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Billet de blog 15 juillet 2023

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Le répit de la militante, le relais de l'alliée

Le validisme a la particularité de ne jamais laisser de répit à ses victimes.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les personnes vivant dans des appartements non adaptés à leur handicap le subissent même à domicile. C’est le cas aussi de celleux vivant dans des familles qui portent un regard infériorisant sur elleux ou de celleux qui emploient des aides humaines qui profitent de la situation de dépendance pour les maltraiter.

Ce n’est pas mon cas. Pas pour l’instant. Ma maison est une refuge, un espace safe. Quand je sors, en revanche, je dois être prête à tout moment à vivre une situation dans laquelle le validisme va s'exprimer dans l'interaction avec un.e inconnu.e, dans le geste d'un.e passant.e, au travers d'un problème d'accessibilité..... C’est fatigant, usant, même. Alors, des fois, je ne réagis pas, contrairement à ce que je faisais dans les premiers temps de mon cheminement de femme handicapée.

Hier, le validisme a porté son petit coup quotidien.

Je suis allée voir un spectacle dans un théâtre d’Avignon qui se prétend cool, ouvert, inclusif. J’ai aperçu les toilettes, non accessibles en fauteuil, et j’ai l'ai fait  remarquer à la personne qui m’ouvrait une porte permettant de contourner la marche présente dans l’accès normalement prévu pour le public. Elle m’a dit : «oui, on n’a pas fait des toilettes accessibles parce que le lieu est éphémère». J’ai répondu de façon très calme que je ne voyais pas l’incompatibilité entre le caractère éphémère et l’accessibilité.

Ce qui est curieux est que les personnes auxquelles on fait remarquer les situations d’exclusion, de discrimination, dont ils ne sont bien souvent pas directement responsables par ailleurs, réagissent en donnant des réponses plus absurdes les unes que les autres qui cherchent à justifier, voire à naturaliser l’exclusion. Souvent, ils répondent par un « on n’y pense pas » qui se veut un mea culpa sans aucune intention de réparation et qui est la réponse la plus violente qui soit : tu existes, on sait, mais on fait abstraction de toi. Tu es dans l’impensé, dans l’impensable parfois. Voilà.

Après le spectacle, j'ai donc quitté le théâtre et suis partie à la recherche de toilettes accessibles. Il a fallu que je m‘éloigne beaucoup et que je prenne un coup à boire puisque c’est dans un bar que je les ai trouvées. J’ai prévenu l' amie qui m’attendait au théâtre, où l'on devait assister à un deuxième spectacle, que je ne serais jamais à l’heure. Mon amie, qui pour les gens des théâtres devient mon accompagnatrice.

Mon amie est une alliée. Elle a pris son rôle d’Elena adjointe et exigé qu’on m’attende. Le spectacle n'a commencé que lorsque je suis revenue, vingt minutes après l’heure de début prévue.

Je me demande si le gérant du théâtre aurait réagi de la même façon si cela avait été moi qui avait exigé le report de l’heure du spectacle. Même si mon amie a menacé ce lieu cool et « inclusif » d’une publicité non désiré sur mon blog Médiapart, notre victoire d’un jour vient peut-être du fait que mon amie est du métier et que dans ce lieu, sa parole, contrairement à la mienne, n'est pas discrédité. Qui sait.

Quoi qu’il en soit, si j’ai subi hier, malgré tout, la charge mentale du validisme, le théâtre a subi aussi les conséquences de ses manquements.  C’est jouissif de ne pas les subir seule pour une fois. C’est cool aussi d’avoir le relais des alliéEs.

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