Elena Chamorro

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Billet de blog 16 novembre 2024

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No other land

J’ai vu hier No other land, le film documentaire de Yuval Abraham et de Basel Adra, militant palestinien qui lutte avec sa famille pour rester sur leurs terres parce qu’ils ne veulent pas d’autres terres, no other land, parce qu’il n’y a pas d’autre terre pour eux, no other land.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Yuval Abraham, journaliste israélien, le soutient dans son combat et ils s’interrogent tous deux sur la portée de leur acte de résistance, qui consiste notamment à filmer la destruction de  maisons à  Masafer Yatta, en Cisjordanie, par les soldats israéliens. À quoi bon filmer, témoigner, quelle est la portée de cette dénonciation  ?

En regardant, parce que chacun voit midi à sa porte, je ressens une empathie particulière pour Harun, le frère de Basel, que le tir d’un soldat israélien a rendu tétraplégique. Leur maison ayant été détruite par le soldats israéliens, la famille d’Harun s’est installée dans une grotte. Harun y vit allongé, ne tolérant d’être approché que par sa mère et par sa sœur.

En regardant, je pense au livre de Jasbir K. Puar, Le droit de mutiler, qui analyse comment l’affaiblissement, le handicap et la validité sont utilisés par les États pour contrôler les populations et qui décrit comment l’État israélien a transformé les Palestiniens en des êtres que l’on a le droit de mutiler.

En regardant, je me dis  qu'à Harun,  pour survivre, il lui faut du matériel de sondage, il lui faut un matelas anti-escarres, des antibiotiques…

Sa mère, désespérée du désespoir de son fils, implore sa mort, une mort qui le libérerait de ses souffrances. Elle parle des douleurs d’Harun. Je me dis, en regardant, que ça doit être des douleurs neurologiques que l’on ne peut pas soulager dans la grotte d' un village de Cisjordanie. Quand la vie est rendue invivable, la mort est libératrice.

Je pense, en regardant, à Crips for esims for Gaza, et je me dis que, peut-être, on pourrait  faire quelque chose pour envoyer du matériel à Harun.

Puis, le film évoque les évènements du 7 octobre 2023 et l’après et je me dis qu'il n'y a rien que l'on puisse envoyer et je pense en regardant:  à quoi ça sert de venir regarder ?

Harun meurt de la suite de ses blessures, entend-on dans le film.

Et je me dis, en regardant, qu’Harun a dû mourir dans sa grotte d’une septicémie provoquée par un escarre ou par une infection urinaire non soignés.

À quoi bon filmer, à quoi bon regarder ? Et pourtant, ce film est nécessaire et aller le regarder l’est tout autant.

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