Chroniques de la femme assise. Validisme ordinaire
La scénariste :
Hôpital Nord, Marseille.
J’arrive à l’accueil de la consultation.
Le guichet est trop haut pour qu’on me voie mais la porte est ouverte.
Une femme blonde, ronde, la quarantaine, avec une polaire rose, des crocs, jambes allongées et portable à la main est derrière une table. Elle ne m’aperçoit pas ou, peut-être elle m’aperçoit mais elle ne décolle pas la vue de son portable.
Sur le côté, une femme un peu plus âgée, tape à l’ordinateur.
Je dis bonjour mais elle, non plus, ne décolle pas la vue de son écran
Je reste là, postée devant la porte lorsqu’une aide -soignante arrive et demande :
- Que voulez-vous Madame ?
- Je viens en consultation.
La dame qui tapait à l’ordinateur lève enfin les yeux et demande à la soignante :-
- Elle est accompagnée ?
- Non, elle n’est pas accompagnée et elle parle, dis-je.
- Bon, si l’ambulancier n’a pas fait les étiquettes, je vais les faire ici. Ne vous inquiétez pas.
- Il n’y a pas d’ambulancier, Madame. Je suis venue avec ma voiture
Moralité : le validiste a des scénarii tout prêts pour nous et de faibles expectatives sur nos personnes.
Chroniques de la femme assise. Validisme ordinaire.
Le placeur :
Je fais la queue pour acheter un ticket de cinéma. Il y avait deux personnes devant moi.
Un gars qui travaille là vient et me dit :
- Venez, passez devant.
Je le remercie et lui dis que je vais attendre.
- Mais le monsieur derrière vous m’a engueulé, dit-il
- Et oui, dit le monsieur derrière moi. Les handicapés, il faut les laisser passer avant les autres. C’est comme ça. Passez devant.
- Faites passer le monsieur devant moi, dis-je au gars du cinéma. Il faut laisser la priorité aux personnes âgées.
Le monsieur derrière moi répond qu’il n’est pas si âgé que ça.
- Ah si, lui dis-je. Je vous trouve très âgé. Il faut passer devant. Allez- y. C’est comme ça.
Moralité : ce qu’on appelle « validisme bienveillant » n’a rien de bienveillant et ne part pas d’une bonne intention. C’est juste l’une des formes que prend la domination.
Description d'image: Une femme brune cheveux mi-longs en fauteuil. Dessin au crayon. De sa bouche s'échappent des coeurs. La roue de son fauteuil forme le O du mot Olé ( les lettres LE son écrites sur sa robe). Elle a un bras allongé le long du corps et l'autre plié au niveau de la ceinture dans une position évoquant une pose " flamenca".

Agrandissement : Illustration 1
