Nagy (alias Michel Varga), un provocateur et un agent double de la CIA et le KGB ». Le 15 septembre il réitère ses accusations : « Balazs Nagy agent double notoire de la CIA et du KGB » … « La brochure « Provocation dans IV° Internationale » fournit des preuves irréfutables de la coopération de Balazs Nagy avec la CIA et le KGB » …. Puis Pavlović est décrit comme un « Petit provocateur de la police UDBA [C’est l’équivalent en Yougoslavie de la Gépéou, NDLR], boyscout et pique-assiette de la CIA et du KGB agent de Balazs Nagy, Radoslav Pavlović est un voleur qui effrontément vole ce que d'autres traduisent … »  Cette campagne se poursuivit  …

Le 3 mai 2013, Raymond Clavier, Janos Borovi, Cliff Slaughter, Núria et Jonas Nilsson ; Elise Languin et Simon Pirani  entamèrent une campagne auprès des sites internet qui publièrent  leur déclaration qui dénonçait ces calomnies et appelait les militants ouvrier de l’Ex-Yougoslavie à les condamner. Ce fut un demi-succès : car si Imširović fut banni des sites internet, il en fut de même pour Pavlović, qui dut attendre encore 4 ans pour « rentrer » au pays. 

En France, l’affaire Varga n’est pas non plus finie.

En France, si vous allez à la librairie de la Selio (librairie de l’OCI qui aujourd’hui est celle du POI) qui se situe au 87 Rue du Faubourg Saint-Denis, 75010 à Paris, après avoir franchi le portail d’entrée vous traversez une petite cour puis après avoir dit au garde du POI que vous désirez vous rendre à la librairie, il vous laisse passer et à gauche, franchissant une porte vous entrez enfin dans le local de la Selio. Si vous regardez le mur juste devant vous vous pouvez apercevoir bien, exposé, le petit livre vert intitulé « Documents de l’Organisation Communiste Internationaliste (OCI), N°2, Paris, 1973, édition Selio, (supplément à Informations Ouvrière n° 647 du 6 février 1974), Première édition 1974, deuxième édition 1978 ». Ces calomnies staliniennes sont toujours le signe de fabrique stalinien de l’OCI.

L’avenir appartient à ceux qui caractériseront les calomnies de l’OCI : Seule la vérité est révolutionnaire.

Les Calomnies contre Michel Varga et ceux qui l’ont suivi sont des calomnies staliniennes, le service d’ordre de l’OCI et les exclusions doivent être caractérisés par le terme stalinien.

Il est grand temps que les militants trotskistes de toutes tendances, les militants sincères de l’OCI (le POI et le POId aujourd’hui) doivent affronter ce lourd passé et que la vérité se fasse sur tous ces points oubliés. Trotsky ne disait-il pas que seule la vérité est révolutionnaire ?

Berg quant à lui se tient coi, il préfère se taire sur tous les sujets qui pourraient lui porter ombrage. Laissons Jacques Kirsner, un militant du passé, dans sa tentative de se refaire une nouvelle virginité.

Raymond Clavier

[1] Le Programme commun est un programme de réforme, adopté le 27 juin 1972 par le PS, le PCF certains radicaux (Robert Fabre au nom des radicaux de gauche).

[2] « Tendances ? Chez nous ? Non ! Vous rigolez ? Même au niveau local ?En tout cas à l'intérieur de l'OCI: non ! Ce n'était pas possible ! Il y en a un qui a voulu faire ça et il s'est fait virer manu militari. » : Vera Daniels milite à l’AJS puis à l’OCI de 1972 à 1993, en province à Lyon  étudiante, puis psychologue clinicienne, témoigne dans : Karim Landais : « De l’O.C.I. au Parti des travailleurs », éditions Ni patri ni frontières, 2ième édition, 2013, p. 342 – 345. § 6. L’affaire Varga, un « désaccord » passé inaperçu.

[3] Documents de l’Organisation Communiste Internationaliste (OCI), N°2, Paris, 1973, édition Selio, (supplément à Informations Ouvrière n° 647 du 6 février 1974), Première édition 1974, deuxième édition 1978.

[4] Karim Landais : « De l’O.C.I. au Parti des travailleurs », éditions Ni patri ni frontières, 2ième édition, 2013, p. 292-294. Entretien avec Jacques Kirsner, ex-Charles Berg milite à Paris et sa banlieue Militant AJS et OCI (1963-1979). Entretien réalisé à Paris, en mars 2004 : «  Ça débute au mois d'août, je suis dans les camps de l'AJS : Lambert m'appelle en me disant : «Il y a des problèmes graves avec Balazs.» Je lui dis : « C'est du délire, pépère» Et Stéphane Just m'appelle derrière en me disant : «Est-ce que Lambert t'a prévenu ? — Oui, mais qu'est-ce que c'est que cette histoire avec Balazs ? Il est fou.» Au début, personne ne parle de l'exclure ! « II s'agit de divergences extrêmement graves, de trucs, de méthodes... de liens curieux. » Donc Stéphane Just, Claude Chisserey et moi sommes très réservés ! Puis Lambert convainc Stéphane que Balazs est un agent de la... CIA et de la GUEPEOU (!) et Stéphane Just rédige une brochure. Stéphane va mettre trois semaines à nous convaincre, nous. Quand on est convaincus, comme toujours dans ces histoires bureaucratiques, on fait appliquer la ligne avec d'autant plus de rigueur qu'on a eu du mal à être convaincu. »

[5] Karim Landais : « De l’O.C.I. au Parti des travailleurs », éditions Ni patrie ni frontières, 2ième édition, 2013, p. 207-208. Entretien avec Pierre Broué, Scali militant OCI, 1945-1998, p. 179-213, Saint-Martin-d'Hères, jeudi 26 février 2004.

[6] Voir le Livre Blanc.

[7] OCI Rapport d’activité sur le travail à l’Est 10 mai 1974, par Broué, § B. La Yougoslavie.

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