Le réalisateur dit que son film interroge l’engagement citoyen envers ceux qui ne peuvent pas travailler parce qu’ils ont des incapacités physiques ou mentales. La réalité des demandeurs d’allocations d’un centre d’aide social new-yorkais dans les années 70 est donnée à voir. Un débat sur l’engagement citoyen est posé par le film. Le public qui regarde touche des allocations ? Le public qui regarde décide de qui doit toucher des allocations ?
Je fais la queue. Je vais voir le film de Wiseman. Comme à chaque fois que je vais à la bibliothèque Méjanes, je dois mener mon enquête pour savoir qui aura la clé des toilettes pour ceux qui ont des incapacités physiques. Ces toilettes-là sont fermées à clé, comme dans tant d'autres lieux publics. La clé est d’habitude à l’accueil. L’accueil est souvent fermé lorsque les événements qui ont cours à la bibliothèque finissent tard.
Les demandeurs d’aides sont baladés d’un centre d’aide à l’autre. Ce n’est pas nous. Votre dossier a été transféré à Broadway. Ce n’est pas nous qui gérons. Allez là-bas. Mais j’en viens ! Ils m’ont envoyé ici. Désolé, nous ne pouvons rien faire. Je fais comment pour manger aujourd’hui ? Qui a le chèque ?
Une femme m’aperçoit dans la queue. Elle me fait de grands signes. Voulez-vous passer devant ? Valide savior. Non, j'aurais demandé si j'avais voulu, merci. Je la vois entrer dans une petite pièce. Excusez-moi, vous travaillez ici ? Oui, je suis la directrice. Je voulais savoir si vous pouvez laisser les toilettes pour personnes handicapées ouvertes, comme les autres, d’ailleurs. Ce n’est pas moi qui gère. Je suis la directrice de l’Institut de l’image. C’est la Méjanes qui s’occupe des toilettes. Il faut voir à l’accueil.
Je sais, je n'y peux rien; je suis d'accord avec vous mais il y a des SDF qui s’y installent. Nous l'avons signalé mais les toilettes ont été dégradées. Il faut qu’elles restent propres. Propres et fermées? Vous viendrait-il à l’esprit de fermer les autres toilettes en brandissant ces arguments ?
Je vais entrer dans la salle. Une femme travaillant visiblement à la bibliothèque m’approche. Je vous suggère de faire un courrier. J’ai fait un courrier il y a cinq ans, j'ai interpellé la direction via twitter. Vous rendez inaccessibles des équipements censés être accessibles. Vous ne faites par là que démontrer la gestion validiste de vos équipements : contrôle, paternalisme, protection, domination. Ce n’est pas moi, faites un courrier. Un courrier pour pisser ?
M. Hirsh est un déclassé. Il vole pour manger. Il clôt le film avec un discours politisé. Il y a les riches et les pauvres. Entre les deux, il n’y a rien. Son discours est politisé. Lui est résigné. Le film est fini. Le gars qui était au guichet discute dans la salle. J’attends. Certains, dans le public, partent, vont aux toilettes. Le gars du guichet m’accompagne. Vous avez raison. Il m’ouvre la porte des toilettes. La lumière est en panne depuis des mois. C’est pas nous qui gérons. Je sors. Il referme. Vous avez raison.
Il y a ceux qui doivent demander la clé. Il y a ceux qui n’ont pas besoin de demander la clé. Quel engagement citoyen contre ceux qui veulent garder les clés, Institut de l'image ? Quel engagement: donner à voir des réalités qui vous sont étrangères ? Quel engagement citoyen pour que l’espace public n’appartienne qu’à ceux qui n’ont pas des incapacités physiques ou cognitives ou mentales ? Qui pose les débats ? Qui décide ? Qui a la clé ?
P.S. Description d'image: panneau pour des toilettes picto d'un homme, d'une femme, barre de séparation, symbole de personne dégenrée, sur un fauteuil roulant. Le tout sur fond bleu.