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Billet de blog 22 décembre 2022

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Ce que la réplique de la grotte Cosquer dit de mes contemporains

Pedro Lima, auteur de La grotte Cosquer révélée, paru chez Synops en 2021, affirme que cette grotte est un trésor de notre humanité commune.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un trésor qui ne sera cependant révélé qu’à la partie de l’humanité perçue comme la plus commune : celle capable de se lever pour monter dans les voiturettes à six places qui manoeuvrent seules à 360° pour faire découvrir aux visiteur.e.s la réplique de la grotte.

L’aménagement du site a coûté 23 millions d’euros, dont 10 financés par la région PACA (financement auquel ont participé certains contribuables qui ne peuvent pas se lever pour monter dans les voiturettes).

Le chantier a été confié à l’architecte Corinne Vezzoni, médaillée d‘or de l’académie française d’architectures en 2020.

À la suite de la remise de son prix, l’architecte a déclaré :

" La ville doit prendre en compte nos besoins fondamentaux" ou encore "Il faut adapter la ville à l'homme, pas le contraire". 

Il faut croire qu’elle parlait uniquement de la ville et que sa maxime ne s’appliquait pas à la réplique de la grotte Cosquer dont le choix a été d’écarter de la visite le public pas assez valide, trop handicapé.

Le chantier de la grotte Cosquer est décrit comme un projet hors du commun qui a mobilisé de multiples corps de métiers. Pendant deux ans, entrepreneurs, charpentiers, géologues, plasticiens, ont mis en commun leurs savoirs et leurs talents pour reconstituer la grotte ornée. Aucun entrepreneur, en revanche, n’avait le savoir ni n’était assez talentueux pour relever le défi de rendre accessibles à des personnes en fauteuil les voiturettes choisies pour la visite ou d’imaginer un autre mode de visite accessible à tout public.

Sur le site web de la Grotte Cosquer, rubrique accessibilité, on lit :

« La visite de la grotte : elle dure 35 minutes et se déroule à bord d’un « module d’exploration » sorte de nacelle pouvant accueillir 6 personnes.

Seules les personnes en fauteuil roulant capables de se lever seules pour s’installer dans le wagonnet pourront accéder à cette partie de la visite ».

Mais, pas de mauvaise foi, n’allez pas croire qu’ils n’ont pas pensé au public « lourdement » handicapé : un espace ségrégué et un aménagement « raisonnable » ont été conçus pour lui :

« Cependant, un espace a été spécialement aménagé pour suivre la visite de la grotte sur écran accompagné de commentaires diffusés par casque en Français uniquement ».

Et ne croyez pas non plus que ce n’est pas faute d’avoir réfléchi à des solutions mais, hélàs, il faut faire avec les impossibilités techniques :

« Ce mode de visite inédit et la spécificité du bâtiment nous limite dans l’embarquement des fauteuils, ainsi que dans la mise en place d’un lève personne ».

Je ne saurai pas ce que la grotte Cosquer révèle de notre passé. Je sais, en revanche, c’est ce qu’elle révèle du présent :

- La domination validiste et son imposition d’une validité obligatoire qui fait que, plus on s’éloigne du corps et de l’esprit normatifs, plus elle exerce son pouvoir d’exclusion, à coups d'hypocrites dérogations, de fallacieuses impossibilités techniques, d'arbitraires normes de sécurité.

- La prégnance du modèle médical du handicap, qui fait de la personne handicapée le problème et naturalise l’exclusion.

- La prégnance de l’ablenationalism , qui mesure à quel point le fait de traiter les personnes handicapées comme une exception valorise les normes d’inclusion valides comme qualification naturalisée de la citoyenneté.

Je n’ai pas d’intérêt particulier à visiter la grotte Cosquer et à enrichir ceux qui ont monté ce business mais j’incite les personnes en fauteuil incapables de se lever par leurs propres moyens à défendre leur droit de choisir ou pas de réaliser cette visite et à la faire, le cas échéant, dans les mêmes conditions que celleux qui sont capables de se mettre debout.

Si quelqu’un lance une pétition pour une mise en accessibilité universelle, je suivrai, bien que ce soit plutôt un procès qui devrait être lancé

Illustration 1
Illustration 2

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Description d'image 1: Deux femmes de dos, dont une sur un fauteuil roulant électrique, regardent sur un écran des images de la réplique de la grotte Cosquer.

Image 2: Renaud Muselier, président du conseil régional de la région PACA accompagné du prince Albert de Monaco et quatre autres personnes  se promènent à l'intérieur de la reproduction de la grottte Cosquer à bord d'une nacelle.

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