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Billet de blog 11 mai 2023

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Un proche de Marine Le Pen appelle à des violences contre un journaliste de Mediapart

Proche de Marine Le Pen, actionnaire de l’agence qui a assuré sa communication lors de la présidentielle de 2022, Frédéric Chatillon a appelé à des violences contre Joseph Confavreux alors en reportage à Rome. Nous avons signalé à la justice ces faits qui s’ajoutent à d’autres menaces récentes de l’extrême droite contre Mediapart.

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Journaliste à Mediapart depuis 2011, Joseph Confavreux a effectué début mai une série de reportages en Italie sur les six premiers mois au pouvoir de la première ministre d’extrême droite Giorgia Meloni et de son parti Fratelli d’Italia (les lire ici). Dans le cadre de cette activité professionnelle, il s’est entretenu à Rome, mercredi 3 mai, avec un membre du Blocco Studentesco, le mouvement de jeunesse du parti néofasciste CasaPound. Le rendez-vous avait été fixé par son interlocuteur au café Carré Monti, connu pour être fréquenté par l’extrême droite, dont le propriétaire est un Français (lire sur Mediapart ici et ).

Tel est le contexte dans lequel son image a été frauduleusement captée sans son accord pour être ensuite utilisée et diffusée par Frédéric Chatillon. Ancien chef du GUD, ami de Marine Le Pen depuis leurs années d’université, Frédéric Chatillon en est toujours très proche : il a joué un rôle central dans la campagne de la candidate du Rassemblement national lors de la présidentielle de 2022, assurant toute sa communication numérique via l’agence e-Politic dont sa holding est actionnaire (lire l’article de Christophe Gueugneau et Marine Turchi).

Le 3 mai 2023, Frédéric Chatillon a publié sur son compte Instagram « fredchatillon » suivi par 1 606 personnes la photographie de Joseph Confavreux au café Carré Monti dans la mise en scène ci-dessous, accompagnée de la légende suivante : « Attention. Alerte aux cafards ! Ce “journaliste” de Mediapart traîne ses guenilles dans Rome. 1 000 euros de prime pour celui qui me rapporte son slip. » Diffusé sous forme de « story » sur la messagerie, ce message était accompagné d’un thème musical extrait du Parrain qui, dans le film de Francis Ford Coppola, précède un règlement de compte meurtrier (image ci-dessous).

Illustration 1
Sur le compte Instagram de Frédéric Chatillon le 3 mai 2023

Cet appel à des actes de violences contre un journaliste a été diffusé au-delà des 1 606 abonnés au compte Instagram de Frédéric Chatillon. Une autre journaliste de Mediapart en a été destinataire : toujours le 3 mai, Marine Turchi, qui suit régulièrement la galaxie politique de Marine Le Pen, a reçu par message privé sur Twitter une copie de la publication de Frédéric Chatillon, envoyée sous forme d’avertissement par un sympathisant d’extrême droite. Avant de quitter Rome, Joseph Confavreux a alerté par courriel l’ambassade de France en Italie des menaces qui pesaient sur son intégrité physique, courriel qui n’a fait l’objet que d’un accusé de réception tardif et lapidaire.

Vendredi 5 mai, les avocats de Mediapart, Mes Emmanuel Tordjman et Olivia Levy du cabinet Seattle, ont déposé un signalement des faits de provocation à la haine et à la violence dont notre journaliste avait fait l’objet. Ce signalement a été effectué auprès de la procureure responsable du Pôle national de lutte contre la haine en ligne, avec copie à la procureure de la République de Paris, Laure Beccuau.

Soulignant la multiplication de menaces de mort et de provocations à la violence dont font l’objet Mediapart et son équipe, nos avocats s’inquiètent, dans ce courrier à la justice, d’une « prolifération particulièrement inquiétante ». De fait, la même semaine que l’appel à la violence de Frédéric Chatillon, un autre journaliste de Mediapart, David Perrotin, fut harcelé, ciblé et menacé en ligne par une meute d’extrême droite menée par le leader identitaire Damien Rieu, pour avoir relayé notre enquête sur la multiplication des attaques contre des mosquées (la lire ici).

Quant au photoreporter Yann Castanier, qui couvrait pour Mediapart la manifestation néofasciste parisienne du 6 mai, il fut intimidé et menacé à plusieurs reprises, au point de devoir être protégé par les policiers pour poursuivre son travail. Mediapart a, depuis, révélé que deux anciens trésoriers du microparti de Marine Le Pen, Axel Loustau et Olivier Duguet, appartenant au même cercle amical et militant que Frédéric Chatillon, étaient présents à cette parade de l’extrême droite la plus violente (lire notre reportage).

Visant un journal indépendant dont les engagements démocratiques sont notoires, ces faits s’inscrivent dans le contexte général de libération des haines et d’accélération des violences d’extrême droite qui vient de conduire le maire de Saint-Brévin à annoncer sa démission et son départ de la ville (lire ici), après avoir été leur cible à propos de l’accueil des migrants. À travers son directeur, Mediapart a d’ailleurs fait l’objet de menaces de mort explicites et répétées, fin janvier, après un reportage de Nejma Brahim sur la mobilisation xénophobe et raciste contre l’accueil des migrants à Callac, en Bretagne (image ci-dessous)

Illustration 2
Menaces de mort contre le directeur de Mediapart (janvier 2023)

Appelant la justice à ordonner une enquête préliminaire sur les faits dont Joseph Confavreux a été la cible, le courrier de nos avocats aux procureures de la République concernées se conclut ainsi : « Il est indispensable à la préservation de la liberté de la presse et de la sécurité des journalistes, qui en sont les premiers acteurs, que soient engagées les mesures nécessaires afin de mettre un terme à ces comportements, et ce avant qu’un drame ne soit à déplorer. Il convient donc que la réaction de l’autorité judiciaire soit à la hauteur de la profusion de ces comportements haineux. »

À l’heure où ce billet est mis en ligne nous ne connaissons pas encore la réponse des autorités judiciaires.