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Billet de blog 15 septembre 2014

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Un livre à contre-courant

Pour les musulmans, comme l’on dirait « Pour les minorités » ou « Pour la France », dans le souci du monde et des autres, du peuple et de la justice. Tel est le propos de mon dernier livre, en librairie jeudi prochain (sa présentation sur le site des éditions La Découverte), qui prend le parti de nos compatriotes d’origine, de culture ou de croyance musulmanes contre ceux qui les érigent en boucs émissaires de nos inquiétudes et de nos incertitudes.

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Pour les musulmans, comme l’on dirait « Pour les minorités » ou « Pour la France », dans le souci du monde et des autres, du peuple et de la justice. Tel est le propos de mon dernier livre, en librairie jeudi prochain (sa présentation sur le site des éditions La Découverte), qui prend le parti de nos compatriotes d’origine, de culture ou de croyance musulmanes contre ceux qui les érigent en boucs émissaires de nos inquiétudes et de nos incertitudes.

Sous l’amicale pression de Hugues Jallon, nouveau directeur des éditions La Découverte, je prolonge et m’efforce d’approfondir avec ce livre le propos initial d’un article de Mediapart, mis en ligne le 18 août 2013 sous le même intitulé (le retrouver ici).

C’est à la fois un cri d’alarme et un geste de solidarité. Alarme face à la banalisation bienséante, intellectuelle ou médiatique, d’un discours semblable à celui qui, avant la catastrophe européenne, affirmait l’existence d’un « problème juif » en France. Solidarité avec des compatriotes que notre indifférence et nos silences laissent à leur solitude sous le poids de cette stigmatisation en paroles qui, souvent, est aussi une discrimination en actes.

Ce livre porte surtout la proposition d’un nouvel imaginaire politique français capable de transformer nos origines multiples, notre pluralité culturelle et notre diversité religieuse en chance et en force pour mieux affronter les désordres du monde et y apporter des solutions, plutôt que d’y ajouter du malheur. Ainsi on y trouvera divers retours, notamment sur la question de la laïcité et sur celle du colonialisme.

Volontairement à contre-courant, c’est un essai fait pour provoquer – et, si possible, rehausser – le débat, loin des anathèmes, des peurs et des haines. J’espère qu’il y parviendra.

Pour les musulmans est en vente cette semaine en librairie et sur Internet, à partir du jeudi 18 septembre (12 euros, 136 pages). Un débat est organisé le jour de sa sortie à l’Institut du Monde Arabe à Paris, à 18 h 30, animé par notre confrère Denis Sieffert de Politis, où je dialoguerai avec Elias Sanbar, ambassadeur de la Palestine à l’Unesco (toutes les précisions sont ici).

Pour suivre les autres événements ou rencontres organisés autour du livre, le mieux est de consulter le site des éditions La Découverte (c’est là).

Enfin, pour vous donner envie d’aller y voir, voici un court extrait des pages 101-102 et 127-129, précédé de la vidéo de mon passage sur RMC et BFM ce lundi 15 septembre, face aux questions de Jean-Jacques Bourdin.

Sous toutes les latitudes, le sort fait aux minorités dit l’état moral d’une société. Aussi ai-je écrit ce Pour les musulmans de France en ne doutant pas qu’ailleurs, dans des pays où la culture musulmane domine, d’autres Pour s’écriront, en défense d’autres minorités, chrétiennes, juives, agnostiques, animistes, sans religion, non croyantes, voire issues de l’islam lui-même, des sunnites prenant le parti des chiites, et inversement. Au-delà de mon pays, j’écris donc contre cette guerre des mondes dans laquelle on veut entraîner les peuples en fabriquant des haines identitaires dont la religion est l’alibi.

Mais je suis en France, j’y vis, j’y travaille, et c’est ici même que, pour nous, se joue ce sursaut des consciences. Jamais les crimes commis par de prétendus musulmans ayant eux-mêmes sombré dans ces guerres sans fin ne justifieront qu’en retour, nous persécutions les musulmans de France. Jamais des dérives individuelles ou des conflits lointains n’autoriseront que, dans notre pays, on en vienne à assimiler en bloc des hommes, des femmes et des enfants à un péril qui menacerait l’intégrité, voire la pureté de notre communauté nationale, au prétexte de leur foi, de leur croyance, de leur religion, de leur origine, de leur culture, de leur appartenance ou de leur apparence. (...)

Notre empathie a trop longtemps fait défaut. Aux musulmans, aux Arabes, aux juifs, aux Noirs, aux Roms et aux Tziganes, etc. : à tous ceux qui, successivement ou en même temps, sont les victimes de cette idéologie barbare des civilisations supérieures contre des peuples maudits qui rôde de nouveau parmi nous. C’est dans l’espoir de rattraper ce retard que j’ai voulu lui opposer, ici, l’expérience du monde, du divers et du pluriel, qui a fait de nous des Français.

J’en suis un, parmi des millions d’autres, et je n’ai d’autre titre que celui-là pour justifier ce livre. Celui d’un Français qui ne se réduit pas à son origine. Né en Bretagne, de parents bretons, l’un élevé catholique, l’autre élevée protestante, je n’ai pas été baptisé. J’ai grandi outre-mer jusqu’à l’âge de dix-huit ans, loin de la France hexagonale, en Martinique puis en Algérie (après l’indépendance) qui sont, en vérité, mes vrais pays d’enfance et d’adolescence, mes patries de jeunesse.

J’ai donc été façonné par une diversité de cultures (bretonne, antillaise, créole, caraïbe, maghrébine, arabe, berbère, française, etc.) où se jouent diverses influences spirituelles (catholicisme, protestantisme, vaudou ou quimbois, islam, etc.) jusqu’à celle, d’un judaïsme diasporique, que m’a apportée la famille construite avec ma compagne, issue de l’immigration juive d’Europe centrale. Sans compter, évidemment, l’éducation républicaine transmise par des parents profondément attachés à l’école laïque.

Bref, je suis a-religieux, sans goût pour la transcendance mais sans obsession maladive vis- à-vis de ceux pour qui elle importe. Et ceci d’autant moins que ma génération, celle qui est née après les catastrophes mondiales de la première moitié du XXe siècle, a appris que les civilisations qui se réclament de la raison, voire du refus de Dieu, peuvent aussi bien céder à la déraison collective jusqu’à commettre de redoutables folies criminelles.

Je suis donc seulement soucieux du royaume immédiat dont nous avons tous la charge, au présent, que l’on croie au ciel ou que l’on s’y refuse : ce monde commun qu’il nous revient de construire tous ensemble, et non pas de détruire en sombrant dans la guerre de tous contre tous. Ce monde si fragile et si incertain dont les divinités secrètes se nomment la beauté et la bonté. C’est en leur nom qu’il faut dire non à l’ombre qui approche, par la solidarité concrète avec celles et ceux qu’elle menace. Au premier chef desquels, nos compatriotes d’origine, de culture ou de croyance musulmanes.

AJOUT le 18 septembre 2014, deux vidéos : celle de ma conférence sur ce livre à la Société Louise Michel, tenue à Paris, au Lieu Dit, mardi 16 septembre ; celle de mon interview par Léa Salamé sur France Inter jeudi matin18 septembre.

AJOUT le 29 décembre 2014, la vidéo de la présentation du livre à l'Institut du Monde Arabe (IMA) à Paris, le 18 septembre, dans un dialogue avec Elias Sanbar, ambassadeur de la Palestine à l'UNESCO.

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