Quinze ans après son lancement le 16 mars 2008, Mediapart confirme sa place à part dans le paysage médiatique, comme je l’ai expliqué en introduction de notre conférence de presse annuelle, tenue mardi 14 mars dans nos locaux parisiens (voir la vidéo ci-dessus).
À part, notre journal l’est par sa réussite exceptionnelle. En quinze ans, il a réussi à se placer, par son nombre d’abonné·es numériques (plus de 200 000 depuis trois ans déjà), dans le quinté de tête de la presse française où figurent Le Monde, L’Équipe, Le Figaro et Que choisir. Si on en enlève ce magazine spécialisé et le quotidien sportif, Mediapart est dans le trio de tête de son secteur, la presse quotidienne d’information politique et générale, dont les ventes imprimées sont désormais résiduelles (lire l’article de Laurent Mauduit). C’est de plus une réussite sans aucun artifice car, à la différence de nos deux concurrents (Le Monde et Le Figaro), tous nos abonnements se font en direct et sans intermédiaire, sans aucun accord de commercialisation avec des partenaires, plateformes digitales ou opérateurs téléphoniques.

Reposant sur un modèle économique vertueux, qui ne compte que sur la fidélité de ses lectrices et lecteurs, sans aucune autre contribution – ni recette publicitaire, ni subvention étatique, ni actionnariat privé –, cette place à part de Mediapart a été renforcée par la sanctuarisation de son indépendance, garantie par le Fonds pour une presse libre (découvrir le site du FPL), structure à but non lucratif au service de l’intérêt général. Grâce à une rentabilité solide, que les résultats de l’année 2022 ont confirmé malgré un contexte plus défavorable pour toute la presse, Mediapart a pu faire en sorte que l’emprunt contracté lors de cette opération soit totalement remboursé bien avant son échéance.
C’est donc un journal en bonne santé dont, en s’éloignant progressivement, les cofondateurs confient les rênes à une nouvelle équipe dirigeante. Stéphane Alliès et Carine Fouteau ont depuis 2018 pris le relais de François Bonnet, parti présider le Fonds pour une presse libre. Fabrice Arfi a succédé au sein de notre Conseil d’administration à Laurent Mauduit qui a pris sa retraite l’an passé. Et, cette année, Marie-Hélène Smiéjan, sans laquelle les journalistes que nous sommes n’auraient jamais pu ni su construire une entreprise viable et durable, cède sa place à Cécile Sourd qui devient notre nouvelle directrice générale. Âgée de 41 ans, elle travaille à Mediapart depuis cinq ans, occupant la fonction de directrice administrative et financière. Auparavant, elle a occupé, durant une décennie, des fonctions de directrice de cabinet dans des villes de banlieue parisienne et lyonnaise, après des études d’histoire et de science politique.
C’est donc tout naturellement Cécile Sourd qui a présenté, lors de notre conférence de presse, les comptes, chiffres et résultats de Mediapart en 2022. En résumé, ils sont toujours positifs avec 210 589 abonné·es, 21,2 millions de chiffre d’affaires, 3,7 millions de résultat courant et 2,6 millions de résultat net (soit 12% du CA).

Tout est détaillé dans la brochure que vous pouvez télécharger ici
Le carnet des 15 ans de Mediapart (pdf, 7.2 MB)Vous y trouverez notamment toutes les données disponibles sur la politique sociale de Mediapart qui compte 139 salarié·es (72 femmes et 67 hommes) dont 73 journalistes. L’écart entre le plus haut salaire et le plus bas salaire de l’entreprise est de 3,37 ; l’inflation est appliquée sur l’ensemble des salaires depuis dix ans (+ 6,2% en janvier 2023) ; notre note à l’indicateur d’égalité professionnelle femme-homme est de 100/100.
En cohérence avec cet exercice de transparence unique parmi les médias en France, l’équipe de Mediapart a décidé d’aller à la rencontre de son public durant toute l’année 2023, en organisant quinze événements dans quinze villes différentes pour célébrer nos quinze ans. Cette tournée commence à Paris, au CentQuatre, le samedi 25 mars et se terminera à Bruxelles en décembre.

Pour terminer, voici des mots écrits il y a cinquante-cinq ans qui semblent l’avoir été aujourd’hui même pour saluer les quinze années de bons et loyaux services de Mediapart au bénéfice de l’intérêt général, par son journalisme de révélation et d’impact. Préfaçant en 1968 un livre de Jean Schwœbel sur La Presse, le Pouvoir et l’Argent, le philosophe Paul Ricœur notait que la lutte des journalistes pour leur indépendance « est un combat avec et contre le reste des mass media ».
« Ceux-ci, ajoutait-il, ont deux pentes : descendante et montante. La pente descendante, c’est celle de la presse commercialisée, pour qui l’information est une marchandise. Soumise aux impératifs de la publicité et des gros tirages, livrée à la recherche du sensationnel, elle amplifie les préjugés et les haines, et entretient l’égoïsme collectif des nations nanties, le chauvinisme instinctif et le racisme latent de la population. La presse de qualité est alors responsable non seulement d’informer sur les faits et les événements, mais encore de “parler contre” les préjugés de la foule. Ce que le public doit réclamer, ce dont il doit avoir l’appétit, c’est d’une presse qui résiste à cette pesanteur des mass media et lutte contre la tentation de manipuler, de dégrader, et parfois d’avilir, qui est celle de la presse commercialisée. »
Le constat est plus vrai que jamais. De médias de masse, radios et télévisions en accès libre et continu, à des réseaux sociaux numériques, où se déploie un anonymat irresponsable, nous sommes désormais confrontés à l’avènement d’une démocratie d’opinions qui est le contraire d’une démocratie informée, respectueuse d’elle-même et consciente de sa fragilité. La liberté de parole, de tout dire, y compris le pire et l’abject, y est même devenue l’alibi de la libération du racisme, cheval de Troie d’une négation générale de cette égalité des droits qui est au principe premier d’une culture démocratique – sans distinction d’origine, de condition, de croyance, d’apparence, de sexe ou de genre.
Radicalement démocratique par ses valeurs, le journalisme que, depuis 2008, illustre, promeut et défend Mediapart se situe à l’opposé. C’est ce que nous entendons rappeler en 2023 à l’occasion de ce quinzième anniversaire, en communiquant sur le thème « Sans nous, vous ne l’auriez pas su » pour rappeler combien nos enquêtes ont révélé et continuent de révéler des réalités qui, sinon, seraient restées enfouies, cachées ou étouffées.

Cette audace collective repose sur une seule ressource : le soutien de nos abonné·es qui ne s’est jamais démenti (si vous ne l’êtes pas encore, cela se passe ici). Grâce à leur nombre et à leur fidélité, Mediapart a les moyens de son indépendance, sans jamais céder aux facilités qui, ailleurs, la corrompent – par la propriété du capital, les subventions de l’État, la dépendance des publicitaires ou les aides des plateformes numériques.
Soyez-en chaleureusement remercié·es au nom de toutes celles et de tous ceux qui, quotidiennement, font ce journal.