Plus j’écoute l’actualité, les journaux, mes amis, même ma famille, plus j'ai l'impression que ce monde ne tourne pas rond et qu'il y a un mal dont les racines sont profondément ancrées, sans que la majorité des gens n'arrivent bien à l'identifier. Un maux bien ancré mais dont on arrive pas à mettre le mot dessus, et in fine trouver un remède. Car comment soigner quelque chose qu'on n'arrive pas à penser? Il nous faut d'abord dresser un constat de ce mal afin de pouvoir en palper la matérialité, mettre le mot dessus et enfin proposer des solutions.
Nous constatons que notre époque est lugubre. Ce constat, c’est celui qui se dresse quand à 2500km une guerre se déroule impliquant de trop nombreux civils, dont les vies sont brisées et l’avenir noirci. C’est celui qui se dresse quand les deux tiers des richesses produites tombent dans l’escarcelle des 1 % les plus riches tandis que l’inflation érode le pouvoir d’achat de certains ménages.i C’est celui qui se dresse quand le rapport du GIEC 2022 fait le bilan de 3,3 à 3,6 milliards de personnes qui vivent dans des conditions d’extrême vulnérabilité au changement climatiqueii.
L’urgence climatique, c’est chaque jour qu’elle nous apparaît, quand on voit à la télé des inondations, des cataclysmes se déroulant aux quatre coins du monde. Et aussi chez nous en France, où la canicule est de plus en plus dure chaque année et entraîne avec elle des forêts en flamme. Rappelons nous cet été du côté de Bordeaux. 62 000 hectares sont parties en fumées au total en France en 2022iii. ça nous paraît dramatique et pourtant on nous dit qu’il faut s’habituer, qu’avec le réchauffement climatique la situation va devenir de plus en plus récurrente. Qu’est ce qui est fait actuellement pour régler ce problème à l’heure où Total voit ses profits exploseriv ? Quelles solutions nous sont proposés ? En 2035, interdiction de production de véhicules thermiques ? Attendre 2035, pour régler un seul soucis ? Alors que la planète brûle ? « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », ces propos de Jacques Chirac en 2002 apparaissent d’autant plus d’une vérité crue à l’aune de notre quart de siècle. Rappelons que lui même n’a rien mis en place pour endiguer ce phénomène alors qu’il était le chef de l’État.
L’urgence est climatique mais elle est aussi sociale et nous ne devons pas l’oublier, est-il normal en 2023 de mourir dans un hôpital public en attendant qu’on vienne nous prendre en charge ?v C’est le cas d’Achata, 79 ans, décédée des suites d’une détresse respiratoire dans un hôpital Parisien ; sujet traité par Médiapart qui montre les défaillances du système de santé public. C’est effarant de voir dans quel état est notre service public Français, détricoté depuis tant d’années. Il faut aussi noter qu’en dix ans, le nombre de gens sans domicile fixe a plus que doublé, arrivant au chiffre mirobolant de 330 000 sans abris et au chiffre de plus de 4 millions de personnes mal logées et de 12 millions de personne en situation de fragilitévi. Mais la seule chose qui intéresse l’exécutif actuellement, c’est de faire reculer l’âge de la retraite. Même pas pour, comme ils le disent « sauver le système par répartition », puisqu’il s’agit d’un léger déficit sur une décennie, mais pour tout simplement remettre à l’équilibre leur budget suite aux différents cadeaux faits aux grands patrons durant la pandémie de COVID19. Et tout ce que fait la gauche actuellement c’est se défendre, organiser des manifestations pour tenter de contre-carrer dans la rue cette réforme pour espérer garder nos 62 ans, sachant que l’âge de vie en bonne santé est de 63,7 ans ; ce qui laisse déjà assez peu de temps pour profiter de sa retraite. Cela nous démontre encore une fois que nous n’avons plus le contrôle, nous n’imposons plus l’agenda politique, nous le subissons. Tout comme nous subissons l’urgence climatique et sociale.
Même l’usage des mots n’est plus sous notre contrôle, ils ont été dévitalisés et remplacés afin de s’inscrire dans un schéma néolibérale où le seul point important est de créer des richesses. On a totalement renversé la sémantique dans le champ médiatique actuelle où l’on dit toujours que la richesse est créée par les patrons, mais est-ce que c’est le patron qui se retrouve sur son poste de travail à utiliser sa force de travail afin de créer quelque chose de ses mains ? Qui façonne la matière afin de faire naître un objet ? Qui pose des parpaings afin de faire s’élever un mur ? Qui nettoie même son bureau ? Qui crée la richesse dans ce pays ? Le patron qui donne de l’argent ou l’ouvrier qui le transforme en matière palpable, visible dans le réel ? Pour utiliser un exemple plus classique, qui a créé les pyramides, les pharaons ou les esclaves qui ont acheminé les blocs de pierre ? Le renversement de cette sémantique est encore plus insidieuse et générale, on ne parle plus d’employé, on parle de collaborateur. On ne parle plus de licenciement mais plan de sauvegarde à l’emploi.
Créer des richesses, non pas pour enrichir les plus pauvres mais pour faire grossir les plus grosses fortunes, rappelons qu’entre 2008 et aujourd’hui, le nombre de milliardaire a quadrupler. Des richesses en exploitant la nature, en prenant plus que ce qu’elle peut nous apporter chaque année. En 2002, ce fut le 28 juillet que la journée du dépassement s’est réalisée. Nous arrivons bientôt à la moitié de l’année à ce rythme là, c’est-à-dire à la consommation de ce que peut régénérer deux fois notre planète chaque année. Ce n’est même plus exploité, c’est pillé les richesses que peut nous apporter notre planète. Mais aussi en exploitant les classes populaires, qui s’appauvrisse chaque année, malgré une année assez exceptionnelle d’augmentation des salaires, notamment pour les ouvriers et employés qui voient leur salaire augmenter de 4,5 %. L’inflation étant de 6 %, mécaniquement les ouvriers ont perdu en pouvoir d’achat 1,5 %vii. Où est donc passé cet argent ? Indice, en 2022, les dix premières fortunes Françaises ont gagné 189 milliards d’euroviii. N’oublions pas que l’argent ne disparaît pas, il passe simplement d’une poche à une autre.
C'est ce système néolibéral qui nous conduit tout droit vers le mur, c'est ce mot qui nous cherchions. Il est un virus qui a infiltré toutes les sphères de notre société et qui nous laissera bientôt une planète dévastée ; dont les richesses auront été pillées, où une bonne partie de sa surface sera inhabitable après y avoir chassé en masse ses habitants qui se retrouveront obligés d’immigrer afin d’essayer de trouver une place, qui leur sera sûrement refusé quand on connaît le système actuel et dont une bonne partie disparaîtra dans ces déplacements, dont la misère humaine sera exploité à des fins d’enrichissements. Tout comme toute immigration est bonne tant qu’elle permet de créer des richesses selon les gouvernements successifs et même de Gauche.
N’oublions pas que ce système n’a de libéral que le terme, où est la liberté dans un monde où nous ne récupérons pas la richesse que nous avons créé, où est la liberté quand les opinions divergentes sont marginalisées et accusées de « bordélisez le pays », n’oublions pas les propos de Darmanin ; enfin où est la liberté quand une partie de la population est discriminée et n’a pas accès aux mêmes chances que les autres ? Tant les femmes, plus précarisées en général avec 76 % en temps partiel et un salaire de 28,5 % inférieurix ; que les personnes racisées qui ont le sentiment à 91 % d’être victime de discriminationx.
Nous sommes en 2023, j’ai 25 ans et j’ai l’impression d’entendre depuis déjà plus d’une décennie les mêmes problèmes qui tournent en boucle, sans qu’aucune solution n’ait été apportée. Pourtant j’en ai vu, j’en ai entendu des discours traitant de ces questions là. Des paroles, des paroles comme disait bien Dalida.
Alors que faire ? Il n’y a pas de solution miracle, de formules toutes prêtes, de livre pouvant résoudre tous nos problèmes ; mais nous avons les moyens de nous engager, intellectuellement et collectivement, afin de réfléchir à des alternatives. 2023, doit être l’année de l’engagement, nous ne pouvons plus rester les bras croisées devant la précarisation des classes populaires et du climat. Nous devons nous réapproprier la planète, la rue, les assemblées et même notre langage.
C’est nous citoyen lambda, personne ordinaire, femme, homme, non-binaire, cis ou trans, racisé ou non ; nous tous, tous ensemble, qui devons nous engager pour un monde meilleur. C’est par nos actions collectives, par nos échanges, par nos espoirs et parfois nos désillusions que nous arriverons à forger un monde nouveau. Un monde qui se construit en respect de sa planète et ses habitants, un monde où chacun pourra trouver sa place quel qu’il y soit, un monde où on pourra réclamer notre droit au bonheur. Car au final l’engagement politique et associatif n’est ce pas juste exprimer son droit au bonheur pour tous ? Ce n’est effectivement pas le cas actuellement mais c’est cette raison qui nous doit pousser à l’engagement, non pas pour nous-même mais pour les autres.
Nous devons nous engager car c’est le seul moyen de changer les choses.
« La guerre est une chose trop sérieuse pour la laisser au militaire » disait Clémenceau et bien nous pouvons dire aussi que « La politique est une chose trop sérieuse pour la laisser aux politiciens ».
Sources:
ihttps://www.inegalites.fr/Hausse-des-prix-quel-impact-sur-la-pauvrete
iihttps://pour-un-reveil-ecologique.org/fr/articles/6e-rapport-du-giec-synthese-du-2eme-volet/
iiihttps://www.sudouest.fr/faits-divers/incendies/incendies-en-gironde/incendie-du-siecle-en-gironde-retour-sur-un-ete-de-feu-12207018.php
ivhttps://www.mediapart.fr/journal/fil-dactualites/080223/profits-record-de-totalenergies-ruffin-denonce-la-complicite-de-l-etat
vhttps://www.mediapart.fr/journal/france/220123/aux-urgences-l-agonie-ordinaire-d-achata-79-ans-sacrifiee-en-salle-d-attente
vihttps://www.fondation-abbe-pierre.fr/sites/default/files/2023-01/REML2023_CAHIER4_Les%20chiffresdumallogement.pdf
viihttps://www.latribune.fr/economie/france/salaires-une-augmentation-de-3-8-en-2022-gommee-par-l-inflation-951247.html
viiihttps://reporterre.net/Les-milliardaires-n-en-finissent-plus-de-s-enrichir
ixhttps://www.oxfamfrance.org/inegalites-et-justice-fiscale/les-1-pourcent-les-plus-riches/#:~:text=Mais%20la%20tendance%20mondiale%20est,en%20ont%20capt%C3%A9%20que%2012%25.
xhttps://www.francetvinfo.fr/societe/racisme/sondage-racisme-91-des-personnes-noires-ont-le-sentiment-d-etre-victimes-de-discrimination_5658932.html