Elena Chamorro

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Billet de blog 8 avril 2024

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Il y a exactement trente ans, je suis devenue « handicapée » aux yeux de la société. J’ai passé onze mois après mon accident dans un centre de rééducation.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

                                                                                                                                    Le 3 avril 2024.

Une fois, on a fait une sortie. On est allés voir je ne sais plus quoi, je ne sais plus où mais il y avait ces personnes qu’on appelle « lourdement handicapées ». C’était de vraies handicapés.

Quand je suis rentrée au centre, on m’a demandé : « c’était comment le « regard » ? J’étais censée avoir affronté le «regard » sur moi, handicapée. Je leur ai dit : « je ne suis pas comme eux, moi. Moi,  j’ai eu un accident » Cela a fait rire une aide-soignante.

Quand j’ai entendu pour la première fois que « handicapée » était une identité, cela m’a profondément agacée.

Dans le centre de rééducation, lieu de transition identitaire, on nous répétait sans cesse « il faut faire le deuil de votre vie d’avant ». Cela voulait dire « il faut faire le deuil des randonnées, des marathons, des footings… ? ». C’est tout du moins ce que je comprenais. Je n’ai jamais compris, en revanche, le pourquoi de ce mot :« deuil », qui renvoyait à la mort alors que j’ai toujours inscrit mon accident dans une continuité, dans la vie.

À trente ans de ce moment de bascule  ce que j’ai compris, en revanche,  c’est que, comme le dit Paul B. Preciado dans son merveilleux film Orlando, une biographie politique,  j’ai  changé  "d’avenir, pas de personnalité ", d’avenir, pas d’essence.  Et s’il y a un deuil que j’ai dû faire, c’est celui de mes droits et c’est ce deuil que je partage avec celles et ceux que l’on regroupe sous la même catégorie administrative que moi. C’est cela que la communauté des personnes handicapées a en partage : la déchéance des droits dans mon cas, le déni de nos droits pour nous toustes.

C’est cela qui fonde notre identité collective.

Je peux dire que je pense être à présent bien moins conne que je ne l’étais il y a trente ans et que je suis fière à présent d’appartenir à la communauté handie : celle qui se bat pour son émancipation. Pour certainEs, c’est une conquête, pour moi une reconquête.  Je suis comme eux et elles.

Illustration 1

Description d'image: Une femme brune, blanche, type méditerranéen, la vingtaine, cheveux mi-longs, avec une frange. Elle est accroupie, regarde devant elle. Son bras gauche est posé sur sa jambe. Elle est devant un plan d’eau,. On aperçoit des palmiers au loin. Elle est vêtue d’un chemisier foncé sans manches, d’un jean clair et de baskets en toile. Elle a un sac sur son épaule droite.

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