Une amie m’a dit : vas-y, c’est obligé. Va voir les Suppliques. C’est un spectacle à voir, c’est une claque. Je ne suis jamais allée au ZEF, à Marseille, alors, j’appréhende toujours les nouveaux lieux. Quand ont est en fauteuil roulant, on sait qu’on risque d’avoir des (mauvaises) surprises.
Je décide malgré tout d’y aller. Je regarde sur Internet : le théâtre est accessible mais ne parle pas de possibilité de parking accessible. J’appelle donc ce théâtre, scène nationale, implanté dans les quartiers nord, qui a programmé un spectacle engagé.
Ils m’expliquent que, en effet, le parking du théâtre n’a pas d’ascenseur, qu’il faut faire le tour du bâtiment, qu’un lampadaire au milieu du trottoir pose problème, que le terrain est pentu. Je leur demande alors si je peux garer ma voiture (oui, quand on est en fauteuil, on peut conduire et se déplacer seule). Ils demandent à un responsable qui accepte. Cool.
Se déplacer en fauteuil roulant demande toute une logistique. Cette fois-ci, j’ai eu affaire à des gens sympas qui ont pallié les manquements de l’accessibilité du théâtre. Cool.
Un quart d’heure après, je reçois un appel : « ça ne va pas être possible, malheureusement. En fait, c’est un spectacle en bi

frontal et il y a des problèmes de sécurité pour évacuer « un fauteuil ». Ah, ça, la sé-cu-ri-té. Imparable ! On peut nous exclure de partout pour des raisons de sécurité mais le choix de mise en scène, merde, c’est vrai que je n’y avais pas pensé ! Est-ce le choix de mise en scène, est-ce cette mise en scène dans ce théâtre ? Quoi qu’il en soit, l’inclusion c’est ça : la possibilité d’être inclus et celle d’être exclus.
"Désolés, c'était pas précisé ?".
Le handicap, c’est l’interaction entre un corps non normé et un environnement et l’inclusion est toujours possible, oui, dès lors que nos corps non normés ne posent pas de problème à un environnement normé (pour valides) ou ne posent pas des problèmes de sécurité (aux normes valides) dans les environnements.
Penser des mises en scènes pour des corps normés et non pas pour la diversité des corps est un choix.
Penser des environnements accessibles à des corps normés et non pas à la diversité des corps est un choix.
Concevoir des normes de sécurité applicables seulement à des corps normés et non pas à la diversité des corps est un choix.
Nos corps ne sont pas un problème, ce sont vos choix qui sont problématiques. Et vos choix sont politiques.
Ne vous vantez plus de vos lieux « inclusifs ». Nous n’avons pas de reconnaissance à avoir, ce d’autant plus qu’ils nous proposent un accès par intermittence, toujours bancal. C'est le propre des pratiques inclusives, hélas: elles donnent le choix au dominant d'inclure, parfois. Elles prévoient une place pour tous mais ils prévoient aussi que tous soient à leur place: la nôtre ne va jamais de soi, la nôtre est toujours éjectable.
Description d'image: un militaire est assis sur son siège éjectable après avoir été éjecté d'un avion. On oit de la fumée sur un ciel bleu. Il porte un casque blanc. On ne distingue pas son visage.