A seulement quelques minutes d’intervalle, pléthore de brefs messages en anglais s’affiche sur l'écran. « Confirmé – Samedi Manifestation de la Mer Verte – Square Enghelab – Moussavi, Karoubi et Khatami participeront ». Certains messages sont plus inquiétants « Conseils : voyagez en groupes – Informez toujours quelqu’un de l’endroit où vous allez ». Et puis : « Pénurie de sang dans les hôpitaux – Donnez votre sang ».Depuis peu, « persiankiwi » est la nouvelle icône du web 2.0. Sur le site twitter.com, cet internaute publie en quasi-continu des tweets –ces « gazouillis » ou petits messages de 140 signes qui ressemblent à des sms- sur la situation à Téhéran. Un journaliste cantonné à l’anonymat ? Un membre des services secrets ? Un internaute acharné ? Un oppositionnel privé de voix ? Pas la peine de cherche plus loin. On ne sait pas qui est ce « persiankiwi », excepté qu’il ou elle doit avoir un certain sens de l’humour. Son nom d’écran rappelle en effet curieusement le nom du site pornographique « Persian Kitty’s »…Au lendemain des élections iraniennes, cet utilisateur de Twitter, service de « mirco-blogging » fondé par une start-up de San Fransisco, a vu le nombre de ses lecteurs s’envoler. Plus de 20.000 inscrits suivent à présent son profil. Depuis que le gouvernement iranien a interdit aux journalistes étrangers de quitter leur bureau ou leur hôtel et refuse de renouveler les visas de presse, le flux d’informations en provenance d’Iran aurait du s’amoindrir. Pourtant, les manifestants sont là, sous nos yeux. Ils ne sont plus sur nos écrans ou dans nos articles de journaux, dont correspondants et éditorialistes peinent à suivre les mouvements. Ils sont sur notre toile, sur nos téléphones portables : Youtube avec ses vidéos amateurs souvent prises depuis des mobiles, Facebook et ses « newsfeeds », blogs personnels. Avant les élections présidentielles, la page Facebook du candidat Mir Hossein Moussavi, véritable outil de campagne, avait été censurée. Les réseaux téléphoniques sont régulièrement coupés et l’envoi de sms bloqué par le gouvernement. Mais des sites comme Twitter, qui utilise un système API (application programming interface), sont presque impossibles à censurer et les internautes iraniens contournent la censure de leurs blogs en utilisant d’autres proxys. Cette situation chamboule complètement notre approche de l’information. Au point qu’on pourrait presque se demander si celle-ci ne va pas remettre profondément en question notre rapport à l’image, au son, à l’écrit, à la retranscription. Certes, le principe des vidéo amateurs et le facteur émotionnel que celles-ci véhiculent n’est pas complètement nouveau. On a pu voir comment dans d’autres situations, comme dans les heures suivant les attentats du 11 septembre ou durant l’offensive israélienne sur la bande de Gaza au mois de janvier dernier, des vidéos amateurs et des blogs de particuliers pouvaient devenir des sources d’informations particulièrement recherchées.Mais dans le cas présent de l’Iran, nous disposons uniquement de ce type d’informations. Nous ne pouvons donc pas nous reposer sur le correspondant que nous apprécions -ou détestons- et dont nous pensons pouvoir évaluer le travail d’après notre grille personnelle de lecture politico-sociale. Non, là, il semble que nous nagions en terrain complètement inconnu, dont il faut apprendre à maîtriser les codes, qu’il faut fouiller, trier, ordonner. Difficile de dire si le manque d’informations fiables et l’abondance de nouvelles informelles opèrent un sentiment de proximité avec la situation politique actuelle en Iran. Les images et les commentaires nous parviennent presque sur le champ. Mais notre manque de recul, notre difficulté à analyser ce type d’informations nous empêche de réagir en temps voulu, ce qui voudrait dire maintenant. Par effet de miroir. A l’ère de la globalisation virtuelle, les évènements politiques en Iran sont peut-être en train d’apporter une touche décisive à une révolution de l’information, qui a déjà bien tracé son chemin. Pas toujours facile de prendre le train en marche… La jeunesse iranienne, en tout cas, ne nous a pas attendus…
Billet de blog 19 juin 2009
Gazouillis iraniens
A seulement quelques minutes d’intervalle, pléthore de brefs messages en anglais s’affiche sur l'écran. « Confirmé – Samedi Manifestation de la Mer Verte – Square Enghelab – Moussavi, Karoubi et Khatami participeront ».
Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.